Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE ENCRIER
LA PIÈCE ENCRIER

LA PIÈCE ENCRIER

Bernadette as Bernadette je cherche un alias désespérement

Après ma couarde fuite suite à la colère de l’esprit Markettos, je débouchai dans une pièce noire comme un four, plus encore que celle que je venais de quitter. Je croyais à cet instant que cette obscurité était due à l’absence d’éclairage, quand une lourde goutte chut sur mon crâne pour éclater en un millier de parcelles frissonnantes. Assoiffée, je recueilli entre mes mains le liquide pour les lécher avidement ; une saveur âcre et amère m’empli la bouche, et, une fraction de seconde entre le contact de ma langue et de cette substance, je toussai, suffoquai et fini par la régurgiter. Je fis mine d’en débarrasser mes cheveux, mais, en voyant mes paumes se teinter de bleu sombre, je compris avec un soupir que cette essence était teintée.

De l’encre.

Je levai les yeux et, vite, les rivai vers le sol poisseux de peur de terminer aveuglée par les gouttes d’encre. Néanmoins, l’image que j’eu le temps de discerner s’imprima indéfiniment dans mes rétines.

Le plafond de la salle était couvert, tartiné du poisseux liquide, si bien que de lourdes bulles ployaient de la voûte, dessinant des arcs magnifiques pour le spectateur d’une fixe image mais terrifiants pour l’aventurier que j’étais, risquant à tout moment de s’éteindre sous le poids d’un de ces globes pachydermiques dont les plus colossaux devaient dépasser le quintal.

De peur d’en ébranler le sol et de provoquer la chute des sphères couleur de nuit, je me glissai souplement jusqu’au centre de la salle, puis restai sur place, pétrifiée, n’osant pas faire un pas de plus.

Devant moi s’élevait un imposant réceptacle de verre, semblable aux encriers qu’utilisaient les écoliers d’antan, ou, aujourd’hui, les calligraphes. De longues traînées indigo serpentaient sur ses flancs, et une sorte de pompe plongeait dans ses entrailles, extirpant à sa chair translucide son impénétrable sang. L’encre qui suintait du plafond n’était autre que le fruit des nombreuses fuites de la pompe.

Je compris subitement que cet appareil était la divinité de la littérature, la muse des écrivains ; qu’il était plusieurs fois millénaire, et que ces gouttes affreuses étaient synonymes de mort, mort de l’écriture sous toutes ses formes. Alors, mes mains se tendirent vers les cieux que je ne pouvais pas contempler, et je psalmodiai les chants de la guérison.

Une, dix, vingt minutes écoulées –serait-ce des heures ?- je m’arrachai à la transe qui m’avait saisie, et vis que l’épais tuyau de fer s’était refermé à jamais. Soulagée, je m’apprêtai à repartir quand un mot, un seul, prononcé lentement d’une voix grave et profonde, retentit dans mon esprit.

« Cadeau. »

Une forme ténébreuse jaillit de l’encrier ; quelque chose de mouvant, nébuleux mais débordant de vie, d’amour et d’attachement. L’encrier m’avait offert un compagnon. Sous le choc, je ne parvins qu’à dire :

« Onyx. Ton nom sera Onyx. »

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