Avoir le cafard, quelle drôle d’expression. On m’a raconté qu’elle venait des pauvres regardant les cafards qui vivaient chez eux, et soupirant en songeant à leur misère. Pourquoi moi, Qwerty, exploratrice du Château, je racontais tout cela ? Pour le comprendre, il fallait reprendre l’exploration. L’agent immobilier m’avait regardé entrer dans cette pièce, qui comptait un grabat et aucun autre meuble. Le mur était décrépi, et sur sa décrépitude, des graffitis, un peu à la romaine. Par terre, une colonie de cafards. Je mis bien vite les pieds sur le lit, et le bienvenue cher locataire avait pris un tout autre sens. Apparemment, du peu que je connaissais, cette location était légale. Une feuille de papier indiquait que la taille de la pièce était de 9 mètres carrés (ici on mesurait donc en mètres ?), ma foi, la taille minimale pour une personne. Ce qu’avait soutenu l’agent peu scrupuleux était donc faux, ou du moins, il est plus facile de jouer avec la loi lorsqu’on la connaît. Je n’aurais peut-être pas dû dessiner dans la marge pendant mes cours de sciences sociales.
Et j’ai eu le cafard. Je pleurais, mais bien vite je me dis : je dois explorer la pièce suivante. Tant pis pour le loyer, fi ! Je ne connais que sommairement la loi, mais celle du Château je la connaissais. Explorer une pièce, ne pas revenir sur ses pas, et passer à celle d’après sans s’éterniser et sans que la pièce actuelle devienne un roman. Alors la porte s’ouvrit d’un coup. Soit l’agent, car c’était lui, était télépathe, soit mes pensées se devinaient facilement. « Madame Qwerty, me dit-il. La loi le dit, vous payerez. Vous ne sortirez pas avant. »
Alors j’eus un rictus, et je dis : « Non. »
« C’est un peu court… Dans la vie, il y a des règles de droit, et on les respecte.
– Mais, monsieur… Sommes nous seulement dans la vie ? »
Haussement de sourcil.
« Nous sommes dans le Château, ai-je ajouté. Dans la vie, si l’on veut, mais je méconnais les règles de droit. Je suis hors la loi, pas que je désobéisse, mais je suis simplement hors de ce domaine. Les règles de droit, je les ignore.
-Mais vous devez bien connaître des règles !
-Oh oui ! Les règles littéraires, que j’oppose à des règles de droit ».
L’avais-je convaincu ? Non, évidemment. Néanmoins, cherchais-je à le convaincre ? Non plus. Je cherchais à étaler son mépris. Et c’est ce qui arriva. L’homme éclata de rire, et essayez de rire sans fermer les yeux. Vous l’avez ? Exactement. Il rit, ferma les yeux, et une petite porte à l’opposé de celle où j’étais entrée apparut. Je m’accroupis, la porte étant minuscule, et je sortis sans perdre espoir.