Pièce n°705
La Miss Zoé as La Miss Zoé
En ouvrant la porte, je fus éblouie par la lumière naturelle du Soleil. Je me trouvais dans une ville que je ne reconnaissais pas encore et derrière moi, le passage que je venais de traverser était en fait la porte d’une sympathique petite maison aux couleurs beiges. J’essayai de la rouvrir ; en vain. Je décidai d’abandonner et de profiter au maximum de cet endroit qui me paraissait plutôt charmant. En me promenant au hasard dans la ville, certains bâtiments me donnaient une impression de déjà-vu. Serais-je déjà venue par ici…?
Je demandai alors à un passant l’endroit où nous étions et après m’avoir regardé bizarrement, il me répondit que je me trouvais à Saint-Malo. Ah, Saint-Malo ! Je n’y étais pas venue depuis longtemps mais j’en avais tout de même gardé des souvenirs. Je laissai mes pas me guider d’eux-même à Intra Muros, la vieille ville entourée de remparts. Ici était né le célèbre auteur Châteaubriand qui, selon ses dernières volontés, a été enterré sur l’île du Grand Bé face à la mer…
J’oubliai un instant le Château ; Saint-Malo, ses boutiques de souvenirs et ses habitants semblaient si réels. J’étais heureuse de me retrouver ici. Je courus jusqu’à la plage et savoura les vagues qui arrivaient jusqu’à mes pieds. J’escaladai les rochers qui peuplaient les plages. Je m’amusai à recueillir les coquillages au bord de l’eau. En me voyant, on aurait cru voir une simple gamine enthousiasmée et sûrement avait-on raison car à ce moment-là, j’étais retombée en enfance…
La nuit venait de tomber et je ne m’en étais même pas rendue compte, enfermée dans mes rêves et mes délires d’enfant. La mer était devenue froide et j’étais à présent trempée et frigorifiée. Je retournai dans la ville avec l’intention de me trouver de quoi manger mais je n’avais même pas assez pour me payer un simple croûton de pain. C’était simple : je n’avais rien. Malgré ma faim qui faisait rugir mon ventre et le froid qui me faisait frissonner, je me sentais bien. J’étais restée au bord de la mer toute la journée et je jouissais maintenant de la vue de la ville la nuit.
Les maisons plongées dans l’obscurité laissaient apercevoir leurs lumières depuis les fenêtres qui illuminaient donc la rue. Les glaciers ambulants étaient séparés les uns des autres seulement d’une dizaine de mètres et ils se partageaient assez équitablement la foule de gourmands. Saint-Malo vivait dans le bruit et la fête, c’était une ville joyeuse et chaleureuse.
Je me dirigeai vers le port et observai les grands voiliers qui se balançaient légèrement avec le passage des vagues.
Soudain, ma faim se fit cruellement ressentir. Je décidai de retourner vers les restaurants pour tenter de mendier un peu de nourriture, malgré mon honneur qui en prendrait un sacré coup. Mais impossible d’ouvrir la porte du restaurant ! Je m’agitais contre cette entrée qui refusait de bouger ne serait-ce que d’un demi-millimètre et les clients à l’intérieur ne semblaient pas s’en soucier. Je réalisai alors que j’étais dans le Château et qu’il n’y avait peut-être qu’une seule sortie possible, que tout ce décor n’étaient que facéties. Pourtant, les gens avaient l’air si réels… Etait-ce le vrai Saint-Malo ou seulement une copie de cette ville ? Peu m’importait, je cherchais à présent la porte par laquelle j’avais atterri ici. Après une demi-heure à chercher et farfouiller dans des rues sombres, je me rendis à l’évidence : j’étais incapable de la retrouver. Les maisons se ressemblaient beaucoup et je n’avais pas particulièrement fait attention à celle dont j’étais sortie. J’étais maintenant perdue.
Saint-Malo avait beau être très accueillant de jour, je n’avais pas l’intention de dormir sur un pauvre banc froid. Et j’avais toujours aussi faim. Je me demandais si on pouvait mourir de faim dans le Château, si notre état pouvait changer selon la pièce dans laquelle on se trouvait, si quelque chose pouvait apparaître selon nos besoins ou nos désirs, si en mourant mon corps allait se retrouver dans le véritable Saint-Malo, si quelqu’un allait découvrir mon cadavre, si ce dernier disparaîtrait,…
J’étais plantée là au milieu de la rue, plongée dans ces pensées lugubres quand j’entend le sifflement d’une voix :
— Psst ! Psst !
Sourcils froncés, je tentais de découvrir la source de ce bruit et vis une vieille dame courbée sur une canne, postée au travers de sa porte. Elle affichait un grand sourire chaleureux et m’invita à sa table. J’acceptai sans hésitation et la suivis, sans me rendre compte sur le moment qu’enfin, j’avais trouvé la porte qui me changeait de pièce et que la vieille était restée dehors…