Aifé
-Aïe!
-Tu vas bien?
Lià est en vie, c’est déjà ça. Je la tenais serrée contre moi, et c’est donc ma tête qui a cogné le sol. Je relâche la pression, et elle m’échappe. Nous nous relevons, toutes les deux. La pièce est belle. D’une beauté à couper le souffle. Elle est grande, d’une quinzaine de mètres sur vingt. Une fontaine est au centre de la pièce. Des nénuphars en fleurs y flottent. Le clapotement doux et calme de l’eau apaise immédiatement Lià, qui ne sent aucun danger au premier abord.
Le bleu domine ici. Sur les murs, des fleurs en saphir se mêlent à d’autres en aigue-marine. Et le fond, est en diamant bleu pâle, uni. C’est magnifique. Le sol est simple, par rapport au reste de la pièce, où tout respire la luxure. Un sol de marbre blanc et lisse, sur lequel se dessinent des veinures bleues pâles.
Lià fait quelques pas, puis rassurée par le fait que rien ne bouge, court jusqu’à la fontaine. Elle rit, en voyant quelques poissons s’enfuir en la voyant. Puis, elle s’arrête, en me voyant me raidir. Je pose un doigt, sur mes lèvres, pour demander à Lià de ne faire aucun bruit.
J’avais raison. Une présence, un souffle, derrière moi.
Je me retourne. Une personne dans l’ombre, bras croisés, me regarde. Poignard à la ceinture, il est vêtu de noir. Le manque de clarté m’empêche de voir ses traits.
-Déclinez votre identité.
Une voix rauque, maquillée. Que dire? Avant que Lià n’ouvre la bouche, je réponds. Mentir. Il ne doit pas savoir.
-Aifé des Ombres, et Lià.
Tout dépend de mon nom. S’il découvre que je suis une Saanp, le combat sera ouvert.
Il ricane. Mon cœur bat à cent à l’heure. Sentiment de peur. Pas pour moi, mais Lià. Elle ne sait pas se battre, et est bien trop vulnérable. J’espère que si l’inconnu use de son poignard, elle aura la présence d’esprit de se cacher. Je me place devant elle, à la fois pour avertir l’inconnu de ne pas la toucher, et aussi pour la rassurer.
-Aifé… Cela fait bien longtemps que je ne t’avais pas vu…
Il sait qui je suis. J’ai peur. Si mon prénom lui dit quelque chose, il sait forcément pour tout.
-Qui êtes vous?
-Tu n’arrives pas à deviner?
-Votre odeur m’est masquée.
-La tienne non, Saanp.
Et merde. Il sait. Ce type est forcément un reptilien. Mais tant que je n’aurais pas déterminé sa race, je ne pourrais pas le vaincre. J’adresse à l’inconnu un regard suppliant.
-Elle ne sait pas… pour les Saanps…
Il ricane de nouveau. Mais d’un signe de tête accepte de ne pas se transformer. Je bondis. Il dégaine son poignard, moi le mien. Il doit forcément connaître la plupart de mes attaques au katana, puisqu’il me connaît, et je préfère éviter d’être prévisible.
Ses coups sont puissants. Il me met plusieurs fois à terre. Je suis soulagée que Lià ai bondi, échappant au danger. Il me touche plusieurs fois, sans vraiment me blesser. Je le touche aussi, mais il ne gémit pas une fois. Très haute tolérance à la douleur.
D’un coup, il me lacère l’épaule. De l’autre, il me plaque contre lui, poignard sur ma gorge. Il murmure, menaçant.
-Rends toi…
Je ne réponds pas, et enfonce mon coude dans son abdomen. Il recule de quelques pas, et j’enfonce ma lame dans son bras. Il ne dit rien. Je reconnais en lui les critères de quelques races. La liste s’est limitée. Surunen, hachurui, et soghun.
Trois races. La douleur me transperce, mais je ne dois pas lâcher prise. Déterminer son clan est maintenant vital. Ses coups sont toujours aussi forts, tandis que je faiblis. Il est certainement vétéran. Je croise son regard. Yeux bleus perçants. Une seule race possible. Mais c’est trop tard.
D’un coup, il me projette au sol. Je tombe. Le sang voile mon regard quelques secondes. Je lève mon bras devant mon visage, pour me protéger du dernier coup. Je murmure, d’une voix asséchée.
-Tu es un surunen…
Ses yeux deviennent plus menaçants encore. Je baisse mon bras. J’ai protégé Lià au péril de ma vie. Avec un peu de chance, elle s’est enfuie.
-Achève moi…
Il baisse son arme. Ma détermination l’a t’elle fait fléchir? Il se penche sur moi. Ses yeux sont maintenant empreint d’une grande sagesse, son regard est protecteur. Il murmure, pour que je sois seule à l’entendre.
-C’est vraiment toi, Aifé…
Je sombre. Cette voix maintenant sienne, que je reconnaîtrais entre mille. Cette voix, qui n’est plus maquillée, maintenant… Je m’évanouis. Juste le temps d’estimer mes blessures. Épaule lacérée, coup de poignard à la poitrine, faible égratignure sur la joue droite, près d’un demi-litre de sang versé. Chances de survie: infimes.
Dernier murmure, avant ce sommeil synonyme de mort. Dernier mot. Juste un prénom. Le sien.
-Néo…
Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine»