Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DE LA GOURMANDISE
LA PIÈCE DE LA GOURMANDISE

LA PIÈCE DE LA GOURMANDISE

De nouveau j’arrivais dans une pièce complètement différente de la précédente. Cette dernière m’avait d’ailleurs laissé assez bouleversé. Cela faisait bien longtemps que je n’avais plus parlé de mon passé avec quiconque et apprendre que le vieillard qui m’avait fait face, d’une façon ou d’une autre, connaissait le mien avait quelque chose de révoltant. Sans parler qu’il avait osé l’évoquer, elle. Ce château était décidément bien plus dangereux que ce que j’avais d’abord crût et je comprenais maintenant que je devrais me montrer prudent quel que soit mon adversaire si je voulais avoir une chance de le terminer. Je ne doutais toutefois pas une seule seconde de ma réussite. Une fois sérieux, aucun être dans tout l’univers n’était capable de me stopper. Et il en allait de même pour ce château.
Mais pour l’heure, découvrons donc ce qu’il m’avait réservé cette fois-ci. Je me trouvais dans une salle absolument immense. Sans rentrer dans les détails, elle devait facilement faire deux terrains de football, ce sport qu’adoraient les terriens et dans lequel j’excellais. Vous avez d’ailleurs peut-être entendu parler de moi ? Il m’arrive de faire quelques apparitions environ toutes les 10 années. Les médias parlent alors de moi comme d’un extraterrestre. Si seulement ils savaient… Ho et, au cas où vous vous demanderiez, je ne vis pas auprès des humains. Je dispute simplement les matchs et mon bulbe, un double de moi-même, se charge des interactions.
Mais où en étais-je ? Ha oui. La pièce. Trois tables sur lesquelles avaient été posé une quantité impressionnante de nourriture couraient sur toute la longueur de cette dernière et constituaient le seul mobilier. Ce qui n’était déjà pas si mal. Je m’approchais un peu plus pour observer ce que j’avais à ma disposition. Et retins un hoquet de surprise devant cet étalage de mets. On y trouvait de tout et, à ma connaissance, pas un seul plat connu dans l’univers ne manquait à l’appel.
Sur la table de droite avait été disposé ce que l’on appelait communément les entrées. On trouvait tous type de salade : Boston, romaine, radicchio, roquette, iceberg, mâche, cresson et j’en passe. A cela venait s’ajouter des céleris, des carottes râpées, des terrines, des baulops un plat typiquement ulrien, des cakes, des veloutés, de la charcuterie, des soupes chaudes et froides ainsi qu’une multitude d’autre choses que je ne m’amuserais pas à énumérer si je voulais pouvoir un jour poursuivre ma quête.
Sur celle du milieu venait les plats principaux. Les gratins se dressaient fièrement au milieu des viandes et poissons tandis que les pâtes et hamburgers essayaient tant bien que mal de se montrer sous leurs plus beaux jours. Je n’aurais pas la cruauté de vous décrire toutes les différentes saveurs de pizza présentes mais leur nombre devait facilement avoisiner plusieurs centaines. A l’autre extrémité de la table, comme si on les avait renié et rejeté, se trouvait du riz cuisiné de milles manières différentes et des œufs sous toutes les formes possibles et inimaginable. Je reconnus également plusieurs variétés de petit pois, ce met fascinant découvert pour la première fois chez les Spartidons et dont une seule bouchée suffisait à remplir un estomac pour plusieurs jours.
Vous l’aurez sans doute compris mais pour les moins futés d’entre vous je vais quand même le préciser : la dernière table contenait les desserts. Des gâteaux élégamment sculptés et amoureusement saupoudrée de chantilly venaient effacer les maigres biscuits et autres yaourts. Plus loin, des brownies dont on pouvait voir le cœur fondant de chocolat dominaient des glaces aux millions de parfums. De leur côté, les crêpes et autres pancakes, généreusement arrosées de sauce en tout genre, faisaient miroiter leur appétissants atouts. Enfin, des tartes et des clafoutis venaient accompagner des fruits multicolores, dont l’éclat me fit plisser les yeux, regorgeant de vitamines et d’énergie.
Si Dieu existait, je lui aurais sans doute adressé un remerciement silencieux à ce moment-là. Certes, j’avais avalé un petit pois il n’y avait pas si longtemps mais je n’avais jamais caché que la gourmandise était l’un de mes nombreux défauts. Je me ruais donc sur ce festin que l’on me proposait sans même m’inquiéter de savoir si les mets étaient empoisonnés ou non. Une chose était certaine : si je devais mourir maintenant, ce serait le sourire aux lèvres. Mais, j’avais beau avoir un appétit dont je n’étais pas peu fier, il était impensable de tout ingurgiter. Je sélectionnais donc avec patience et excitation les mets les plus luxueux, les plus exotiques et les plus raffinés. Que voulez-vous ? Je n’avais pas choisi de naître avec un palais aussi raffiné.
