Une pièce silencieuse sans aucune âme qui vive à l’horizon. Dire que je n’y croyais presque plus ! Parfaitement calme, je m’asseyais sur le sol rocailleux et fermais les yeux pour profiter pleinement de cet instant de solitude. Avec tout ce qui m’était arrivé depuis ma venue ici, je n’avais que très rarement eut l’occasion d’être seul avec moi-même et cette compagnie commençait à me manquer. Car, autant être honnête, j’étais la personne la plus intéressante qui soit et me parler était toujours source de plaisir.
Après cet échange mental où j’avais pu admirer les connaissances infinies, les traits d’humour ravageurs et le charisme naturel de mon interlocuteur, je pris le temps de repenser aux derniers évènements. J’avais affronté nombres de situations dangereuses dans ce foutu château et pourtant, je ne m’étais pas rapproché, ne serait-ce que d’un millimètre, de mon objectif principal. Et cela me frustrait. Je ne savais même pas si N’mahad avait été honnête avec moi en me donnant ses informations sur ce lieu étrange. Toutefois, poser des questions sans personne pour y répondre ne me mènerait nulle part. La seule façon pour moi de découvrir la vérité était de continuer d’explorer les pièces du château et, bientôt, je me relevais pour observer le paysage autour de moi.
Je me trouvais dans une salle qui semblait se situer au niveau le plus bas de l’édifice où j’avais atterri. Face à moi, un pont de bois à l’aspect ancien et qui ne me paraissait guère solide surplombait une mer de lave d’une couleur jaune-orange. Des bulles se formaient à intervalles irréguliers à la surface de cette dernière, projetant de minuscules particules liquide de plusieurs milliers de degrés lorsqu’elles explosaient. Pourtant, malgré cette configuration pour le moins étonnante, l’air de la pièce était relativement frais. Cela était sans doute dû aux rochers disposés tout autour de la salle qui étaient glacials au toucher.
Guère impressionné, je m’approchais inconsciemment du rebord de la falaise et admirais un instant le fond. Malgré mon tempérament, j’aurais pu rester des heures à contempler les mouvements hypnotiques du liquide autour de moi. Telle la flamme qui brûle dans une cheminée, la lave avait ce je-ne-sais-quoi qui attire irrémédiablement le regard. Je restais ainsi quelques minutes avant de me détacher de son emprise et de poser un pied sur le pont.
Une corde, maigre mesure de sécurité si vous voulez mon avis, reliait les deux extrémités de cette passerelle précaire. Il était toutefois hors de question que je pose mes mains dessus. Je ne serais pas digne de tous mes surnoms si je le faisais. Je fis donc un pas en avant. Puis un autre.
La structure grinça sous mon poids et se balança dangereusement de la gauche vers la droite mais tint bon. Je continuais donc mon chemin en prenant garde d’éviter les nombreux trous qui le parsemaient. Seulement arrivé à mi-parcours, je me rendis compte d’une chose : cette pièce était terriblement ennuyante. Le danger était quasiment inexistant et si je me contentais d’être prudent, rien de grave ne pouvait m’arriver.
Non pas que cette pensée me déplaisait mais je n’étais pas venu ici pour faire du tourisme. Je pris donc une décision pour le moins radicale. Je tirais Mecelsen de son fourreau et d’un geste rapide, coupait les deux cordes derrière moi. L’espace d’un clignement de paupières rien ne passa. Puis la partie que j’avais déjà traversée commença à s’effondrer et les planches de bois prirent la direction de la lave bouillonnante. Voilà qui rendait la partie plus intéressante !
Je fis volte-face et repris ma route, beaucoup plus rapidement que la première fois. De plus, j’avais décidé de fermer les yeux afin de ne pas voir si une planche était manquante ou non. Tout se jouait donc sur mon instinct. Après quelques pas, je sentis un vide sous moi et, avec un réflexe surhumain, augmentait la force de mon impact sur le sol pour me projeter au-delà. Un sourire s’étira alors mes lèvres. Cela correspondait beaucoup plus à une pièce du château. Toutefois, tout à ma joie, je ne me rendis compte que trop tard qu’une nouvelle planche manquait à l’appel et manquais trébucher. Je réussis à me ressaisir au dernier moment mais l’effondrement derrière moi avait eu le temps de refaire son retard et ce n’était qu’une question de secondes avant que je ne perde ce combat. Il allait donc falloir que je devienne un minimum sérieux.
Ancrant fermement mes pieds dans le sol, je contractais les muscles de mes jambes et filais à toute vitesse vers l’avant. Ayant atteint ma vélocité maximale, je ne touchais presque plus le sol et chaque pas que je faisais me projetais plusieurs mètres en avant. J’arrivais finalement au bout du pont de bois sans même m’en rendre compte et, deux secondes plus tard, celui-ci allait se consumer au sein de son ennemi naturel.
Je l’observais un instant se débattre pour rester à la surface avant de rendre les armes devant cette vaine bataille et de se faire engloutir. C’était fini. Je jetais un dernier regard à l’autre extrémité qui me faisait face en ayant un sourire diabolique à la pensée du pauvre aventurier qui passerait après moi avant de finalement tirer la poignée de la porte, tout au fond de la salle.
J’étais Yubi al-Deus, Az Eros l’immortel, Babès le Grand et il faudrait plus qu’un pont instable pour venir à bout de moi. Avec cela, je venais toutefois de franchir une nouvelle pièce et il ne m’en restait désormais plus que 999 989 à affronter pour devenir Altixor le Conquérant.
Auteur : Altixor sous le pseudo « Altixor »