Pièce n°844
Ondine as Ondine (alias Martoutou12 ou Colibri)
11 heures 58.
L’air frais fait danser mes cheveux. Il fait froid. La nuit est tombée. Je suis seule, dehors, la tête rentrée dans un large pull gris. Cela fait deux heures que je errais dans cette forêt à la recherche d’un abri. Et maintenant, où suis-je ? Devant un immense château qui se dresse fièrement vers le ciel. De nombreuses portes d’entrées sont apparentes sur les murs et j’hésite à entrer.
11 heures 59.
Un grondement retentit. Ca y est, l’orage a éclaté. Des éclairs déchirent le ciel noir. Le vent souffle de plus belle, la pluie commence à tomber. Je crains ne plus avoir le choix. Prudemment, je fais quelques pas vers une large porte en marbre. Ma main l’effleure inconsciemment. Je n’entrerais pas par ici : c’est si froid que seule la mort pourrait vivre à l’intérieur de ce qu’il se cache derrière.
Minuit.
Il faut que j’entre. Mais quelle porte choisir ? Cette minuscule entrée en bois ? Cette fenêtre aux barreaux rouillés ? Il y a tellement de choix ! Et j’ai si peur de ce qui pourrait m’attendre en me guettant par les fissures des murs de ce château…
Quand, soudain, une musique se fait entendre. C’est une mélodie sombre qui décrit un univers obscur. Derrière elle, un gong émet des impulsions graves qui résonnent en un écho dans la vallée. Une fois…deux fois…trois fois…il y en a douze en tout. Puis la musique s’estompe. Et là, devant mes yeux ébahis, un événement aussi incongru qu’effrayant se produit.
Le château semble se soulever, les portes d’entrées ne touchent plus le sol. En réalité, ce sont les murs qui s’étirent vers le haut. Le château est en train de pousser de la même manière qu’une plante verte. Et, lorsque cette chose se termine, je m’aperçois qu’une nouvelle porte s’est dessinée, là, juste devant moi.
Un éclair illumine le paysage. Le feu commence à dévorer un peuplier. Je ne me pose plus de questions et j’entre.
Je me retrouve dans une petite pièce de forme circulaire. Cela ressemble à une salle de spectacle, à en juger les estrades et à cette grande scène noire aux rideaux de velours rouge repliés. Perplexe, j’attends, immobile. Il ne se passe plus rien. Cet endroit est désert, à mon plus grand soulagement. Enfin…
« Mesdames et Messieurs, je suis ravi de vous accueillir à cette 3 550ème représentation de la danse des spectres. Je vous pris de vous asseoir, d’éteindre vos cochonneries de téléphones portables qui, apparemment, ont été inventées hum…récemment, et de vous caler dans nos fauteuils. Merci ! »
Mon cœur a fait un bond. Impossible de le contenir. Trois coups retentissent. Les rideaux se relèvent à l’Italienne. Sur la scène, des hommes, des femmes et des enfants apparaissent. Mais la transparence qui se lit sur leurs visages est très inhabituelle. Ce pourrait-il que… ? Qu’ils soient….des fantômes ? Un animateur, aussi pâle que ses congénères, se tient debout dans un coin de la scène. De toutes évidence, c’est cet homme qui vient de s’exprimer.
Une musique fantomatique retentit. Un ballet commence. Les spectres s’envolent dans les airs et décrivent des cercles au plafond. C’est un spectacle magnifique.
Mais je sens une présence derrière moi.
– Vite, suis-moi, il ne faut pas rester ici !
Je me retourne brusquement. Derrière moi se trouve un garçon, brun, aux cheveux longs et à la pâleur effrayante. Même ses yeux, verts semblent avoir été dilués avec de l’eau.
– Viens, vite ! Si tu restes ici, il t’arrivera la même chose que moi. Ils te tueront et tu devras, toi aussi, participer au ballet.
Terrifiée, je m’accroupis. Le garçon parcours la salle en rampant à moitié et j’ai peine à le suivre.
– Regarde. Tu peux soulever cette trappe, là. Moi, j’en suis incapable, et ce depuis bien longtemps…tu descendras un escalier très raide et très profond, puis, après avoir suivi un long couloir, tu pourras remonter peut-être vers la sortie…ou vers une autre pièce, je ne sais plus. Je te souhaite bonne chance !!