Nous tombons au beau milieu d’un champ, et notre mentor pose notre frère au sol. Il ne tarde pas à ouvrir les yeux, et notre maitre nous intime l’ordre d’aller plus loin en un discret signe de la main. Nous nous avançons au milieu du champ, qui est extraordinairement beau. En effet, il est constitué d’agroglyphes, ces extraordinaires cercles et formes géométriques dessinées dans le blé, quand certaines tiges sont pliées. Nous nous assoyons dans le champ, et nous regardons en silence. Nous sommes tellement heureux de nous retrouver, que les mots ne viennent pas. C’est Kio qui brise finalement le silence.
-Amayelle… Je suis tellement heureux de te revoir. Tu… nous avons senti que tu étais en danger.
-Oui. Le maitre…
-La fois où le maitre est venu te voir, il étais tellement furieux, qu’il a manqué frapper Auriane lorsqu’elle a demandé si tu allais bien.
-Oui, renchérit ma sœur. Et la dernière fois, il est revenu brisé. Il… il a pleuré.
Les mots me manquent. Je ne sais que dire. Océane demande alors:
-Que s’est il passé?
Je leur explique donc, tout ce qui s’est passé, et lorsque je finis, ils sont émus et choqués.
-Il nous voit en père?
-Oui, mais en père exigeant, sans affection, qui veut que l’on obéisse à ses ordres. Il lui prendra du temps pour nous aimer. Mais, il y arrivera.
Nous restons à bavarder jusqu’à la nuit, car cette pièce extraordinaire est réglée sur le cycle du jour. Ainsi, le ciel s’assombrit, et la pièce n’est plus éclairée que par le feu de notre maitre.
-Venez.
Le ton est habituel, calme, lent, et doux, mais je sens la pointe de soulagement dans sa voix. Ignis est guéri.
-Maitre? Resterons nous toujours ici?
-Non. Nous y resterons quelques jours, puis partirons vers une pièce plus sécurisée lorsqu’Ignis sera totalement guéri.
-Ne rejoindrons nous pas les chevaliers?
-Vous êtes plus en sécurité avec moi qu’auprès d’eux.
Je me risque à mon tour.
-Notre destin est de sauver Enkidiev. Nous devons rejoindre les chevaliers pour accomplir notre destin.
-Pour l’instant, je suis encore le maitre, et suis en droit de décider ce qui est le mieux pour vous.
-Nous ne sommes plus des enfants.
-Vous êtes sous ma tutelle.
Le ton est sec. La querelle vient d’éclater, et je le regarde dans les yeux. Comme lors de nos précédents affrontements, je ne baisse pas le regard, et continue de regarder ses yeux d’argent.
C’est lui qui détourne le regard pour éviter de me blesser comme il l’avait déjà fait.
Il soupire, et s’évapore. Ces querelles sont fréquentes, et nous préférons ne pas nous inquiéter. Nous savons qu’il reviendra.
Nous nous attroupons autour du feu, et préparons à manger. C’est alors, qu’un jeune homme tombe du plafond. La surprise nous prend, et nous craignons que ce soit un homme de main du chateau.
Auriane s’avance, et demande avec courage:
-Qui êtes vous?!
-Je suis Dylan. répond l’inconnu, avec un sourire amusé.
-Pourquoi êtes vous là?
-Je viens voir quelqu’un. répond il avec un sourire plus franc encore.
-Nous ne vous connaissons pas.
-Ce n’est pas vous que je viens voir, quoique, je renouvellerais cette rencontre avec plaisir. répond il avec un sourire narquois.
-Notre maitre n’est pas là.
-Soit. Je l’attendrai à l’autre bout du champ.
Et il s’évapore, comme le fait mon maitre.
Nous n’y pensons plus, et préparons à manger. Je me porte volontaire pour porter sa part à notre mentor. Lorsqu’il est irritable, mes jumeaux préfèrent éviter de lui parler. Je suis certainement celle qui le craint le moins. Je sonde la pièce avec mes sens magiques, et le repère cinquante mètres plus loin, assis au milieu des blés, presque indétectable.
Je m’approche, et lui tend une assiette. Il la repousse sans même me regarder.
-Qu’avez vous?
-Laisse moi.
Il ne me regarde toujours pas, m’évite même.
-Mes jumeaux s’inquiètent pour vous.
-Pas toi?
-Je suis toujours inquiète.
Il se tourne vers moi, et ses yeux d’argent luisent faiblement dans le noir. Son regard me fuit, et si je ne le connaissais pas si bien j’aurais pu penser qu’il pleurait.
-Pourquoi? Je suis le même depuis toujours.
-Vous êtes indécis.
-Oui.
-Pourquoi?
-Je ne peux changer mes habitudes. Pour maitriser toute votre magie, vous devez vous plier à une discipline de fer, et si je deviens votre père, vous n’y arriverez jamais.
-Lorsque j’étais petite, ce qui m’a le plus manqué, c’était votre affection.
-Tu n’as rien laissé paraitre.
-Votre blessure à vous est plus grande encore.
-Qu’as tu dis?
