Je m’appelle Tim Ortel et j’ai 14 ans. Je suis humain. Cela fait cinq mois déjà que je suis entré dans ce château. Que j’ai quitté ma petite sœur et mes parents. Si seulement je n’étais jamais sorti ce jour-là ! Si je n’avais jamais accepté d’aller me promener avec Ariu. Si je n’avais pas joué ce rôle de grand-frère courageux et que je n’étais pas entré dans cet affreux château, je serais encore avec eux… Ariu, Maman, Papa…
Mais oublions. De toute façon avec des « si » on pourrait mettre le château en bouteille. Et puis… le passé est passé. Heureusement, j’ai rencontré Loue. C’est ma seule amie… du moins c’était ma seule amie. Mais ça c’était avant. Avant que le château ne me recrute. Maintenant elle aussi fait partie du passé.
J’ai été recruté contre ma volonté. Avant j’étais un ennemi de ce que je suis maintenant. En fait je crois que je ne sais pas vraiment où est ma place. Il y a des jours où je me réveille avec le sentiment que je suis au bon endroit mais il y en a d’autres où je me dis que je devrais être aux côtés de Loue, à me battre contre le Château.
Mais je vais vous raconter le Avant que je n’arrive ici.
C’était un samedi, je m’en souviens comme si c’était hier. On était en vacances avec ma sœur, j’étais allongé sur mon lit et j’écoutais de la musique quand Ariu toqua à ma porte et me demanda de venir avec elle dehors. On prit donc nos vélos, direction : la forêt.
Ça faisait peut-être vingt minutes qu’on roulait quand on le vit. Le château se dressait de toute sa hauteur derrière nous. Ariu sursauta en le voyant. Elle me dit qu’elle avait déjà entendu parler de ce château et qu’il était hanté. « Tim ! Viens vite ! » ajouta-t-elle. Elle lâcha son vélo et s’enfuit en cou-rant sans même regarder si je la suivais. Je ne la reconnaissais plus, elle avait quand même 10 ans, ce n’était plus un âge pour croire aux histoires de fantômes…
Je me retournais face au château et poussait la lourde porte en bois.
J’entrais dans le Cathedrhall.
Des colonnes de pierres se dressaient devant moi, soutenant le plafond de cette immense salle. Je n’en revenais pas. Tout autour de moi apparaissaient des portes, de tailles, couleurs et matériaux dif-férents, au fur et à mesure que je mettais un pied devant l’autre.
Cet endroit était, d’apparence, chaleureux. Pourtant il me semblait froid sans que je n’en comprenne la raison. Je regardais derrière moi, la porte était là. Elle m’attendait. Mais j’avais une affreuse envie de continuer et une porte de brume me souriait de l’autre côté. J’hésitais. Une seconde, deux se-condes, trois… A la cinquième à peine je me décidais. Je pourrais retourner chez moi après, mes pa-rents et Ariu n’auraient pas beaucoup de temps à s’inquiéter. Je m’avançais donc jusqu’à l’extrémité de la salle et franchissait la porte de brume.
De l’autre côté, c’était sombre, très sombre même. Je distinguais à peine les murs. Je craquais une allumette, me félicitant d’avoir oublié de rendre le paquet à ma mère. L’endroit était un couloir et le sol penchait légèrement sur la droite. Des pas résonnèrent. Quelqu’un venait. J’éteignis ma pauvre source d’éclairage à la hâte et me cachais derrière une grosse pierre. La silhouette d’une fille grandit peu à peu. Elle devait avoir à peu près mon âge.
– Qui es-tu ? lui demandais-je sans pour autant sortir de ma cachette.
***
C’est ainsi que je fis la rencontre de Loue. Elle m’apprit qu’on ne pourrait plus jamais ressortir de ce château. J’aurais dû suivre les conseils de ma sœur…
Je continuais mon exploration avec Loue qui était devenue une amie. Je crois même que je l’aimais. Elle avait perdu la mémoire et ne se souvenait même pas de comment elle avait atterri ici.
Quelques mois après on rencontrait Pomme, une fille qui réussit à échapper aux recruteurs grâce à nous. Elle me sauva la vie. Je dévoilais mon vrai prénom en faisant croire que j’avais oublié l’autre. En vérité, Mica était simplement un prénom que j’avais inventé dès le début parce que je ne connais-sais pas Loue et n’avais aucune envie qu’elle sache quelque chose de moi. Plus tard je n’ai jamais trouvé la force de le lui dire, elle avait si bien adopté Mica qu’elle ne me reconnaîtrait plus en m’appelant Tim.
Ce jour-là, j’ai donc fais comme si j’avais un peu perdu la mémoire, et j’ai repris mon vrai prénom. Je n’avais vraiment plus la force de lui mentir et encore moins de lui révéler que je disais n’importe quoi depuis le début. J’ai donc mis ça sur le compte d’une mystérieuse perte de mémoire.
Ensuite je me fis prendre par les recruteurs tandis que je refaisais mes lacets. Une erreur bête, je n’aurais jamais dû leur tourner le dos. J’acceptais de venir avec eux. En réalité, je n’avais de toute façon pas bien le choix. Je me dis que, au moins, Pomme serait maintenant tranquille et les recruteurs arrêteraient de la poursuivre. Ma vie contre la sienne. Étais-je déjà sûr qu’ils me tueraient si je ne voulais pas me ranger aux côtés du château ?
Je n’avais plus le temps de réfléchir à cette question.
Autrice : Mià, sous le pseudo « Mià »