Dreameuse as Dreameuse
La pièce dans laquelle j’atterris était plutôt spacieuse, mais vide. Seul les bruits de mes pas et de mon souffle troublaient le silence. Je fis l’inspection des lieux. Il ne me fallut pas plus d’une paire de minutes pour cela : les murs étaient en pierre et le sol aussi. La porte était à l’autre bout. « Tant mieux ! pensai-je. Je serais vite partie ». Il n’y avait personne, mais je tentai tout de même un « ého ? ». Bien sûr, personne ne me répondit. Pas même celle de l’écho. Le silence qui m’avait paru jusqu’ici reposant me sembla soudainement effrayant, angoissant. Et puis, quelque chose avait changé, je ne sus dire quoi. Je me mis à marcher, la sortie n’était pas à plus d’une centaine de mètres.
Attendez… une centaine de mètres ? Pourquoi la distance me parut tout d’un coup deux fois plus grande ? Un violent et mauvais pressentiment s’insinuait dans ma tête, me sifflant des pensées que je m’efforçais d’ignorer.
Tu vas mourir…
-Arrête, me répondis-je à moi-même. Je n’ai pas peur.
Si… tu as peur…
-Non. Pas du tout.
Menteuse…
-Laisse-moi. Tout va bien.
Au contraire, ça n’allait pas du tout ! Les quelques mètres qui me séparaient de la sortie étaient maintenant des kilomètres, mon cœur tambourinait si fort dans ma poitrine qu’il résonnait dans mon crâne.
Je me mis à courir.
Ça ne sert à rien, tu sais…
J’accélérai.
Regarde plutôt les murs…
Je jetai un regard vers les murs et un cri horrifié s’échappa de ma gorge : ils se refermaient sur moi !
La voix dans ma tête se mit à fredonner.
La pièce… qui se serre… et qui… se resserre… lentement sur cette… pauvre enfant…
Je plaquai mes mains sur mes oreilles. Les murs se rapprochaient. La porte s’éloignait. Mon souffle manquait.
…Qui se serre… se resserre… pauvre enfant…
-Tais-toi, ordonnai-je, la voix tremblante.
…Serre… resserre… enfant…
Je ne pouvais plus ouvrir les bras sans me heurter à la pierre glaciale. Glaciale comme mes larmes qui dévalaient le long de mes joues sans que je ne m’en aperçoive. Glaciale comme la voix qui chantait.
Plus que dix secondes…
Il paraît que le peur fait ressortir des capacités pour la plupart ignorées chez la personne concernée. Pour ma part, elle me faisait pousser des ailes.
Neuf secondes…
La porte cessa de se défiler. La lueur qui s’était éteinte en moi se ralluma. Elle fut vite calmée par les murs qui me broyaient les épaules.
Huit…
Un craquement horrible retentit. Je hurlai de douleur.
Sept…
Six…
Cinq…
Quatre…
Trois…
Je ne courais plus, je boitais, et un de mes bras pendait, inerte, le long de mon corps. Qu’est-ce que j’avais mal !
Deux…
Mon corps tout entier menaçait de se briser comme la coquille d’un œuf.
Un…
Ma main valide se rapprocha de la poignée.
Zéro…
Dès que ma main entra en contact avec la poignée, les murs disparurent comme par enchantement. Je soupirai et m’essuyai le front. Avec la main auparavant morte ! Mais je ne ressentais plus aucune douleur et mes os semblaient s’être remis en place.
Ce qui venait de m’arriver était digne d’un mauvais film au scénario s’essoufflant, servant ainsi une fin aussi prévisible qu’inexplicable. Mais j’étais en vie ! Je me mis à rire, cela faisait si longtemps que mes lèvres me faisaient atrocement souffrir en s’étirant. Je m’en fichais.
-Tu ne m’as pas eu ! Je ne suis pas morte ! hurlais-je entre deux éclats de rire. Je vais sortir ! Bon débarras !
Je tournai la poignée.
Adieu.