Mon choix arrêté, je rendis honneur à ce repas qui m’était généreusement offert en mangeant jusqu’à ne plus pouvoir. Et, même ainsi, je mangeais encore. Il fallut plusieurs suppliques de mon estomac pour que je me stoppe, à regret. Mais il s’agissait peut-être d’une bonne chose car je m’étais gavé de tellement de saveurs différentes que je ne parvenais même plus à faire la différence entre les brownies et la charcuterie.
Repus, je lâchais un rot sonore qui résonna longtemps dans la salle tout en répandant un parfum assez désagréable.
-Je vois que notre invité s’est fait plaisir !
Le ventre lourd, je me retournais lentement pour voir qui avait parlé. Je me retrouvais alors face à un démon si gras qu’il aurait pu avaler le contenu des trois tables rien que pour le petit-déjeuner. Et encore, je n’étais pas certain qu’il soit satisfait après cela. Sa peau, de couleur vert anis était absolument répugnante, tout le contraire de la mienne. Quant à la crête rouge qu’il arborait fièrement sur le dessus de son crâne chauve, je préférais ne pas en parler.
-C’était délicieux. Es-tu celui qui a préparé tout cela ?
-Evidemment ! Qui veux-tu que ce soit d’autre ?
Je n’aimais pas son ton. Mais alors pas du tout. En temps normal, je l’aurais sans doute décapité pour son insolence mais manger autant m’avait laissé à la fois engourdi et satisfait aussi décidais-je de lui laisser une chance.
-Cela aurait pu être n’importe qui d’autre. Après tout, en te regardant, il m’est difficile de penser que tu puisses t’approcher d’un plat sans l’avaler aussitôt. Mais je pardonne ta stupidité. Quitte cette salle sur le champ et je te laisserais la vie sauve.
Le démon partit dans un fou rire. Sans doute était-ce sa manière de me montrer à quel point il était reconnaissant. A peine cette pensée m’avait-elle effleuré l’esprit, qu’il claqua dans ses doigts. Au même moment, des chaînes d’argent apparurent de nulle part et vinrent m’entraver les membres sans que je ne puisse faire quoi que ce soit pour les éviter
-Cela faisait longtemps que je n’avais plus vu un aventurier aussi arrogant. Crois-moi, je vais prendre plaisir à te châtier
-Je n’aurais pas dit mieux
A peine avais-je finis ma phrase que je concentrais toute ma force dans mes mains pour faire sauter les chaînes. Aussitôt libéré, je… Attendez. Quel était encore tour ridicule ? Pourquoi mes entraves n’avaient-elle pas cédées sous ma puissance ?
-Inutile. Nul ne peut briser l’alliage qui constitue ces chaînes
Ça c’était ce que l’on allait voir. Cette fois, j’étais sérieux. Mais j’eus beau essayer encore et encore rien n’y fît. Il semblait que j’étais vraiment dans une fâcheuse posture.
-Bien. Et maintenant, si nous nous amusions un peu ?
Un nouveau claquement de doigt et une boîte rectangulaire noire apparût devant nous. Ce pouvoir était décidément bien utile. C’est alors que je remarquais les flammes orangées à l’intérieur de la caisse. Et je compris ce à quoi j’avais affaire
-Attention, chaud devant !
Un sourire aux lèvres, le démon ouvrit la chaudière. Immédiatement, une vague de chaleur se répandit sur mon visage. Des petites gouttelettes de sueur apparurent sur mon front tandis que je me débattais toujours. En vain. Sans aucune sommation, je fus jeté à l’intérieur de cet enfer. Sans ma peau et son incroyable résistance, j’aurais sans doute perdu la vie à ce moment-là. Mais cela ne m’empêchait pas de souffrir. Mon corps entier criait sa douleur et je dus lutter pour rester conscient. Plus les secondes puis les minutes s’écoulèrent plus la température augmentait et ma peine avec elle. Ma respiration se faisait saccader et ma vision se brouillait tandis que je perdais petit à petit conscience. J’avais depuis longtemps abandonné l’idée de me débarrasser de mes liens et concentrait désormais toute mon attention sur la recherche d’un moyen pour me tirer de ce piège démoniaque.
