Arthus
Tout a l’air… normal. Familier. La pièce a des allures de chambre d’ado, avec sa décoration et ses couleurs claires. Je me sens presque rentré à la maison. Le soleil entre par la fenêtre ouverte et éclabousse de lumière la bibliothèque qui fait face à l’ouverture. Sur ses rayonnages, les livres s’alignent. Toutes les couvertures sont différentes, aussi variées en taille qu’en couleur. D’où je suis, je ne peux que deviner l’intérieur de la penderie. Les vêtements ne sont pas mon style. Trop… classiques. Et sans doute trop féminins aussi. Je hausse un sourcil. D’après la robe que j’aperçois, le propriétaire est une propriétaire. C’est toutefois le seul indice qui peut le laisser penser. Tout le reste est trop neutre. Les cahiers sur le bureau, les posters aux murs. Trop propre sans doute pour appartenir à la gente masculine.
Est-ce que c’est pour ça que je n’entre pas plus ? Par timidité de pénétrer dans le sanctuaire de quelqu’un ? Ou parce que mes chaussures sont trop crottées ? J’entends encore ma mère me hurler depuis le bas des escaliers qu’il faut que je quitte mes foutues baskets dans l’entrée. « Pas sur la couette ! Combien de fois va-t-il falloir que je te le dise ? ».
Ça sent bon. Bon le propre, bon la lavande et une autre odeur que je ne sais pas reconnaître. Par la vitre grande ouverte, le vent souffle et entre. Je le sens dans mes cheveux. Il s’accompagne d’un bruissement de papier qui a des airs de vidéo d’ASMR. Oui, parce que j’ai oublié de l’indiquer, mais partout, il y a des origamis. Des bateaux de papier qui jonchent le sol, recouvrent le lit et le moindre espace disponible. Ils grimpent le long du radiateur et il y en a même un qui s’est échoué sur le rebord de la fenêtre, au bord du vide que je devine derrière. Il oscille mais ne tombe pas. En le regardant, je suis traversé d’un sentiment étrange. Un mélange de tristesse et de mauvais pressentiment.
Je m’ébroue. Je ne veux pas en savoir plus. Je recule et ferme la porte derrière moi, et avec elle son secret.