LE SALON DE THÉ
LE SALON DE THÉ

LE SALON DE THÉ

Pièce n°1837
Écrite par Sol'stice
Explorée par Analayann
En compagnie de Devhinn, Jad de Salicande & Ombre
Fait partie de la saga << < Chutes prophéties et assimilées > >>

 — Par ici.
 La main de Devhinn revient sur mon épaule, me guide vers l’avant. Je me laisse faire. Le passage où il m’emmène est si étroit que mes manches en frôlent les bords, dans un bruissement de porcelaine et des cliquetis métalliques. Le brouhaha ambiant incessant a laissé place à un silence feutré, le sol sale et froid à de la moquette sous mes pieds. Des arômes diffus ont remplacé l’odeur terreuse et oppressante d’un lieu souterrain – l’impression d’enfin respirer à nouveau, qu’un peu du brouillard qui noie mes pensées s’estompe.
 — Là.
 Ma jambe tape contre une banquette, ma main contre le rebord d’une table. Maladroitement, sur une incitation de Devhinn, je me glisse entre les deux. À tâtons, je me déplace sur l’assise jusqu’à sentir la présence de Jad juste à côté de moi. De l’autre côté, Devhinn repart. L’envie, le besoin de m’accrocher à Jad de toutes mes forces, revient m’étreindre. À la place, je crispe mes doigts sur le bord du siège.
 — Ça va ?
 Sa voix, toute proche, manque de me faire sursauter. Sa voix. Sa présence, son souffle, les battements de son cœur. Il est là, il est vivant. Le vertige me saisit. Pour la première fois depuis trop longtemps, trop longtemps, l’espoir formulé il y a une éternité sur un banc n’était pas vain. Vivant. Naît une première fois pour m’être arraché aussitôt, je me refusais d’y croire une seconde.
 — J’ai perdu ton bâton, parviens-je seulement à bredouiller.
 Une demie-seconde de silence décontenancé, puis une sorte de rire pas vraiment joyeux.
 — Ce n’est pas grave. Ce n’est vraiment pas grave.
 Un instant, il n’y a plus que le son de sa respiration. Courte, essoufflée. Je me rappelle d’à quel point j’ai senti ses os à travers ses vêtements tout à l’heure. Que lui est-il arrivé ? J’ai peur de lui demander comment lui, il va. 
 Un mouvement sur ma droite. Ombre se blottit contre moi et je me blottis contre ellui, je laisse sa présence m’apaiser et la frontière entre nos pensées se brouiller.

Le creux d’une alcôve, comme il y en a d’autres le long des couloirs serpentant dans la pièce. Des étagères couvrent les murs, débordant de théières et de tasses, de toutes les formes et de toutes les couleurs, au milieu des bijoux, colliers et pendentifs suspendus. Sur la table devant nous, un service à thé, comme abandonné, avec encore un peu de liquide ambré au fond de certaines tasses et des serviettes froissées. — 

 Les mots, à défaut d’images, me bercent, comme les lents va-et-vient de ses doigts sur mon bras. Quelques étincelles blanches dansent dans ma vision, s’estompent.

Laisse, tu es fatigué.e. — 

 Des pas étouffés signalent le retour de Devhinn avant qu’il ne tire une chaise sur la moquette de l’autre côté de la table, s’y assoit. Pas tout à fait, sur ses gardes.
 — J’ai l’impression qu’on est tranquilles ici pour le moment. On reste groupé.es, d’accord ? Personne ne s’éloigne et surtout personne ne passe de porte.
 J’acquiesce, Ombre aussi. Jad donne son assentiment. Devhinn soupire sans se détendre pour autant. Dans l’air flotte la tension des discussions sérieuses, celles qui ne font pas plaisir et exigent des réponses. Ces dernières m’effraient. Le brouillard au bord de son esprit s’épaissit à nouveau, bordé de douleur sourde et diffuse. L’empreinte tiède de la paume d’Ombre sur ma peau ne suffit plus à me calmer. Tiède. Fatigue. Douleur.
 — Ombre ! Tu es blessé.e !
 Le cri m’échappe alors que la réalisation me percute.
 — Non, pas du tout. Qu’est-ce qui te…
 Iel dément aussitôt, pas assez vite pour retirer ses pensées des miennes et dissimuler la vérité. Douleur, pas tout à fait mienne.
 — Ne raconte pas n’importe quoi ! Montre-moi, s’il te plaît.
 Je retiens ses doigts qu’iel tente de retirer, lui demande le plus doucement possible. Je m’en veux. Je m’en veux de ne le réaliser que maintenant, de ne pas plus avoir fait attention à ellui, de ne pas avoir cherché plus derrière son excuse tout à l’heure. Iel maugrée, sait qu’iel ne peut plus s’esquiver, d’autant plus que la chaise de Devhinn a grincé lorsqu’il s’est penché en avant, plus vraiment assis.
 — C’est rien du tout. Une coupure à la cheville, rien de grave.

