La pièce dans laquelle je me trouve n’est pas à proprement parler une pièce. C’est une prairie où se prélassent des lapins bleus, assis ou allongés sur des mouchoirs à pois, il y a des oiseaux et des papillons fluorescents partout. L’herbe sent le chocolat et les arbres sont en sucette et en barbapapa. Un ruisseau s’écoule, fait d’eau sucrée et le tout embaume la rose, le lilas et la mangue. J’aimerais rester là pour l’éternité. Je n’ai fait que six pièces mais le Château m’a dégoûtée à jamais. Mes amies arrivent, Folly se tenant le bras droit, une entaille très profonde à l’avant-bras. Je m’approche d’elle, prête à lui donner mon aide, quand elle se dégage et me dit d’un ton brusque.
-C’est bon, je peux me soigner seule.
Elle se met à souffler sur sa plaie, elle a très mal. Sans le vouloir, elle me transmet sa douleur. Soudain, sa plaie commence à se refermer. Je me frotte plusieurs fois les yeux, mais non, elle guérit bien à une vitesse hallucinante. Dans trente secondes, il ne restera guère plus qu’une fine cicatrice de dix centimètres de long. Et son visage, quelques minutes plus tôt rongés par les flammes, est intact, à par un bout de son front et son menton rouges et son nez et son oreille gauche qui pèle légerement. Je l’envie secrètement, même si je suis sûre qu’elle le sait déjà. Je donnerai presque tout pour pouvoir savoir ce que les autres pensent de moi.
-Tes bottines devraient suffire pour une demie-heure, me répond-t-elle à voix haute. Pour la vie, des gens m’ont pris mes cordes vocales, j’ai du me faire opérer pour retrouver la parole. Avant, j’avais une superbe voix, et maintenant cet horrible voix qui grince et s’enroue au moindre problème. Toi, tu as de superbes jambes, je pense que ce sera ton prix plein tarif.
Je frisonne. Je sais qu’elle ne plaisante pas.
Nous nous posons, et Robin, après avoir tout reniflé partout comme un chien de chasse, nous déclare que tout est comestible.
Environ Une demie-heure après, deux cartes apparaissent en se dandinant maladroitement. Robin est d’avis qu’il faut les embrocher, Lucy qu’il faut la jeter dans l’eau pour voir si elles coulent, Folly détectent que se sont des enfants et je suis d’avis qu’il faut essayer de libérer les enfants des cartes, d’autant plus que Folly ne détecte aucun signe d’agressivité.
La jeune fille nous dit qu’elle peut le faire, mais pas toute seule, que Lucy doit effectuer une fusion, pour assembler sa télépathie, la précision de l’elfe, ma sagesse et la magie de Lucy.
Lucy trace au sol un cercle de fusion et nous prenons chacun place dans un point cardinal, après avoir placé les cartes au centre. La chasseuse de monstre prononce une formule très bizarre :
-Par Cartus, Fusion Vitale de la nymphe.
Je n’ai pas le temps de trouver ses paroles étranges, je me sens happée, puis c’est le noir.
Je me réveille allongée par terre. À côté de moi, deux enfants. Un garçon qui n’a qu’une main et une fillette borgne me regardent. Je leur donne tous les deux sept ans.
-Bonjour, moi, c’est Sakura, et vous, comment vous vous appelez?
-Moi, c’est Daphnée-Clorobulle-fleurdelotus-Dae-Tiang, m’explique la jeune fille du voix fluette. C’est mes parents, ils m’ont appelés comme ça pour que je choisisse mon prénom quand je serais grande.
Jeconnait cette coutume. Mon vrai nom est en fait Silvana-Sakura-Miko-Loti-Mya. J’ai choisi mon prénom quand j’avais douze ans.
Le petit garçon se présente:
-Moi, c’est Daesuke-Takonaru-Kyo-Nakosure-Peshitaru. Mais appelle-moi Nakosure.
-J’ai compris. Vous voulez manger quelque chose? Tout ici est comestible. Sauf les lapins parce que c’est mignon.
Nous avons bien mangé joué et ri. Maintenant, les enfants sont couchés. Je rejoins discrètement Folly, qui, du haut de ses treize ans ne semble pas le moins du monde crevée. Elle suce un bonbon à la vanille, perdue dans ses pensées. Je me laisse tomber près d’elle et contemple les étoiles factices et les papillons fluorescents. Cette salle est vraiment bien faite. Il y a un jour et une nuit, tout est magnifique. Je repense à ce que Dae, pour faire court, m’a dit, quand je l’ai soulevée pour attraper une mangue en sucre dans un arbre.
-Dis, tu seras toujours avec moi?
Je lui ai répondu oui pour ne pas la vexer, mais j’ai appris que l’espérance de vie, pour un enfant, se résume à quelques pièces.
Folly fait la tête à Robin, car celui ci a fait sauter son laboratoire, donc, pas étonnant qu’elle ne m’adresse pas la parole.
-Tes bottes.
Elle tend sèchement sa main et j’y place mes bottes. Et soudain, une douleur me transperce la tête, et j’entends tout.
Lucy est en train d’engueuler Aquarius, son esprit de l’eau, pour ne pas avoir fait une vague assez grande, et pour lui avoir piqué des fringues sans la prévenir, maintenant elle ne sait plus quel T-shirt mettre -«Mais bonn sang Aquarius, où est passé mon haut bleu saphir, tu sais bien qu’il n’y a que lui qui va avec ce pantalon et cette ceinture, tu veux vraiment que je porte cet horrible torchon?! Tu veux ma mort ou quoi…»-et je sens qu’elle éprouve quelque chose pour Robin.
D’ailleurs, l’elfe est en train de pester après Folly, à, tient, il me prend pour petite prétentieuse, égoïste et égocentrique.
Dae m’aime bien et veux que je sois sa grande sœur, son frère ne m’apprécie pas et pense qu’il a trop mangé et je n’arrive pas à sonder l’esprit de Folly, trop intelligent pour moi. Les lapins bleus pensent que demain ils chanteront a capella pour faire joli.
Je rend son pouvoir à Folly et retourne me coucher. J’ai vraiment trop mangé.
Le lendemain, nous traversons la prairie et passons la prochaine porte.
Autrice : Sakura en sucre, sous le pseudo « Sakura en sucre »