Aifé
Je ressors du mur. La pièce suivante est d’une saleté repoussante. Mes empreintes se dessinent dans la poussière. Des toiles d’araignée pendent aux murs, et je n’ose imaginer la taille de leurs créatrices. Une table de bois, deux chaises bancales, une chandelle presque éteinte, une forte odeur de renfermé. Je ne vois aucune fenêtre ici. Mais je vois une porte. Tout ici est sale. J’éternue plusieurs fois, à cause de la poussière. Le lieu semble abandonné à la merci du silence, du vide, des ruines, ce lieu semble mort. La lueur changeante de la bougie dessine des ombres sur les murs de bois. Si je n’étais pas une tueuse, peut être me serais je sentie mal à l’aise, comme n’importe quelle jeune fille de mon âge. Mais ici, je ne ressens rien. C’est vide, silencieux, et malgré l’état des lieux, je m’y sens en sécurité. Il fait un peu froid ici. Mais cela ne me gêne pas. Je regarde chaque coin de la pièce, dans l’espoir d’apercevoir un détail, même infime, qui me donnerait des indices sur celui ou celle qui vivait ici. Car je suppose que quelqu’un y vivait. Je viens de voir une écharpe suspendue à un porte manteau. Je la prends. Elle tombe en poussière dans mes mains. Le lieu est inhabité depuis au moins des dizaines d’années.
Quelque chose vibre contre ma cuisse. Le téléphone! Je le saisis, et décroche. Je reconnais aussitôt la voix.
-Aifé ?
-Maitre.
-Où es tu?
-Dans le château.
Il soupire d’exaspération, et murmure, légèrement agacé.
-Que s’est il passé depuis mon dernier appel?
-Quelqu’un a tout découvert.
-C’est à dire?
-Quelqu’un sait qui je suis, qui vous êtes, notre race, quelqu’un sait tout. Le Maitre des Lieux. Je… Je suis désolée…
-Ce n’est pas grave. Quelque chose me dit que tu n’avais aucune chance contre lui. Désormais, nous allons devoir être vigilants. Il est inutile que tu modifies de nouveau tes souvenirs et tes pensées. Depuis qu’il a tout découvert, tu ne peux plus résister au moindre voyant. En revanche, je veux que tu ne m’appelle que si c’est urgent, et le moins longtemps possible. Il ne faut pas que l’on puisse tracer ton appel. Avec un peu de chance, le Château ne sait pas où se situe la communauté. Tu as compris?
-Oui.
-Que la chance t’accompagne, Aifé.
-La chance n’existe pas. C’est mon karma.
Je lui raccroche au nez. Je sais qu’il ne rappellera pas.
Je regarde le téléphone. Je sais que mon mentor n’a put me joindre que grâce aux toiles d’araignée. Je relève la tête, et me dirige vers la porte. Mon empreinte se dessine dans la poussière. La porte grince. Je m’engouffre dans la pièce suivante. Maintenant, il est inutile de modifier mes souvenirs. Il est même inutile de résister au Maitre des Lieux.
Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »