Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DE L’ENVIE
LA PIÈCE DE L’ENVIE

LA PIÈCE DE L’ENVIE

Avez-vous déjà porté un manteau ? Si vous êtes normalement constitué et que vous ne faîtes pas partie de la race des Igllootes, ce peuple qui vit dans l’un des plus terrifiants déserts de glace avec une plume pour seul protection alors la réponse est sans doute oui. Ou alors vous êtes un idiot, ce qui ne m’étonnerait guère. Enfin, supposons que votre réponse ait été oui, avez-vous déjà porté un manteau de flamme avec un ver venimeux à l’intérieur qui essaye inlassablement de perforer votre peau dans le seul espoir de se repaître de votre cœur ? Non ? Ah bon. Moi qui pensait que les jeunes savaient s’amuser de nos jours…
Mais je vais sans doute trop vite en besogne. Avant de vous raconter la suite, laissez-moi vous expliquer comment je me suis retrouvé dans une telle situation. Peu après avoir grignoté une flopée de desserts (comment ça encore ?) sur le cadavre encore chaud du démon obèse, j’avais été transporté dans une nouvelle pièce. Sans prétention aucune, cette dernière avait les murs tapissés d’or et le sol était fait dans une surface de ce que je soupçonnais être du scandium, ce métal couleur gris-blanc à la fois mou et léger. Ce n’était d’ailleurs pas très ingénieux de s’en servir comme plancher puisque je m’y enfonçais un peu plus à chaque pas. Au plafond, on avait accroché un lustre dans lequel on avait enfermé des fées. Ces dernières diffusaient une douce lumière dans toute la pièce même si ce traitement nuisait fortement à leur teint. Un instant, j’eus de la compassion pour elles. Je savais à quel point il était difficile de garder sa peau impeccable.
Tout autour de moi, se trouvait des trésors d’une valeur inestimable. J’y reconnus certains des artéfacts les plus recherchés de l’univers et, au vu de leur éclat, je ne doutais pas un seul instant de leur véracité. Grimoires, baguettes de sorciers, gantelets de pouvoir, corne de licorne, ailes de dragon, boucliers, armures, armes, on y trouvait tout ce qu’un homme, ou devrais-je dire un aventurier, avait jamais rêvé. Et, étant le plus grand d’entre eux, je n’échappais pas à cette règle.
Si la plupart des accessoires magiques me laissaient totalement indifférent, il n’en n’était pas de même pour cette beauté sans nom que je venais d’apercevoir. Produit dans le matériau le plus dur qui soit et forgée par celui que l’on surnommait le Roi des Forgerons elle avait alimenté nombre de légendes. Son nom était connu de tous. Objet de fantasme pour certains et pure invention pour d’autres, elle ne laissait personne indifférent. Et cette merveille. Que dis-je ? Cette incroyablement majestueuse magnifiquement magnifique fabuleusement renversante prodigieusement fantastique fantasmagoriquement inouïe épée se trouvait juste là, sous mes yeux. S’il m’en restait encore, je suis certain qu’une larme aurait coulé de mes pauvres globes orbiculaires à ce moment-là. Respectueusement, je m’assis en face d’elle et passais plusieurs heures à la contempler ainsi.
Lorsque je me relevais, je connaissais l’épée dans ses moindres détails. Son fil aiguisé, sa garde représentant un dragon dont les pupilles étaient en réalité des yeux de Skenilox, ces créatures réputées pour leurs yeux rougeoyants. Son poids, son équilibre, sa portée, j’avais assimilée tout cela sans même la toucher.
Le temps était d’ailleurs venu. Nul autre que moi ne méritait de porter une telle arme. Alors, d’un geste théâtral, je posais une main sur sa garde avant de la retirer d’un coup sec de la prison de pièces dans laquelle elle se trouvait. Je la levais ensuite fièrement au-dessus de ma tête et la lumière des fées vint se refléter contre son tranchant. Mecelsen était mienne. Aussitôt, une sensation de puissance comme je n’en avais jamais connu m’irradia. Comme si la lame, reconnaissant son propriétaire légitime souhaitait me prouver tout ce dont elle était capable.
-Nous allons faire de grandes choses toi et moi lui chuchotais-je doucement.
-Je vois qui vous semblez bien vous amuser
Un sourire se dessina sur mes lèvres. Qui était donc le fou qui me donnait l’occasion de tester mon nouveau compagnon ? Je fis volte-face et tombait nez à nez avec une créature absolument hideuse. Des pustules pullulaient sur tout son corps et ses longs cheveux gris qui, au passage, ne devait pas avoir connu la sensation d’un lavage depuis bien longtemps, retombaient devant son visage sans qu’il ne fasse quoi que ce soit pour remédier au problème. Ses vêtements, déchirés en de multiples endroits, laissaient apercevoir un corps maigre presque uniquement constitué de peau. Le contraste avec le démon de la salle précédente était saisissant.
Sans répliquer, je fonçais sur lui à une vitesse fulgurante, à peine ralenti par la surface molle du scandium. Mecelsen étincela un instant dans mes mains tandis que je pourfendais l’air en visant le crâne de mon adversaire. Seulement, cette créature hideuse semblait plus redoutable que je ne l’avais imaginé. Quelques millièmes de secondes avant d’être tranché en deux, elle se dématérialisa et réapparut à quelques mètres de là.
