Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DU TEMPLE DES IDOLES MALÉFIQUES
LA PIÈCE DU TEMPLE DES IDOLES MALÉFIQUES

LA PIÈCE DU TEMPLE DES IDOLES MALÉFIQUES

Pièce n°15
Écrite par Bernadette
Explorée par Bernadette

Ouvrant l’œil, je m’avançai dans la gueule de ce bâtiment, antique monstre de pierre plongé dans un sommeil abyssal. D’abord interdite devant le choix immense qui s’offrait à moi, je tendis une main tremblante vers la poignée de porte la plus proche, soit la troisième en partant de la gauche. Elle était faite d’un bronze épais, moulé de formes tortueuses et surmontée d’un heurtoir d’un semblable métal représentant le visage émacié d’un homme hurlant. Lorsque, non sans peine, j’appuyai sur la poignée le lourd panneau de bois, renforcé de barres d’acier, pivota sur ses gonds et je pu contempler une grotte obscure, parsemée deci-delà de photophores à la lueur vacillante, inestimables perles d’espoir dans cet antre effrayant. Je fis un pas, puis deux ; et soudain une voix ricanante retentit dans la pénombre, et je retins un cri d’effroi, vite dominé par un soupir de soulagement : ce que j’avais entendu provenait d’un écran de télévision qui s’était allumé à mon passage ; une jeune femme brune à la plastique de Science Fiction se tenait devant un fond rose fuschia de mauvaise qualité, qui lui dessinait deux ailes d’oiseau de mauvais goût de pars et d’autre des omoplates, et avait placé sa main près de son oreille gauche, tout en dissimulant tous ses doigts à l’exception de son pouce et de son auriculaire. Se faisant, elle articulait une occulte histoire de produit capillaire tout en prenant l’air supérieur de celle qui croit soumettre le monde à sa volonté à la seule force de sa prétendue beauté, qui, dans le cas présent, devait tout à un modeste outil chirurgical communément nommé « bistouri ». Désemparée, je m’éloignai de cette triste imitation du genre féminin pour, quelques mètres plus loin, trébucher sur ce qui semblait être des petits miroirs circulaires percés en leur centre. À la réflexion, ces objets coruscants ressemblaient fort aux anciens moyens de stockage musical que l’on appelait « Compact Disc », très utilisés en dehors du JBland. Ils étaient ornés d’étranges runes entrelacées, que je parvins à déchiffrer. Elles traitaient, par exemple, de comédies musicales telles que « Robin des Bois » et « Adam et Ève » ou d’artistes extra-JBlandiens tels que Pascal Obispo, M Pokora, One Direction ou encore David Ghetta. Les disques gisaient épars sur une affiche exhibant un énergumène en costume pailleté, nanti de larges lunettes de soleil. Probablement d’origine asiatique, il était rubicond et l’on pouvait voir, grâce à un phylactère imprimé sur le papier glacé, que ce qu’il hurlait était le nom d’un quartier coréen, d’après mes connaissances en mondes extra-JBlandiens. Je poursuivis, interloquée, ma visite, et atteignis l’apothéose de ce cheminement, le point culminant de cet étrange musée : devant moi se tenait la statue de cire d’une jeune femme blonde, vêtue ou plutôt dévêtue d’un boxer et d’une brassière d’un blanc immaculé. Elle tirait d’une façon des plus laides et des plus vulgaires sa langue qu’elle avait large et rose comme une tranche de jambon blanc, et se tenait penchée en avant, les poings à l’intérieur des genoux, comme pour nous dévoiler encore plus son désolant postérieur. J’eu, de dégoût, un haut le cœur si violent que j’éructai du fond de ma gorge un glaire épais et gluant qui vint adhérer à la croupe de cire de l’affreuse idole. Soudain, je me sentis oppressée, et perçu des voix spectrales qui semblaient résonner sur un même ton furieux ; des voix qui murmuraient, susurraient, sifflaient, coassaient, hennissaient, feulaient, caquetaient dans une parfaite cacophonie des promesses de vengeance ; je venais d’offenser l’Esprit Markettos, et son courroux me poursuivrait pendant de longues années, à condition bien entendu que je ne cherche pas à me défendre ; en effet, battre Markettos est facile si l’on dispose d’une bibliothèque à lui jeter dans les mânes ou d’une musicothèque bien garnie à lui enfoncer dans le corps astral. N’ayant rien de ce genre là sur moi à ce moment, je pris la fuite et m’éclipsai par une porte identique à celle que j’avais franchis quelques minutes plus tôt.

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