Comment tu t’es fait ça ? Quand ? Pourquoi tu ne l’as pas dit plus tôt ? — 

 Je retiens mes questions inquiètes, j’ai peur qu’iel ne les prenne pour des reproches, et s’iel les entend franchir la barrière de nos pensées, iel se garde bien d’y répondre. Bruits de coupelles sur la table, Devhinn renifle les restes de liquide avant de demander son avis à Jad.
 — Ça ne m’a pas l’air empoisonné.
 — À moi non plus. Je vais quand même voir si je trouve pas de l’eau quelque part. Ne bougez pas.
 Et Devhinn s’en va. Ombre a ramené son talon sur le siège, s’agite vers sa cheville qu’iel protège farouchement quand Jad essaie de se pencher par-dessus moi pour mieux voir.

Bas les pattes ! — 
Il veut juste t’aider. — 

 Le son inaudible qui suit tient presque du feulement, comme celui qu’iel émet entre ses dents quand je tente d’approcher la main à mon tour.

Ombre, s’il te plaît… — 

 J’ignore comment me rendre utile alors qu’iel me repousse, l’impuissance se mêle à sa douleur qui continue à tambouriner en périphérie de mon esprit, à la fatigue, à la migraine, conséquence de ma dernière vision, qui me tape derrière les yeux, à la détresse d’être dépassée par tout ce qu’il se passe. Bruits de pas, cliquetis de chaînes, de vaisselle contre le bois. 
 — Tenez, annonce Devhinn. C’est tout ce que j’ai trouvé, mais ça devrait faire l’affaire.
 J’entends le clapotis de l’eau dans un récipient. Une table où des clients sont partis en oubliant de faire infuser leur thé, explique-t-il. Il n’a croisé personne. Au jugé, je tends la main dans sa direction, tâtonne, accroche un rebord de pot et l’entraîne dans ma maladresse. Le récipient se renverse avec fracas, l’eau encore tiède éclabousse la table, ma manche, mes genoux, probablement ceux d’Ombre et de Jad aussi.
 — Oh non ! Je suis… je suis désolée… Je…
 — Eh, eh, Analayann… ce n’est pas grave. Tu es sûre que tout va bien ?
 — Je…
 — Vous ne lui avez pas dit ?
 Il y a de la suspicion dans la voix de Devhinn, un peu de consternation aussi. Je me tasse sur moi-même.
 — Me dire quoi ? s’inquiète Jad.
 Ombre hausse les épaules, le mouvement se propage aux miennes.
 — Pas eu le temps, marmonne-t-iel.
 Le temps, excuse pratique. Il y a aussi, surtout, une part de moi qui redoute d’avouer à quel point je suis faible, vulnérable. Misérable. Devhinn soupire.
 — J’imagine qu’il y a eu en effet beaucoup d’autres choses auxquelles penser, concède-t-il.
 — De quoi est-ce que vous parlez ? 
 Face à l’insistance de Jad, je me mords la lèvre. Je sens le regard de Devhinn peser sur moi, son silence se prolonger encore un peu pour me donner une chance de le dire moi-même, et la réprobation d’Ombre.
 — Je…
 Les mots butent, ont du mal à sortir.