Sa posture avait changé. Elle était désormais plus agressive et il ne faisait aucun doute qu’elle se préparait au combat. C’était une chose assez futile si vous voulez mon avis mais que voulez-vous ? Pour une raison que j’ignorais mes victimes refusaient toujours de se laisser tranquillement découper en rondelles. D’un geste qui était sans doute destiné à m’impressionner, elle ramena ses longs cheveux vers l’arrière et les noua en une queue de cheval. Se faisant, je pus enfin apercevoir ses yeux dont la pupille, anormalement grande, occupait le moindre espace.
J’esquissais une légère grimace. Ses angles morts ne devaient pas être bien grand et, avec un tel atout, la bataille s’équilibrait un tant soit peu. Toutefois, il en fallait davantage pour m’impressionner et, sans plus me laisser distraire, je me ruais de nouveau sur Grands-Yeux.
Mecelsen réclamait du sang. Je pouvais sentir ma main trembloter légèrement tandis que l’épée effectuait des mouvements vers l’avant sur lesquelles je n’avais aucun contrôle. J’essayais un instant de résister avant de me rétracter. Si Mecelsen tenait tant que cela à abattre Grands-Yeux, qui étais-je pour l’en empêcher ?
Cependant, je dois avouer que notre ami s’en sortais plutôt bien. Enfin, il ne faisait que fuir d’un bout à l’autre de la pièce en marmonnant des paroles inintelligibles mais il avait réussi à survivre plus longtemps que ce à quoi je m’étais attendu
-Tu n’es pas digne de posséder une telle épée dit-il alors en disparaissant une nouvelle fois
-Personne d’autre que moi ne pourrait la porter. Elle m’appartient et nous sommes désormais lié jusque dans la mort
-Elle t’appartient dis-tu ? Tu n’as fait que la voler à son véritable propriétaire ! C’est moi qui ai creusé la terre pendant des années et des années pour la tirer de la caverne dans laquelle elle était enfouie. Moi encore qui ait appris à la maîtriser, à dompter cette volonté qui lui est propre. Moi enfin, qui suis son seul maître
-Charmante histoire. Seulement, je me fiche pas mal de tout cela. Rien de ce que je désire n’a de propriétaire. Par une étrange coïncidence, ils disparaissent tous dans de mystérieuses circonstances
– PECHEDUS COMPLENTUS
Je haussais un sourcil. De quel droit cette créature lançait-elle un sort alors que nous étions au beau milieu d’une conversation ? Il fallait être sacrément pressé de mourir pour oser me faire un tel affront. Mais alors que je m’apprêtais à inculquer la politesse à ce sot, je sentis mon corps s’alourdir et ma chaleur corporelle monter en flèche. Surpris, je stoppais ma course et lançais un regard vers le bas. J’étais en feu. Et non, je vois venir, je ne parlais pas de la colère immense qui avait pris racine en moi pour l’outrage que j’avais subi. J’étais en feu. Littéralement.
Enfin, ce n’était pas tout à fait exact. En y regardant de plus près, je découvris que l’on venait subitement de me vêtir d’un manteau ma foi fort sympathique avec système de chauffage inclus. Beaucoup trop grand pour moi, il m’arrivait jusqu’au bas des genoux pourtant, il m’était impossible de le retirer. Les flammes bleues qui s’en dégageaient venaient lécher mon visage et brouillaient ma vision. C’était toutefois bien peu de chose en comparaison de la torture que j’avais subi plus tôt et je décidais de reprendre mon attaque.
En y pensant bien, je trouve même que j’avais l’air plus impressionnant ainsi vêtu. Peut-être pourrais-je le conserver ? Le manteau enflammé serait alors connu de tous et mes adversaires ne pourront que trembler de peur devant celui que l’on surnommerait Altixor le flamboyant. Cela sonnait bien non ?
A peine m’étais-je fait cette réflexion que je fus de nouveau obligé de me stopper en pleine course. Incapable de me contrôler, j’éclatais de rire en me tortillant en tous sens
-Haha… Non arrêtez… Non… Pas ici… haha
Je n’en étais pas vraiment fier mais je dois avouer que j’étais assez sensible aux chatouilles. Chacun ses faiblesses. Seulement, dans le cas présent, cela m’empêchait d’éradiquer un être odieux de la surface du château et il était hors de question qu’un fou rire me prive de rendre la justice. Je fis donc de mon mieux pour me contrôler tandis que la petite créature sous mon manteau continuait de remuer.
Alors que je repartais vers l’avant, j’eus l’occasion d’apercevoir le visage de Grands-Yeux. La pauvre bête semblait complètement désemparée et n’essaya même pas de se dématérialiser tandis que je le plaquais au sol
-Pourquoi ? Pourquoi le ver n’a-t-il pas atteint ton cœur ? Pourquoi ne brûles-tu pas ?
Ha quelle douce mélodie que les paroles d’un adversaire vaincu. Beau joueur, je décidais de répondre à ses interrogations avant de le poignarder en plein cœur.
-Pourquoi ? Je pourrais te citer un millier de raisons mais je pense que celles-ci suffiront. Parce que je suis Yubi al-Deus, Az Eros l’immortel, Babès le Grand. Parce que je suis destiné à vaincre ce château et ses 999 994 pièces restantes. Parce que les légendes se souviendront de moi comme de Altixor le conquérant.

Auteur : Altixor, sous le pseudo « Altixor »

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