Le ton est menaçant. Je l’ai énervé sans m’en rendre compte. Je préfère changer de sujet avant qu’il me jette au sol.
-Nous avons un visiteur.
-Qui?
-Dylan. il a une énergie comme la votre.
-Évidemment, c’est un immortel.
Mon maitre se lève, et me tend sa main. C’est la première fois qu’il le fait, et je suis surprise. Je la saisi, et il nous télé transporte à l’autre bout du champ, là où est Dylan.
Il est assis, les yeux fermés, et médite.
-Bonsoir petite, bonsoir Abnar. dit il de sa voix chantante, les yeux toujours fermés.
-Bonsoir Dylan. Que fais tu ici?
-Je viens te transmettre un ordre des dieux.
-Lequel?
-Tu dois laisser les enfants rejoindre les chevaliers d’Emeraude.
Mon maitre marmonne et cela fait sourire l’immortel.
-Quand?
-Lorsque l’enfant de feu sera guéri, ce qui ne saurait tarder.
Mon maitre bougonne d’avantage, et cette fois ci, l’autre sourit narquoisement.
Mon mentor s’évapore en une pluie d’étoile, et me laisse seule avec l’immortel.
-Acceptez vous notre hospitalité?
Il ouvre les yeux, et sourit.
-Avec plaisir, jeune fille. Abnar a enfin des enfants?
-Non, il est mon maitre.
-qui est ton père?
-Personne, mais un homme qui s’appelle Sage est tel quel pour moi.
-Je suis ravi de savoir que mon beau-frère s’est trouvé une fille.
-Votre beau-frère?
-Kira est ma sœur. Et inutile de me vouvoyer, tu peux me tutoyer comme tu le fais avec Sage.
-Incroyable!
-Je garderai un œil sur toi, Amayelle… Je t’aiderai dans les situations difficiles.
-Es tu un aventurier?
-Non. Je n’ai pas franchi le Cathedrhall comme vous. Je me métamorphose ici grâce à ma pensée.
-Et mon maitre?
-Ton maitre l’a franchi. Il est prisonnier ici aussi, qu’il le veuille ou non. Disons qu’il est un aventurier récalcitrant, qui veut visiter le minimum de pièces.
-Suis moi, nous devons retourner auprès d’Abnar et de mes jumeaux.
-Ce sont tes jumeaux?
-Oui, mais nous avons des différences avec les autre humains. Nous avons tous des ailes translucides, et Kio, a des oreilles d’elfe.
-Incroyable!
-Viens…
Nous nous dirigeons vers le feu, et Maitre Abnar ne lève même pas un regard vers nous. Il est dans une méditation profonde, et personne n’ose le déranger.
Dylan s’assoit en silence, et sourit à mes frères. Puis, nous nous endormons tous à côté du feu, aux côtés de notre maitre, toujours en méditation.
Nous nous réveillons au matin, et voyons notre mentor, qui n’a pas bougé, toujours en méditation. Dylan nous entraine plus loin, et nous commençons à bavarder joyeusement. Nous posons des questions à Dylan, qui nous répond du mieux qu’il peut.
-C’est quoi du chocolat?
-Le ciel est vraiment bleu dehors?
-A quoi ressemble une rose?
-Combien y a t’il de pays à Enkidiev?
-C’est sucré la guimauve?
Les questions fusent en même temps, et Dylan a du mal à nous répondre. C’est seulement au coucher du soleil que nous nous arrêtons, et nous nous dirigeons vers le feu magique de notre mentor qui n’a pas cessé de bruler pendant la journée. Cette fois ci, notre maitre est lucide, et nous déclare de sa voix neutre:
-Nous partons. Ignis est guéri. Nous rejoindrons les chevaliers d’Emeraude dans une autre pièce. Je ne sais pas où ils sont, alors ça sera difficile.
C’est alors qu’une voix fuse derrière lui:
-Mais moi, je sais!
Notre mentor se retourne, et je m’exclame:
-Sire Onyx!
-Oui, c’est moi. Cessons ce bla bla conventionnel, et venez. J’ouvre un vortex pour que vous rejoignez les chevaliers d’Emeraude. Venez vous maitre Abnar?
-Oui. Je veux veiller sur eux.
-Alors venez.
-Attendez!
Dylan s’approche, et dit.
-Je ne viens pas avec vous, mais j’ai un cadeau pour Amayelle.
Il s’approche et me chuchote:
-De la guimauve. De la vraie. Pas la pâle copie que tu as mangé dans la pièce aux nuages, mais de la vraie. Sucrée et collante. Il me tend un petit paquet, puis s’évapore doucement. alors Onyx, que cette scène ennuyait au plus au point, faisant fi des salutations banales, nous pousse dans le vortex, même notre mentor, qui laisse échapper un juron d’indignation. Je souris et ferme les yeux. J’ai tellement hâte de revoir Sage…
Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »
Ce texte s’apparente à une fanfiction. Certains de ses éléments sont relatifs à l’univers de la série Les Chevaliers d’Emeraude, écrite par Anne Robillard. |