Il n’est pas obligé de savoir. — 

 J’ai envie de croire Ombre. Mais je n’ai pas envie de mentir à Jad. Je frissonne, et ça ne peut pas entièrement à cause de ma tunique trempée. L’inspiration suivante que je prends est profonde. Elle tremble un peu sur la fin.
 — J’ai perdu la vue. Pas définitivement hein ! Ombre me partage la sienne quand iel peut. Et il y a les pièces d’Emmanuel aussi ! Et mes visions, mais je ne sais pas si ça compte vraiment, et…
 — Shh, shh, calme-toi, Analayann…
 Je m’emporte, je m’embrouille et je balbutie, pressée de me justifier pour quelque chose que je ne maîtrise pas. Jad m’attrappe par l’épaule, me secoue doucement pour l’obliger à l’écouter et je me tourne instinctivement vers lui, cherche son regard que je ne peux pas croiser.
 — Ça va aller, d’accord ? Tu vas m’expliquer ce qu’il s’est passé, et on va trouver une solution ensemble. OK ?
 J’acquiesce tandis qu’Ombre objecte :
 — On a déjà une solution qui fonctionne, je lui partage ma vue.
 — Quand tu peux le faire.
 Ombre ne répond rien à l’argument de Devhinn mais son agacement court sur ma peau. Je cherche sa main à côté de moi, presse mes doigts dans les siens, autant pour lea rassurer que pour y puiser le courage de tout raconter. Parce que, de fil en aiguille, de ma première vision à mon réveil dans les cachots, j’évoque le combat contre Aden et le frère du petit grand nain, la Créature, ma détention, notre fuite, nos multiples séparations et tentatives pour nous retrouver au milieu de nos errances, entrecoupées par toutes les choses que j’ai vues sans y être. Je termine sur l’entité derrière son comptoir, avec ses nombreuses mains, ses yeux plus nombreux encore, tout ce qu’il avait dans sa réserve et mon réveil en sursaut dans la pièce qui bougeait. Ça fait beaucoup, qui me laisse à bout de souffle, presque au bord des larmes qui ne veulent pourtant pas sortir. Remuer tout cela fait mal. Je ne voulais pas me souvenir de la sensation de marcher au hasard, seule, dans le Château, sans savoir où je vais, celle de perte perpétuelle, celle de le croire mort. Il s’est tendu à la mention de cette dernière, crispant ses doigts sur mon épaule qu’il n’a pas lâchée, a tiqué quand j’ai parlé de la prophétie. 

Tu ne m’avais pas parlé de tes visions. — 

 Je console la peine que je perçois dans la pensée d’Ombre comme je peux. Je ne l’avais dit à personne, en réalité. Pas eu le temps, pas eu l’occasion, et je sens qu’elles provoquent également l’intérêt et la réflexion des deux autres. Ombre soupire sans un bruit, courant d’air dans nos pensées.
 — Humhum… réfléchit Jad avant de demander : Je peux ?
 Avec mon autorisation, il prend mon visage en coupe dans ses mains, approche ses doigts de mes yeux. Je perçois leurs mouvements sans les voir, je sens aussi Ombre se tendre dans mon dos, sur la défensive.

Ça va aller, ne t’inquiète pas. — 

 Iel ne se donne pas la peine de répondre tandis que Jad approche son visage du mien pour regarder. Je devine sa présence juste devant moi et j’essaie de me rappeler de ce à quoi il ressemble, de ses yeux noisettes et des paillettes argentées qui y dansent.

Pas tant d’argenté que ça. — 

 La réflexion d’Ombre, qui a fini pendant ce temps de panser sa blessure et a noué un bout de tissu propre dessus, me sort des miennes. Iel répète face à mon incompréhension, toujours sans un bruit :

