Aqua as Aqua
Encore émerveillées par la visite du jardin blanc, nous pénétrâmes dans la nouvelle pièce et le tronc de l’arbre, derrière nous, se referma dans un crissement de papier. L’obscurité subite me déstabilisa. Je tentai de trouver un point de repère en écartant les bras autour de moi, mais il n’y avait plus rien, seulement un vide immense. Même la porte, dans mon dos, avait disparu. Mes doigts se refermèrent sur des filaments étranges.
-Eh ! Mes cheveux ! protesta la princesse.
-Oups ! Excuse-moi, c’est qu’il fait noir ici, je ne distingue même pas mes pieds.
Confuse, je me sentis rougir et ne bougeai plus.
-Avançons, nous trouverons bien une issue quelque part, fit-elle après quelques instants.
Aussitôt dit, aussitôt fait. J’avançai prudemment un pied et… me retrouvai à flotter, littéralement. Je poussai un glapissement de surprise et de terreur. Il n’y avait rien au-dessous de moi, rien à côté, c’était comme si je… volais.
-Qu’y a-t-il ? s’inquiéta titelilou, qui, visiblement, n’avait pas bougé. Que… aaahh !!!
-Nous… nous flottons, constatai-je bêtement.
Je sentis qu’elle m’agrippait le bras. Puis qu’elle s’élevait, doucement, m’entraînant avec elle.
-Comment fais-tu ça ?
-Il suffit de battre des jambes…
Quelques minutes plus tard, nous battions en cadence, comme si nous étions sous l’eau et voulions remonter à la surface. Absurde, vraiment. Mais peu à peu, au fur et à mesure de notre progression, la luminosité augmentait… Du noir le plus profond, nous passâmes au gris foncé, puis au gris perle, au blanc cassé… Nous tenant la main pour combiner nos forces, nous parvînmes bientôt dans une zone où le bleu clair se mêlait savamment à l’indigo.
Nous étions au centre d’une sorte de puit, et quelques mètres seulement, je pouvais distinguer des pierres couvertes d’une étrange mousse. Lâchant la princesse, je remuai les bras pour tenter de me diriger vers l’une des parois, avec succès. Je caressai la mousse avant d’en arracher un morceau. Mes mains prirent une couleur semblable à la lumière qui nous entourait ! Effrayée, je lâchai le végétal qui se mit à flotter devant moi, et ma peau reprit sa teinte habituelle. J’examinai la mousse. C’était cela qui produisait la coloration de l’air… Je fis part de ma découverte à la princesse, et nous repartîmes.
Cela faisait une bonne demi-heure que nous remuions les jambes, et toujours pas de sortie en vue. Je commençais à me décourager, et nous étions toutes deux épuisées.
-Tu crois qu’on va trouver une porte, par ici ? On aurait peut-être dû partir vers le bas…
-Je ne sais pas… Oh, regarde !
Elle pointait un drôle de nuage, plus haut, qui flottait comme nous. Un nuage de mousse en suspension ! Nous nous posâmes dessus avec ravissement. Que c’était bon de sentir à nouveau quelque chose de compact sous ses pieds ! Exténuée, je m’allongeai et m’endormis aussitôt.
Je n’avais absolument aucune notion du temps qui s’écoulait, si bien que, lorsque titelilou me réveilla en me secouant par l’épaule, j’ignorai si j’avais dormi une heure ou cent ans.
-Il y a du nouveau ! C’était déjà comme ça lorsque je me suis réveillée.
Juste à côté de nous, à l’orée du nuage, il y en avait un second, légèrement plus en hauteur… Puis un troisième, un quatrième, une vingtaine de nuages de mousse colorée qui montaient en un curieux escalier en colimaçon. Stupéfaites, nous nous y engageâmes, ravies de ne plus avoir à battre des jambes. Sautant de nuage en nuage, nous nous rapprochions peu à peu du bord du puit. Et tout près du dernier, au milieu des pierres… Une porte ! Ou plutôt, une large fissure où nous pouvions nous engager. Nous n’hésitâmes pas… Titelilou y sauta la première, et je la suivis.
