LE COIN AVEC LA MACHINE À CAFÉ

Pièce n°2026
Écrite par Sol'stice
Explorée par Oscar C. T. Obre

Pièce du Casteltober 2025 - Jour 4 : rougir

 Après avoir fait couler un premier café que j’ai donné à celui dont j’ai la charge, je me saisis du suivant. Avoir un gobelet dans les mains l’aide à se concentrer sur quelque chose et oublier qu’il a envie de s’enfuir loin d’ici. Ça m’arrange, parce qu’il ne peut pas et j’ai du retard dans mon protocole.
 — Écoutez-moi, Alexandre Moreau, c’est important.
 J’insiste subtilement sur son nom complet, que je connais parce que j’ai étudié son dossier et que je fais les choses bien, afin de bien lui montrer que je sais ce que je dis et fais.
 — J’avais tout préparé pour vous donner les explications avec élégance mais je vais me débrouiller autrement. Puisqu’il faut le répéter, oui, vous êtes mort. Et vous êtes dans le Château, dont vous ne sortirez plus jamais. On ne sort pas de la mort, de toute façon. Je sais que vous ne vous attendiez pas à ça, mais au Paradis dont vous avez toujours entendu parler. D’ailleurs vous étiez drôlement convaincu d’être accepté là-bas, c’est ambitieux comme plan de carrière après la mort. Mais la circulation post-mortem subit un taux d’embouteillages élevé, très mauvais pour le confort des âmes et assimilé. Afin d’y remédier le Château a créé un service de désengorgement pour dévier une partie des flux et désengorger les autres voies. Ne me demandez pas quelles sont les modalités administratives qui en découlent, je n’en sais rien, il faudrait voir ça avec Vincent de la compta, mais on n’a pas le temps d’aller le voir. Bien sûr, ça cause quelques désagréments lorsque les croyances ne peuvent être respectées, mais c’est un mal nécessaire. Le tout est que vous êtes maintenant ici, et que nous devons déterminer ensemble, puisque je suis là pour vous accompagner, ce qu’il va désormais advenir de vous.
 Le silence d’Alexandre ne m’étonne pas. Ça fait beaucoup d’informations à intégrer et les circonstances sont défavorables. Cependant, je considère que je n’ai pas à rougir de mes explications étant donné le contexte dans lequel je me trouve. Comme l’inquiétude persiste chez celui dont j’ai la garde, je le rassure :
 — Ne craignez rien, nous avons un large panel de choix à votre disposition et le Château est assez grand pour que l’éternité ne suffise pas à ce que vous vous ennuyiez. De plus, le perfectionnement du système post-mortem général vous permet d’adopter l’apparence que vous possédiez un peu avant votre mort, et non pas au moment de celle-ci, ce qui serait fort peu pratique. Vous imaginez le travail nécessaire s’il fallait nettoyer le sang de tout le monde en permanence ?
 Il ne parle toujours pas. La durée de son silence est toutefois en adéquation avec les standards mesurés. Les recommandations sont même de le laisser réfléchir quelques minutes avant d’aborder les sujets suivants, malencontreusement avec le décalage de mon planning, il est maintenant l’heure de pause dans le bureau d’à-côté et les collègues vont prendre d’assaut la machine à café devant laquelle nous nous trouvons de manière imminente. Ce qui m’oblige à l’inviter, une nouvelle fois, à me suivre pour préserver sa tranquillité.