Ses yeux, au magicien. Y’a bien de l’argenté dedans, mais moins que ça. — 

 Ça, l’image que je peins derrière la façade aveugle de mes yeux. La respiration se bloque dans ma poitrine. Ce n’est pas une image que j’ai fabriquée. C’est un souvenir, j’en suis certaine. Le peu que j’ai m’est trop précieux pour ne pas tous les connaître par cœur, pour déformer le moindre d’entre eux. Jad a senti mon trouble car ses gestes se sont arrêtés. Ses doigts sont toujours posés sur mes pommettes, juste sous mes yeux. Doucement, étouffant l’inquiétude dans un seul tremblement de voix, je demande :
 — Jad… qu’est-ce qui est arrivé à ta magie ?
 Même s’il maîtrise un mouvement instinctif de recul, celui-ci me traverse tout de même.
 — Rien… rien de grave. Je suis juste fatigué. Elle reviendra quand j’aurais repris des forces, c’est tout.
 Il y a, derrière ses mots, bien plus que ce qu’il veut bien dire. Beaucoup de souvenirs, beaucoup de douleur aussi. Beaucoup de choses sur lesquelles il préfère garder le silence, qui me font mal tout de même. 
 — Tu n’as pas à en parler si tu n’en as pas envie… commence maladroitement Devhinn, mais est-ce que tu es blessé ?
 — Non. Je… J’ai été soigné. Il faut juste que je me repose.
 — Tant mieux, j’imagine. Je me demande…
 Devhinn marque une pause, empreinte de réflexion et de méfiance.
 — Aden nous a dit que tu étais mort…
 Et je l’ai cru. Et j’ai toujours du mal à réaliser qu’il est vivant en réalité. Ombre grogne.

Ta blessure ? — 
Ça va, t’inquiète. — 

 — Il vous a menti.
 Le démenti de Jad sonne beaucoup moins assuré qu’il l’aurait voulu.
 — … ou… poursuit Devhinn. Vous croyez que ça peut être un autre Paradoxe ?
 Silence. Profonde réflexion. Peser le pour et le contre, les arguments en faveur, en défaveur. Je n’ai pas envie. Je ne veux pas que ce soit un Paradoxe, parce qu’alors ça voudrait dire qu’Aden a dit la vérité. Qu’à un moment, Jad était réellement mort.
 — Peut-être.
 Celui-ci, après une réponse laconique, reprend son examen de mes yeux sans un mot de plus. Sait-il ce qu’est un Paradoxe ? A-t-il songé à la même chose ?
 Le silence se prolonge. Ombre appuie sa joue contre mon dos, glisse ses doigts dans mes cheveux jusqu’à ce que Jad retire les siens de mes joues.
 — Je suis désolé, je ne peux rien faire pour le moment mais… peut-être, quand je serai plus en forme et que ma magie sera revenue…
 — Hmmhmm, ce n’est pas grave. Quelque part… je suis habituée.
 Impossible de ne pas entendre l’amertume qui déborde dans ma voix malgré mes efforts et qui teinte le sourire sans joie que je force. Les bras d’Ombre se nouent autour de mon torse, me pressent contre ellui dans une étreinte réconfortante. Son corps contre le mien fait rentrer dans mes côtes ce qui se cache dans mes poches.
 — Attends…
 Je me dégage, cherche à tâtons une serviette sur la table et plonge délicatement la main dans ma poche. J’effleure le miroir, cadeau lointain de Jad, saisis dans le bout de papier souple la minuscule rondelle de métal qui se cache dans les replis du tissu, et la pose sur la table sans la toucher. Elle teinte sur le bois. Iels reconnaissent la pièce offerte par l’homme dont j’ai renversé les affaires tous à l’heure.
 — Une autre pièce d’Emmanuel… souffle Devhinn.

17 centimes. — 

 — Je me souviens de la première que vous aviez, avec Ombre, celle qui était liée à la pièce dorée. Il y en a donc d’autres comme elle ? interroge Jad.
 — Hum… Et… et quand je les tiens et Devhinn aussi, je vois par ses yeux. Même si… même si j’ai l’impression que c’est différent avec celle-là. J’étais la seule à la tenir tout à l’heure…
 — Et on a, je crois, tous perdu momentanément perdu la vue, complète Ombre.
 Les règles ne sont pas les mêmes. Avec ma permission, les autres la prennent chacun.e leur tour, la font tourner entre leurs doigts. Rien ne se passe. 
 — Ce n’est, hasarde Devhinn, peut-être pas prudent de l’utiliser. Du moins pour le moment. Si elle prive réellement tout le monde dans les parages de la vue… S’en servir risque d’attirer l’attention sur nous.
 Il y a des excuses, dans sa voix, de me priver encore plus d’un sens qui me fait déjà défaut. Je comprends. C’est dur mais je comprends. Après un dernier tour entre les mains de Jad qui ne détecte aucune magie particulière dessus, la pièce retrouve, avec précaution, le fond de ma poche. Je frissonne.
 — Tiens.
 Par-dessus le plateau de la table, Devhinn pousse jusque dans ma main une poignée de serviettes et Jad m’aide à éponger le gros de l’eau qui imbibe mes vêtements. Je me débarbouille grossièrement au passage, mes compagnons de voyage font de même. Qu’est-ce que j’aimerais pouvoir me laver correctement et changer mes habits, crasseux, rigides de poussière et de tout ce quand quoi ils ont traîné. Cependant, je ne me fais pas trop d’illusion, ce n’est pas le genre de confort auquel nous avons pu être habitué.es jusque-là. J’aide comme je peux Jad à tresser ses cheveux devenus trop longs qui l’encombrent en attendant de trouver une meilleure solution.
 On se hasarde à boire, d’abord quelques gorgées, puis à grandes goulées quand la soif devient plus forte que notre volonté, des fonds de tasses à notre disposition. Amers, sucrés, fruités, les restes de thé froids ne se ressemblent pas et se mélangent. Ombre guide chacun de mes gestes, épouse les mouvements de mon corps qui se fait de plus en plus lourd.

