lerêveurtoujours?oui,toujours!optimiste as lerêveurtoujours?oui,toujours!optimiste
Les premiers jours, j’avais crié sans relâche. J’avais tambouriné contre les murs, au point d’avoir les mains en sang.
C’est la Créature qui m’a fait prendre conscience de ma situation. Lorsqu’elle s’est glissée hors du paquet rose dans lequel elle avait trouvé refuge, pour se diriger vers une fissure dans le mur à travers laquelle elle s’était faufilée dans un bruit « slurp » particulièrement répugnant, j’ai compris qu’elle partait parce qu’elle n’attendait plus personne.
Non. Personne ne viendrait plus dans cette pièce.
J’étais prostrée depuis plusieurs heures déjà lorsque je l’ai entendu pour la première fois.
– Eh, oh ! Ca va mieux ? on ne t’entend plus hurler. Pas pour que tu recommences, hein, mais bon, je m’inquiète !
– …
J’avais essayé de répondre à cet appel inespéré…mais après des heures passées à hurler en espérant être entendue , je n’avais plus de voix.
La voix venait du sapin de Noël. Je me levai pour me rapprocher de lui, et je portai mon regard vers la voix, en hauteur. Rien.
– Attends, je descends.
Le bruit d’une chute. Tout petit bruit, de la toute petite chute d’un Tout Petit Bonhomme. Il était tout blanc, il semblait fabriqué en tissu, tout rembourré. Les traits de son visage avaient été dessinés maladroitement au feutre, avec un beau sourire avenant, qui ne cadrait pas bien du tout avec la tristesse de son regard.
Il se releva gauchement. Me dévisagea.
– Pourquoi tu cries comme ça tout le temps…c’est fatiguant !
– …
J’ouvris la bouche et fis un geste que, j’espérais, il comprendrait.
– Oh, tu n’arrives plus à parler ! Moi qui allais te demander ton nom ! Parce que je ne sais pas grand-chose de la vie, mais j’ai appris qu’il faut toujours se présenter lorsqu’on rencontre quelqu’un.
Il vit que mon regard se faisait interrogateur.
– Ah mais moi, je n’ai pas de nom ! Parce que personne n’a jamais pensé à m’en donner un ! Vois-tu, continua-t-il, je suis né de l’imagination d’un journaliste, qui m’a laissé aux mains d’une communauté bienveillante qui devait s’occuper de moi. Et puis tout le monde m’a oublié, oh, pas par méchanceté, juste parce que…et bien en fait, je n’ai pas bien compris pourquoi. Alors il y a deux jours, je me suis allongé sous un arbre, j’ai fermé les yeux, et je me suis pris à rêver…je voulais autre chose pour moi, un monde rempli d’aventures, de rencontres, de mystère, de joies et de peines…et je me suis retrouvé perché dans cet arbre, coincé entre une boule argentée et un angelot à l’air un peu bête. Tu parles d’une aventure !
Et puis tu as commencé à crier, à hurler même ! Et me voilà.
Bon, il me faut un nom, ça c’est sûr.
C’est bizarre tu sais, j’entends encore parfois des voix de mon monde d’avant. Quand il y en a beaucoup qui parlent en même temps, de la même chose, et bien j’entends des morceaux, des bribes, que je ne comprends pas réellement.
Mon nom est Charlie. Oui, je crois que c’est ça. Je suis Charlie. Fini ce nom ridicule de Tout Petit Bonhomme.
Je regardai le Tout petit bonhomme avec insistance, espérant lui faire comprendre mon désarroi. Je mimai quelqu’un essayant d’ouvrir une porte mais n’y parvenant pas.
–
Sortir d’ici. Tu veux sortir d’ici et tu crois que comme je suis entré, je sais comment sortir ! Mais je suis arrivé ici brutalement, comme quand je suis né, tout d’un coup, j’étais là !
Je me laissai tomber sur le sol, la tête dans les genoux. Maudit château.
– Par contre, je peux te dire que j’étais perché très haut dans cet arbre, et que tout en haut, son sommet perce le plafond…
Je tournai la tête lentement vers le Tout Petit Bonhomme. Lui sourit. Puis regardai vers le haut, et à mon air abattu, il comprit :
– Oui, je sais, c’est très haut mais…je suis arrivé ici en rêvant d’aventures. J’ai la sensation qu’étant issu de l’imagination d’un créateur, j’ai acquis le pouvoir de me déplacer au gré de ma fantaisie. Donne-moi ta main.
Je ne voulais pas le décevoir, mais il me semblait bien naïf, ce tout petit bonhomme, avec son sourire radieux et ses yeux désespérés ! Alors je lui pris la main, après tout, qu’est-ce que je risquais ! Et bien entendu, il ne se passa rien. Enfin si, lui il disparut, mais moi je restai là, toute seule à nouveau. Je commençais même à croire que j’avais rêvé cette conversation ( enfin, ce monologue, parce que ma gorge me faisait horriblement souffrir, je n’étais pas prête de parler à nouveau !)…lorsqu’une corde de déroula devant moi dans un bruit mat.
– … ?
J’ai grimpé le long de cette corde pendant ce qui m’a semblé une éternité, et arrivée en haut, j’avais toujours aussi mal à la gorge et mes mains étaient en feu. Au sommet de l’arbre, le tout petit bonhomme m’attendait.
-Arrête de m’appeler tout petit bonhomme. Je suis Charlie. Je sais, tu ne parles pas, mais je vois dans ton regard que lorsque tu penses à moi, tu penses « tout petit bonhomme » !
Regarde, la cime de l’arbre transperce le plafond. Suis-moi, au-dessus , il y a une autre pièce.
Une autre pièce. Evidemment, je n’allais pas rester perchée en haut de ce sapin de Noël éternellement…mais affronter une nouvelle pièce. Je ne m’en sentais pas le courage. Mais le tout petit bonhomme était déjà parti, alors je le suivis.
Nous avons émergé dans une pièce sombre et glacée, au sol dur. Et là, toute cette tension accumulée depuis tous ces jours passés seule à hurler sans que personne ne m’entende…je me suis mise à pleurer.
– Ne pleure pas…ah, comment t’appelles-tu ! On ne va pas pouvoir continuer comme ça, toi qui m’appelles tout petit bonhomme et moi qui ne connais pas ton nom !
Je suis Charlie et tu es… No one. Noone quoi !
J’avais un nom, mais j’étais incapable de le prononcer. J’étais si reconnaissante envers Charlie, que j’acceptais ce nouveau nom. Noone.
– Ah ! Je t’ai entendue m’appeler Charlie. Merci
Je crois que Charlie était reconnaissant aussi. Qui avait pu créer un si charmant personnage sans penser à lui trouver un nom. La force de l’imagination n’a pas de limite cependant. Il s’était trouvé un nom. Seul. Enfin non, il disait entendre encore les voix de son ancien monde. Et je ne connaissais que deux mondes : celui-ci, et le mien. Ce pouvait-il qu’il vienne lui aussi de « chez moi » ?
Charlie ne tenait décidemment pas en place. Il s’aventura dans la pièce mal éclairé, trouva la porte de sortie, l’ouvrit et m’appela en même temps.
Charlie et moi sortîmes.