Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE SANS NOM ET SANS SORTIE
LA PIÈCE SANS NOM ET SANS SORTIE

LA PIÈCE SANS NOM ET SANS SORTIE

Pièce n°646

la petite muts as la petite muts

J’entre dans une pièce recouverte de murs en granit. Le sol grince sous mes pas, et je frissonne légèrement. L’atmosphère est lugubre et j’ai l’impression d’entendre des voix autour de moi.
– Eh !
Je me retourne presque automatiquement. Je manque de m’évanouir. Une jeune fille me regarde tristement, les yeux rouges et gonflés. J’ai l’impression que ses côtes vont sortir de sa peau tellement son corps est squelettique. Ses vêtements sont en lambeaux et elle tient un morceau de pain rassis. Soudainement, son regard se fige, et elle tombe sur le sol sous mes yeux. Je me mets à genoux et vérifie si son cœur bat encore. Une larme coule de mon œil. Une jeune fille est morte sous mes yeux sans que je ne puisse faire quoi que ce soit ni savoir le pourquoi du comment. Je continue à marcher avec appréhension. Un autre personnage aussi étrange que la fille morte sous mes yeux surgit et empoigne ma jambe. Je le regarde en faisant des yeux ronds. Ses cheveux sont plus longs que son corps, ainsi que sa barbe, sa peau est très ridée, et il porte une robe toute miteuse. Je distingue aussi des cernes sous ses yeux.
– Pitié, pitié ! me supplie-t-il.
– Désolée, monsieur ! je rétorque, angoissée par tout cette mascarade. Je… Je n’ai pas d’argent sur moi !
– Pain ! Pain !
– Je n’ai pas de pain non plus !
Il me dévisage longuement, puis me demande une question très étrange :
– Ton nom ? Quoi ton nom ?
J’ouvre ma bouche… puis la referme. Ma réponse est toute aussi étrange que sa question :
– Je… Je ne sais pas, monsieur.
Il pousse un grand soupir, me lâche, à mon grand soulagement, puis s’asseoit sur une chaise que je n’avais pas remarquée il y a quelques secondes.
– Toi vouloir moi raconter où toi être ?
Je le regarde d’un air abasourdi puis hoche la tête. Il se racle la gorge, comme pour raconter une histoire (en fait, c’est ce qu’il fait, mais bon), puis commence… bah son histoire.
– Avant, moi avoir famille heureuse, moi avoir femme et enfants, puis après, moi partir avec famille moi, puis moi arriver dans château, puis moi et famille moi arrivés dans cette pièce. Toi comprendre pour l’instant ?
J’acquiesce de la tête. Il reprend :
– Puis moi essayer découvrir la sortie, mais moi pas trouver ! Moi et famille moi désespérés…
Soudain, il fond en larmes. Je tente de le consoler et l’incite à continuer son histoire. Enfin, cinq minutes plus tard, le vieillard reprend son souffle, puis continue :
– Après, un jour, moi appeler femme moi pour essayer trouver une solution, mais moi plus me rappeler nom femme moi ! Femme moi non plus plus savoir nom ! Alors, moi comprendre pièce faire oublier nom… Pendant une semaine, famille moi et moi manger avec provisions mais après plus provisions ! Alors, deux jours après, plus petits enfants moi mourir, (Il parle de plus en plus vite, d’un ton paniqué et je sens son cœur s’accélérer.) puis lendemain, femme moi mourir, puis aujourd’hui fille plus grande moi mourir, maintenant, moi tout seul, et moi triste, très triste, tellement triste que…
BOUM ! Le père de famille s’écroule sur le sol, inerte. Je regarde le cadavre sur le sol, le cœur battant. Et si tout ce qu’il dit est vrai ? Que vais-je devenir ? Serais-je comme lui, tellement désespérée que j’en deviendrait folle ? Je cours le plus vite possible, comme une folle, puis me cogne contre un mur. Je m’évanouis, en pensant que je suis vraiment stupide de me cogner bêtement contre un mur.

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