Pièce n°861
Dreameuse as Dreameuse
J’ouvris la porte et soudain, je vis… moi. Des dizaines, des centaines de moi. Le sol, les murs et le plafond étaient tapissés de miroirs, certains me rapetissaient, d’autres m’allongeaient, me grossissaient, m’affinaient… Mais je ne vis pas de porte.
La pièce était grande. Ou petite. Enfin, je n’en savait rien. Les miroirs me troublaient la vue.
-Eho ! m’écriai-je.
-Tais-toi, on dort ! s’exclama une voix.
Je regardai partout autour de moi mais ne vit rien.
-Qui es-tu ? reprit la voix.
Je failli lâchai un hoquet de surprise. C’était mon reflet qui avait parlé. En face de moi, mon reflet paraissait plus petit et plus rabougri. Un miroir déformant.
-Qui es-tu ?! s’impatienta mon sosie.
-Je… je suis une aventurière.
-Oui… On nous a prévenu de ta venue.
-Ah bon ? Qui ça ? demandai-je.
Mais seul le silence me répondit.
Puis soudain, toutes mes répliques, fines, trapues, petites ou grandes se mirent à murmurer la même chose.
-Trouve la sortie ou tu vas mourir…
Ces paroles me firent l’effet d’un courant d’air glacé. Mais je me mis à chercher. Je fis glisser mes mains sur les miroirs.
-Aïe ! criai-je
Je m’étais coupé avec un bout de verre du miroir qui dépassait. Du sang perla le long de ma paume, puis de mon poignet. Mes sosies ricanèrent.
-Arrêtez ! Comment voulez-vous que je me concentre !
Contre toute attente, ils s’arrêtèrent.
-Vous n’auriez pas un kleenex pour m’essuyer ?
Un mouchoir tomba à mes pieds. Décidément, cette salle ne manquait pas de m’étonner !
Je me remis à chercher la sortie. Mais environ trois quart d’heure plus tard, je n’avait rien trouvé. Rien-du-tout. Nicht. Niet. Nada.
-Aidez-moi ! S’il vous plaît !
Mes sosies recommencèrent à ricaner et à se moquer de moi.
-Arrêtez !
Mais ils continuèrent :
-Peureuse !
-Froussarde !
-Pleurnicheuse !
-Arrêtez ! Arrêtez ! Arrêtez ! hurlai-je, mes mains plaquées contre les oreilles.
Une de mes réplique, maigre et grande comme si on l’avait étirée jusqu’à l’infini, me chuchota d’une fausse voix mielleuse :
-Tu vas mou-rir, tu vas mou-rir !
Sans savoir ce que je faisais, je balançais un coup de poing dans le miroir. Je ne put retenir un cri de douleur. Des coupures me tailladaient du poing jusqu’aux doigts. Mon sang tomba sur le sol et éclaboussa les murs, moi avec. Je lâchai un juron que je n’oserais répéter quand un de mes reflets déclara :
-Tu as enfin trouvé le moyen de sortir.
-Je ne vois pas de porte, dis-je.
-Qui t’as dit que tu allais la trouver du premier coup ? rétorqua mon sosie, l’air amusé.
-Mais vous voulez que je m’ouvre les mains ou quoi ?!
Mes reflets prirent le parti de m’ignorer. Mais ce silence voulait tout dire.
-VOUS ETES FOUS ! hurlai-je
Encore un silence.
-MAIS REPONDEZ !!
Prise d’une violente fureur, je frappai tout autour de moi, en braillant comme une forcené. Des tessons de verre se plantèrent dans mes bras, mes mains, et même sur mon visage m’ouvrant la joue, l’arcade sourcilière, les coudes, les paumes de mes mains…
Une de mes répliques qui avait l’air tout droit sortie d’un film d’horreur, ensanglantée et terrorisée en plus d’être déformée par le miroir, me dit :
-Avec tous les miroirs que tu as brisés tu en a pour des années de malheur, enfin, si tu survis… Pour ça, je n’en suis pas si sû…
Avec une force décuplée par la rage, j’assénai un coup à mon reflet qui se brisa en des millions de morceaux. Une porte apparut sous les morceaux de verres. Une porte ? LA porte ! Je pris la poignée, ignorant la douleur lancinante qui me transperçait la peau et la tournai. Une fois entrée, je m’écroulai.