Tu devrais dormir. — 
C’est à moi de te dire ça, tu es plus fatigué.e que moi. — 
C’est toi qui as les yeux qui se ferment tous seuls. — 

 — Je n’ai pas sommeil, je râle à voix haute.
 Trahie par mon propre corps, je sens l’amusement des autres. Leur lassitude aussi. 
 — Dormez, je vais faire le guet.
 J’aimerais protester, mais la proposition de Devhinn est tentante. Très tentante. Le poids sur mes épaules que je repoussais jusque-là prend désormais toutes ses aises, m’enfonce dans le siège où je me sens glisser.
 — Tu es sûr ? lui demande Jad.
 J’entends à peine sa réponse.

Viens. — 

 Ombre m’invite à me blottir plus confortablement contre ellui. Je remue, me cale entre ellui et Jad qui passe un bras autour de mes épaules avant de le retirer quand Ombre bouge et que leurs peaux se frôlent. Le monde, mes perceptions deviennent floues, cotonneuses. Je redoute de m’endormir, de vivre une nouvelle vision, qu’à mon réveil je sois seule à nouveau. Un instant, je me sens sombrer. Puis tout s’efface.

 J’ai la surprise d’un sommeil sans rêve. Pas que je m’en souvienne en tout cas. La surprise également d’un réveil confortable, aux côtés de mes compagnon.nes. Toujours là. Tandis que j’émerge, lentement, difficilement, en écoutant les bribes de conversation, je comprends qu’Ombre et Devhinn se sont relayés pour monter la garde, même si Devhinn en a assuré la plupart. Mon esprit est un peu plus clair, la panique précédente a laissé la place à la fragile détermination de profiter de la chance que nous avons plutôt que de continuer à angoisser. La douleur d’Ombre se fait également plus discrète.

Ça va mieux. — 

 Je suis aussi rassurée d’apprendre que Jad se sent en meilleure forme. Lui et Devhinn nous laissent tout.es les deux avec Ombre, le temps d’aller chercher aux autres alcôves d’autres restes. Quand ils reviennent – bruissements de moquette et de porcelaine – nous nous désaltérons. Nous parlons aussi de la suite. Tant qu’aucun danger ne se présente, nous pourrions théoriquement rester ici aussi longtemps que nous le voudrions. Nous sommes à l’abri, au chaud, et nous avons de quoi boire en quantités suffisantes. Reste le problème de la faim qui se fait insistante, doucement mais sûrement, et le fait que nous n’aurons pas de réponses tant que nous n’avancerons pas. Alors, un peu à contre-cœur, nous envisageons de repartir.
 Avec précaution, nous nous levons, nous extrayons de notre alcôve. Ombre collé.e à mes côtés, Devhinn et Jad devant et derrière moi, je suis le mouvement dans les couloirs qui tintent sur mon passage. Les multiples tours et détours me perdent, jusqu’à ce que Devhinn s’arrête.
 — Voilà. La porte.

Plutôt un rideau, au lourd tissu tendu devant une ouverture. — 

 Et, non sans une pointe d’appréhension dans le ventre, tous ensemble, nous la franchissons.

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