Aifé
Je suis adossée à une des colonnes de la pièce, profitant de la fraîcheur du soir. Je regarde la pièce, sans la voir. Je suis dans une pièce blanche, immaculée. Le sol est un tatami beige, et mes pieds nus s’y enfoncent légèrement. J’ai troqué mes vêtements noirs contre une tunique de traqueur à mon arrivée ici. Le plafond est haut, et la pièce est éclairée de manière naturelle. En effet, des fenêtres opaques laissent passer la lumière, filtrant les couleurs, ne montrant que du blanc. Ces fenêtres ne sont que sur un mur, et je suis dans la partie la plus sombre, goûtant à l’obscurité partielle. C’est ici que j’ai passé les dernières semaines. Ici que j’ai terminé ma formation. J’ai combattu ici. Je suis tombée sous les coups de katana de mon maitre, et je me suis toujours relevée. Je n’ai pas cédé à la douleur, à la peur, à l’anxiété. Je me suis concentrée sur mon objectif, que j’ai atteint. Je suis entrée ici en étant un rejet. Je suis maintenant un varan. Mon nouveau mentor, Néo Maryl vient de m’affranchir. Je suis un traqueur.
Ces mots résonnent en boucle dans ma tête. Je suis enfin ce que j’ai toujours rêvé d’être. Heureusement que je suis adossée à une colonne, sans quoi je me serais effondrée.
Je suis un traqueur. La tête me tourne. Je suis maintenant apte à traquer n’importe quel reptilien, même les Anantas. Même une reine. Je porte la main à ma tête.
Je suis un traqueur. Heureusement que j’ai avalé de la poudre d’or ce matin. Sans quoi aurais je cédé à l’euphorie du moment et me serais je transformée en reptilien.
Je sens un mouvement derrière moi. Un souffle, un courant d’air. Je n’y prête pas attention. C’est Néo. Il s’avance vers moi. Je me retourne, et le regarde. Il s’agenouille, et je fais de même.
-Tu vas bien ?
Je hoche la tête, sans parler. Ma gorge est sèche.
-Tu es maintenant prête à repartir.
-Oui.
-Que vas tu faire ?
-Je vais rejoindre les rangs du Château.
-Pourquoi ?
-Mon maitre me l’a suggéré. Il a dit que je trouverai quelqu’un là bas.
Il me fixe, pensif. Je reconnais en lui les gestes de Silvère, et il me manque plus cruellement encore.
-Alors pars. C’est ton destin.
Je pose mon front à terre, en signe de respect, face au varan, et me relève. Il se relève également, et va dans la pièce adjacente. Je remets mes vêtements noirs, et saisis mon katana, celui que Théo m’a offert.
Néo revient, et murmure, paisiblement.
-Tu as été une apprentie très assidue. C’est Silvère qui te communiquera tes cibles. Ce n’est pas mon rôle, et c’est lui qui a commencé ta formation.
Je baisse la tête, et regarde cet homme une dernière fois. L’iris dans mes cheveux a fané depuis longtemps. Il le retire, et le pose au sol. Son parfum enveloppe la pièce.
-Une marque de ton passage restera ici.
-Merci.
Il me fait un bref signe de tête. Je m’enfonce dans le sol.
Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »