Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA COUR DES LESSIVEURS
LA COUR DES LESSIVEURS

LA COUR DES LESSIVEURS

le champignon fluorescent à pois jaunes as le champignon fluorescent à pois jaunes

Je me matérialise dans une étrange salle ronde. J’ai à peine le temps de me retourner que la porte disparaît. J’interroge du regard Madame Stiorrliaz qui me donne une réponse que je ne suis pas sûre de comprendre :

-Ce n’est pas une vraie porte, c’est un portail de voyage. Je l’ai fait apparaître dans le tunnel et maintenant que nous sommes arrivés à destination, il s’en va.
-Vous voulez dire que nous nous sommes téléportés ?
-On peut dire ça comme ça…
-Mais c’est génial ! Vous allez pouvoir nous emmenez n’importe où, avec ça !
-Pas si vite, ma chère. Les portails de voyage permettent de se rendre à un endroit bien précis. Celui que j’ai invoqué est un portail de retour, il nous a ramené chez moi.
-Chez vous ?
-Pas tout à fait…

En disant cela, elle s’en va; me laissant là, moi et mes questions. Je regarde autour de moi et découvre le « chez soi » de Madame Stiorrliaz. Un sol couvert de dalles de marbres, un unique mur circulaire en pierres taillées. Rien d’autre. En levant la tête, je vois, ou plutôt ne vois pas le plafond. J’observe les nuages du crépuscules se déplaçant avec lenteur au dessus de ma tête. Je sent une goutte de pluie éclater sur mon front. Je suis surement dans une cour. Une bien étrange cour… J’aperçois le haut des murs d’enceintes, à une hauteur considérable. Sur le rebord des flèches d’acier qui ornent la cime de la muraille est perchée une chouette. Elle me regarde d’un œil mauvais puis ouvre ses magnifiques ailes. Elle s’élance, me frôle et passe entre les barreaux d’une grille que je n’avais, jusqu’alors, pas remarquée. Je m’en approche. C’est un portail de fer forgé. Un véritable portail, haut de deux fois ma taille. Le visage d’un angelot en céramique me nargue depuis son piédestal, au sommet de la porte qu’il garde. Je prends les barreaux rouillés entre mes mains et glisse tant bien que mal ma tête entre. Ce que je vois me coupe le souffle. Un grand escalier de pierres parcours le mur circulaire de cette autre pièce. Le sol de la salle est invisible, perdu dans la brume verte. Il en est de même pour le plafond. À intervalles réguliers, le long de l’escalier, des portes hétéroclites se dressent devant moi. Le Cathedrhall ! Même si je n’y suis jamais entré, je sais à quoi il ressemble. Mais jamais mes pieds n’ont foulé son sol de pierres, jamais je n’ai grimpé cet escalier… Jamais je n’ai poussé cette imposante et lourde porte qu’est la porte du Château, une porte qui s’ouvre sur un choix immense, des possibilités démultipliées… La voie d’une jeune femme me tire de ma rêverie :

-Ayenis ! Attends moi !

Est-elle au dessus au en dessous de moi ? Je ne sais pas. J’entends une cavalcade dans les escaliers. J’entends un bruit sourd, un bruit de chute. J’entends un cri strident. J’entends une porte qui se claque. Puis j’entends le silence, lourd et pesant.
Ce bruit, ce cri… Quelqu’un est tombé, forcement. Une chute dans le Cathedrhall. Une chute surement fatal. C’est sans doute cette femme qui est tombée. Mais alors, qui a claqué la porte ? Surement ce fameux Ayenis, qu’elle suppliait de l’attendre. Elle a couru, elle est tombée, elle est… Non, pas forcement. Cela dépend de l’étage où elle était. Je n’ai pas vue son corps passer, elle était donc en dessous de moi… Mais cela ne signifie rien, je suis peut-être très haut, peut-être très bas… D’ailleurs, je n’ai pas entendu le bruit de l’impact avec le sol… Et qui est cet Ayenis ? Un ennemi ? Un ami ?
Perdue dans mes pensées, je ne vois pas les autres s’éloigner. La brise caresse mes joues. Je soupire. Madame Stiorrliaz m’interpelle :

-Vous comptez passer votre vie ici ?
-Euh… Non…
-Suivez moi, dans ce cas. Nous nous rendons au Domaine des lessiveurs.
-Le Domaine des lessiveurs ?
-Ceci.

En disant cela, elle me désigne une porte en bois se trouvant à l’opposé de ma position. Au dessus est accroché un panneau en bois où la peinture écaillée indique :
« LE DOMAINE DES LESSIVEURS »
Je traverse la pièce en courant presque, mais lorsque j’arrive enfin à la porte, mes compagnons l’ont déjà franchi. Je tente de l’ouvrir. Elle est fermée ! Inquiète, je retourne au portail rouillé. Fermé aussi ! Comment vais-je sortir ? Suis-je coincée ici pour… Toujours ? Désespérée, je m’allonge au centre de la pièce et me perd dans la contemplation du ciel. Les nuages noirs annoncent un orage. Les bourrasques de vent me gifle le visage. La teinte orange du crépuscule confère à ce lieu une ambiance énigmatique, étrange, angoissante…

-À quoi rêve-tu ? Ksh… Ksh… Ksh…

Je me relève en sursaut et scrute les environs. Personne.

-Me répondra-tu ? Ksh… Ksh… Ksh…
-Qui est-tu ? Où est-tu ?
-Ne crie pas ! Je suis tout près, mais tu ne me voie pas…
-Quoi ?
-Ne t’inquiète pas… Je ne suis pas dangereuse… Enfin, normalement… Ksh… Ksh… Ksh…

Paniquée, je court à la porte du Domaine des lessiveurs. Je me colle à sa paroi froide et lisse, en espérant naïvement la traverser.

-Ne t’enfui pas… Je vais t’aider…
-…
-Tu es devenu muette ? Ksh… Ksh… Ksh…

Plaquée à la porte, je tente d’appeler au secours, mais aucun son ne sort de ma bouche. J’entends un rire cristallin puis le déclic d’un verrou.

-Voilà ! C’est ouvert… Tu n’y vas pas ? Ksh… Ksh… Ksh…

J’avance et m’apprête à passer la porte quand mon sang se glace. Littéralement. La brume danse devant mes yeux. Des pics glacés me transpercent. Je ne peux bouger. L’air qui m’entoure est d’une froideur exceptionnelle. Je distingue devant moi une vague silhouette…

-Tu crois quoi ? Que tu peux partir les mains dans les poches ? Ksh… Ksh… Ksh… C’est donnant-donnant. Tu me propose quoi ? Ksh… Ksh… Ksh…
-… Je… N’ai… Rien… À te… Donner. Je ne… Possède… Rien.
-Tu es comme tout ces humains ! Tu ne pense qu’au chose matérielles ! Tu me déçois ! Je t’avais cru différente, au premier regard. Ne compte plus sur moi !
-Ne part pas !

Mon cri est vain. J’entends une légère détonation et quelqu’un me chuchote une chose que je ne comprends pas. Soudainement, l’étau qui m’oppresse s’envole. L’air se réchauffe. Ma douleur disparaît. Je regarde autour de moi. Le « fantôme » à disparu. Je me dépêche d’ouvrir la porte et de la franchir.

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