La première chose à savoir, et sûrement la plus importante, c’est que je m’appelle Cloclosiku. Mon nom, mon origine, peu importe. A présent, je suis dans Le Château. C’est tout ce que vous avez besoin de savoir.
Depuis 14 mois, des explorateurs se lancent dans ce Château, ayant pour but de venir, voir, et vaincre. Veni, vidi, vici. On dit qu’il y a des ascenseurs de verres et des tours interminables, mais aucun n’est encore ressorti pour le prouver. C’est pourquoi aujourd’hui, en l’an de grâce 2016, surnommé deux point zéro un six (2.0 – 1 -6 ), je me lance dans cette aventure, avec la ferme intention de hisser mes couleurs à son sommet.
Si ce carnet vous parvient, c’est que je l’aurai fait, ou pas, mais en tout cas que vous êtes plutôt loin dans le futur. Et voici, ma première pièce.
Nous sommes un 16 février, et tandis que tant batifolent, je me lance à l’assaut d’un escalier de pierre, de guingois mais plutôt solide.
J’ai croisé bien des aventuriers, certains pressés, d’autres hagards. Mais je fais toujours cavalier seul. Toujours. Pour cause mon passé. Mais c’est une autre histoire.
Jusqu’à maintenant, je ne me suis arrêtée dans aucune pièce, et j’estime être au 100ème étage. La pierre sous mes pieds est dure et compacte, mais des centaines de pieds ont creusé le milieu des marches.
Il fait sombre, c’est l’aube. Je suis seule dans cet escalier. Seule. Mais ça ne me dérange pas.
Soudain, une porte en bois s’entrebâille d’elle-même. Jusqu’ici, je n’ai succombé à la tentation d’aucune pièce. Mais celle-ci me parle. Elle me chante mes pensées. Mes rires d’antan. Les remous de l’eau de mon enfance. La mer devant chez moi. Elle ne me chante que les pensées heureuses. Pas ce qui s’est passé après. Et curieusement, la nostalgie me prend à la gorge.
Et je rentre.
La pièce est plongée dans la pénombre mais une lampe s’allume peu à peu, détectant ma présence. La poussière est présente partout, je la sens.
Lorsque la lumière est assez forte pour me permettre de distinguer la pièce, j’ai le souffle coupé. Elle est ronde, avec des murs pastels. Dedans reposent des centaines de choses. Des diplômes, des morceaux de tableaux, quelques peintures entamées, des parchemins presque vierges, des feuilles avec des phrases arrêtées en plein milieu, des ours en peluche, et même un berceau.
Le nom de la pièce était sûrement inscrit quelque part autrefois, mais il n’est plus.
Et pourtant, je sais quelle est cette pièce. C’est la pièce aux inachevés. Des œuvres entamées et abandonnées, des rêves jamais réalisés, des espoirs brisés. Des vies pas à la hauteur de ce qu’on espérait.
Alors, je sens ce qu’il faut que je fasse. Je le sens au plus profond de moi, là même d’où me viennent mes sentiments, cet endroit indescriptible, ce moi profond.
Et, lentement, tandis que s’écoulent mes larmes, je retire de mon annulaire la bague qu’il m’avait offerte, il y a si longtemps. Cette bague qui date des jours heureux. Et, lorsqu’elle est retirée, ma main, mue par la force de la pièce, la laisse tomber au sol, où elle choit avec grâce, en tintant.
Lorsque je sors enfin de cette pièce, sans savoir combien de temps j’y suis restée, je comprends. Le Château nous forge et nous oblige à faire face à nous-mêmes. Et ici, j’ai appris que le passé devait rester en paix. Et que seul l’avenir comptait.
Autrice : Cloclosiku, sous le pseudo « Cloclosiku »