Lorsque je me réveille, je suis allongée dans un lit. Les vestiges de mon songe s’évanouissent peu à peu. Un drap me recouvre, laissant passer des courants d’air froid le long de mes jambes. Je grelotte. Mes mains sont glacées. Je me lève, posant mes pieds nus sur le carrelage, tremblotante, et me dirige vers un lavabo d’une salle de bain pour me laver les mains et rincer mon visage.
L’eau froide me fait un choc.
Il y a un second lit adjacent au mien dans la chambre ; Miri y dort paisiblement. Son corps est couvert d’une épaisse couverture et, en dessous, de bandages encore blancs et propres. Je la regarde pendant quelques minutes, la tête dans les nuages, l’esprit vide.
Un plateau de nourriture a été déposé avec soin sur une table de chevet. Les pâtes molles et la viande d’origine inconnue sont accompagnées d’un yaourt sucré et d’une pomme. J’empoigne une bouteille d’eau et la porte à ma bouche, puis je m’assois sur mon lit. Mes mouvements sont automatiques ; je mange mon repas au même rythme qu’un robot.
Alors que je suis en train d’avaler une délicieuse bouchée de mon yaourt –ceux avec les pots bleus aux fonds ronds qui ont parfois des arômes à la fraise ou à l’abricot, ces arômes très forts du réfectoire municipal¬– le docteur Delattre entra, sans frapper ou prévenir. Ce qui est toujours très agréable.
Sa bouche s’entrouvrit en un grand o étonné, un peu lune un peu soleil, un o de tous les jours, un o de calligraphie, formé par deux lèvres, l’une recourbée, l’autre soulevée, des lèvres étirées, et des yeux écarquillés, deux joyaux, deux onyx, surmontés de sourcils retroussés et broussailleux. Des rides perlent au coin de ses yeux, ces petites rides invisibles, qui montrent l’emprise que le temps a sur le corps. Un visage fier, bien que fatigué et triste. Un visage qui inspire confiance, contre des actions qui appellent à la méfiance.
Sa voix, basse, ténor, parcourue de légers tressaillements si caractéristiques de l’âge, fend le silence :
Bonjour, Saralé, commence-t-il doucement.
Son ton me rappelle celui qu’utilisent les dresseurs qui veulent calmer des bêtes affamées.
Comme tu le sais déjà, je suis le Docteur Archibald Delattre. Je suis le chirurgien en chef de l’infirmerie Pomfresh. C’est moi qui ai soigné ta sœur Miri. Elle avait deux jambes fêlées, une côte débloquée et sa cheville était enflée. Il lui faudra quelques jours de repos pour récupérer, mais autrement je l’ai guéri. J’ai également recousu quelques les tissus.
Un soupir de soulagement s’échappe de mes lèvres. Ouf !
Par contre ; au sujet de son visage… Elle gardera sa cicatrice à vie.
Ce n’est pas grave, elle s’en remettra. Ce qui est important, c’est qu’elle soit en vie.
Oui, bien sûr, acquiesce le docteur.
Quelques secondes de silence gêné passèrent avant qu’il ne reprenne la parole.
Tu te rappelles sûrement de moi, non ?
Sans me laisser le temps de répondre, il continua :
Je devrais sûrement m’excusez. Mais vois-tu, c’était une question de vie ou de mort, alors je ne vois pas pourquoi je le ferais. Le produit que je t’ai injecté était destiné à réveiller les gênes dormant. Très efficace. J’ai essayé à plusieurs reprises auparavant de te rattraper, mais tu allais toujours trop vite. Et quand, enfin, je t’ai devancé, je ne voulais pas prendre de risques. Il y a tellement de choses à faire et si peu de temps, tu comprends ?…
Non, pas trop.
Oh. C’est vrai, j’avais oublié. Ta mémoire. (Il changea brutalement de sujet) As-tu eu des rêves, ces derniers temps ? Des visions qui auraient pu te sembler familière ?
Euh… Oui. Mais je ne vois pas le rapport.
Parfait, parfait. Tout va bien. Prend soin de ta sœur. Oh, et à l’avenir, si vous pouviez éviter de laisser la Créature sur le trône du Château, ce serait très sympa !
Et sur ce, il s’évanouit dans un nuage de fumée, ne laissant derrière lui que des paillettes argentées.
Huh.
J’en étais là à mes réflexions (très intelligent, hein ?^^) quand les murs disparurent. Puis le plafond. Puis le sol. Et…
Haaaaaaaaaaaa !!!!!!!
Oups…
C’est dans les situations comme celles-ci que je suis très heureuse d’avoir des ailes. C’est très utile lorsque je veux récupérer des corps qui tombent en chute libre, comme Miri. En deux battements, je l’avais dans mes bras.
Autrice : Enfant des mers, sous le pseudo « Enfant des mers »