Pièce n°303
Écrite par La Chatte qui Pêche
Explorée par Poussière
Vous vous rappelez qu’à la suite de ma visite du placard, j’avais été emportée sur le balai d’un être humain ? Cette personne était alors sortie de la pièce. Et c’est ainsi que je me retrouvai dans un tout nouvel endroit.
L’endroit en question était une grande pièce qui ressemblait étrangement à la salle d’attente d’une gare, mais complètement vide. Cependant, plusieurs déchets au sol -vieux chewing-gums, emballages, sachets de bonbons ouverts- témoignaient du passage d’une foule qui avait maintenant disparu. De grandes fenêtres laissaient filtrer la lumière du jour. Je trouvai enfin le courage de lever la tête vers l’humain qui m’avait emporté dans la pièce, et qui avait commencé à balayer le plancher avec énergie. C’était une femme plutôt corpulente, habillée d’un simple vêtement de servante.
« Che soave zeffiretto… » chantait elle à tue-tête en travaillant. Elle ponctuait chaque coup de balai d’une note prolongée, comme à l’opéra. Sa voix douce et forte en même temps était agréable à entendre.
Après l’avoir écoutée un moment, je commençais à sentir les conséquences de ma peu confortable position, agrippée au manche du balai et manquant de tomber à chaque seconde.
Je résolus donc d’apostropher l’étrange dame.
« Pourriez-vous arrêter de balayer s’il vous plaît ? » Ma voix était si petite et fluette comparée à la sienne que je crus d’abord qu’elle ne m’avait pas entendu. Mais la chanteuse se tut au beau milieu d’une strophe et me regarda avec un mixte de curiosité et de gentillesse.
« Je suis désolée, je ne t’avais pas remarquée. Dis-moi, que fais tu accrochée au manche de ce balai ? »
« J’étais grimpée dessus dans le placard. Puis vous êtes arrivée et vous m’avez emportée… »
« Ah ! Je comprends maintenant ! » Son rire résonna dans la salle.
« Pardonne moi mais je n’ai pas l’habitude de trouver des Dissents dans mes balais… »
J’étais bouche bée. « Comment connaissez-vous le nom de mon peuple ? »
Elle écarta les bras. « Voilà des années que je travaille dans ce Château. Crois-moi, j’ai vu passer des centaines d’aventuriers ! Assez pour connaître toutes les races du pays et leurs coutumes. » Elle jeta un coup d’œil à mes vêtements. « Par exemple, rien qu’en regardant la couleur dont tu es habillée, j’en déduis que tu as été bannie… »
Puis elle remarqua ma mine déconfite et s’arrêta. « Je ne voulais pas te blesser. Et si tu me racontais toi-même quelque chose ? » Elle me prit dans sa main et me porta à hauteur de son visage.
« Eh bien… Je ne crois pas que ce que je dirai sera très nouveau pour vous. Je me nomme Poussière d’Étoile, et voici mon araignée Ara. Nous explorons le Château. Mais vous, qui êtes-vous ? Et pourquoi balayer le plancher ? »
« Je me nomme Donna Beatrice… Et mon travail est de nettoyer le Château. Voilà pourquoi j’étais en train de balayer », me dit-elle avec un sourire un peu triste.
« Vous ne voulez pas dire vraiment TOUT le Château ? Cet endroit est énorme ! Vous n’arriveriez pas à tout nettoyer même en vivant quatre fois ! »
Donna Beatrice rit brièvement. « J’ai tout le temps à ma disposition. Et puis, dit-elle en me faisant un clin d’œil, je peux me faire aider parfois… » Elle siffla doucement, et le balai qu’elle tenait se mit debout et commença à balayer lui-même le sol.
« Mais pourquoi faites-vous ça ? Personne ne voudrait avoir un travail du genre ! »
« Oui, mais quelqu’un doit le faire. Tu n’imagines même pas combien les aventuriers sont salissants ! Cette salle n’en est qu’un petit exemple. » Et elle indiqua les déchets.
Pendant que j’assimilais ces informations, Donna Beatrice ordonnait à d’autres balais de nettoyer le sol, tout en chantant de l’opéra en italien. Je me demandais qu’est-ce qui l’avait poussée à s’adosser un supplice pareil. Même si elle réussissait à tout nettoyer, il lui faudrait recommencer aussitôt…
Donna Beatrice interrompit mes pensées.
« J’ai fini pour cette pièce… Il est temps de me déplacer. Excuse-moi mais je ne peux pas t’emmener avec moi. Tu dois trouver ton chemin seule » Et elle me déposa au sol.
Effectivement, quand je me regardai autour, je vis que les saletés s’étaient comme évanouies et que les balais vaguaient sans but dans la salle.
« Mais… Comment puis-je faire pour sortir ? Je ne vois pas d’issue! »
« Si tu marches jusqu’au fond, tu verras une petite porte. Prends-la. Je ne peux pas plus t’aider. Au revoir, Poussière d’Étoile et Ara, bonne chance. Buona fortuna. »
« Attendez ! Je… » Mais il était trop tard, Donna Beatrice et les balais avaient disparu.
Tristement, je m’avançai vers la porte indiquée. J’avais perdu une alliée, une amie… Et je n’avais pas même réussi à lui poser la question à laquelle je tenais le plus : comment sortir du Château ?