Soudain, sans que je m’y attende, la porte de la chaudière s’ouvrit et je pus enfin respirer de l’air frais. Je savourais la caresse du vent et fermais les yeux pour mieux profiter de l’instant. Toutefois, cela ne dura guère.
Claquement de doigts. Qu’allait-il me réserver cette fois ? Je regrettais aussitôt de m’être posé cette question lorsque je vis une baignoire remplie d’une eau glacée, presque congelée apparaitre près de la chaudière. Je pense que je commençais à comprendre ce que le démon obèse avait l’intention de faire de moi. Et cela ne me plaisait pas mais alors pas du tout. Il fallait à tout prix que je me sorte de ce pétrin.
-Attention, froid devant !
Plouf. Je fus plongé tête la première dans la baignoire. Au début, le contact du froid me soulagea. Après ce que je venais de vivre, j’accueillais comme une délivrance le remède qu’il apportait contre le feu intense de la chaudière. Mais rapidement, je compris toute la cruauté de cette torture. Car désormais, le froid me paralysait. Engourdi, je ne pus empêcher mon corps de trembler tandis que des engelures se formaient de part et d’autre de mon corps qui cicatrisait aussitôt. Mais une nouvelle fois, la douleur, elle, était bien présente. Je vis alors avec effroi ma peau se parer d’une couleur bleue inhabituelle. A coup sûr, ce séjour dans ce château me coûterait ma magnifique couleur magenta. Combien de temps restais-je ainsi ? Des minutes, peut-être même des heures. J’avais perdu toute notion relative au temps. A vrai dire, j’avais presque perdu toute notion tout court.
Mais, alors que j’étais au plus bas, alors que je voyais ma dernière heure se rapprocher inexorablement, un éclair de génie jaillit dans mon esprit. Ouvrant la bouche, j’aspirais une grande quantité d’eau que je me gardais bien d’avaler. Puis j’attendis patiemment mon heure. Enfin, alors que je n’y croyais plus, le démon me sortit de la baignoire et pris quelques instants pour contempler mon visage. C’était le moment que j’attendais.
Tentant le tout pour le tout, je lui crachais le contenu que j’avais si précieusement conservé. Surpris, le démon eut un geste de recul et me laissa retomber contre le sol. J’en profitais pour lui faucher les jambes ce qui n’était pas chose facile dans ma position. Déséquilibré, le démon se pencha en arrière avant de s’effondrer sur le sol. C’était l’occasion que j’attendais. Sans lui laisser le temps de se relever, je me jetais à plat ventre sur lui et, avec mes dents, lui arrachait l’oreille. Il poussa un cri de douleur tandis que son sang se répandait sur le sol et essaya de me repousser mais je tiens bon. J’enchainais avec un violent coup de tête qui le laissa sonné avant de déchiqueter un morceau de son visage. Je crachais la peau au goût immonde au loin et repartit à l’assaut en visant les yeux cette fois. Il y eut un bruit de fissure, comme un verre en plastique que l’on aurait écrasé puis le démon cessa de hurler. Les chaînes qui m’entravaient disparurent tout comme la chaudière et la baignoire.
Mais mon combat à moi n’était pas terminé. Ivre de vengeance, je m’acharnais encore et encore sur son cadavre. Procédant méthodiquement, je lui arrachais les ongles puis les doigts, la main, le bras et répétait cette opération pour les autres membres. Les os qui se brisaient et les tendons qui se déchiraient sonnaient comme une douce mélodie à mes oreilles. Mais je ne comptais pas m’arrêter là. Plongeant ma main dans son ventre graisseux, je l’ouvris en deux sur toute la longueur et extirpais ensuite les viscères de cet arrogant qui avait pensé pouvoir me vaincre. Puis, comme un symbole, j’écrasais son cœur dans ma paume. Enfin, je transformais sa cervelle en bouillie grâce à deux-trois coups de talons bien placé et m’arrangeais pour que nul être vivant ne puisse reconnaître le visage du démon.
Le massacre avait duré une bonne quinzaine de minutes et, lorsqu’enfin je recouvrais mes esprits, j’avais le souffle court et j’étais trempé de sang. Mais ce n’était pas le mien. Je me redressais de toute ma hauteur et jetais alors un regard méprisant à ce qui restait de mon tortionnaire
-Je suis Yubi al-Deus, Az Eros l’immortel, Babès le Grand. Maudit ta folie pour avoir pensé pouvoir vaincre celui qui surmontera les 999 995 pièces restantes de ce château. Maudit ta folie pour avoir défié Altixor le conquérant

Auteur : Altixor, sous le pseudo « Altixor »

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