Pièce n°1405
Aifé
Paroles semées de « Nuits Blanches », de Kyo.
Un canon sur la tempe. Je pense que chacun a connu mieux comme situation. Une sensation glacée me parcourt. Pas une sensation de peur, mais de doute, d’incertitude, quand à la capacité de l’homme à tirer. Je murmure d’une voix froide, dénuée d’émotions, à la personne qui me retient immobile.
-Qui es tu? Je ne le sais pas, mais je sais que tu n’auras pas le cran de tirer. Tu trembles. Ton doigt est sur la détente. Fais de moi ce qu’il te plait.
Je baisse la tête, pour qu’il ne puisse pas voir le sourire carnassier qui dévore mon visage. J’ai semé le doute dans son esprit. L’assassin qui allait froidement m’assassiner baisse lentement son arme. Je soupire de soulagement. Et il s’étale par terre. Un superbe coup de talon au centre du ventre. Violent. Sobre. Efficace. Il gémit de douleur, le souffle coupé. Je grogne, la haine transparaissant dans ma voix.
-Qui es tu, Assassin?
-Pourquoi me poses tu la question? Tu le sais déjà…
Dernière respiration. Peut être n’aurais je pas du enfoncer ma lame au plus profond de son coeur? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Mais je n’en ai rien à faire. Je sais qu’il ne m’aurait rien apprit.
Je relève la tête. Je suis dans un salon où le rouge domine. Un canapé blanc, sur lequel sont parsemés quelques coussins vermeil. Une table basse de verre, sur laquelle sont posés une théière d’argent vieilli, et une tasse grenat. Parquet foncé, de bois d’ébène, murs et plafond carmins, cheminée sombre, brasier mourant, braises nombreuses. Lumière faible, éclairant à peine l’homme étendu devant les flammes, son arme brillant faiblement, à la lueur du feu.
« Presque un animal », je pense. « Incapable de résister à ses pulsions carnassières ». Je frissonne, imaginant ce qui se serait passé, si il avait tiré. J’imagine la trajectoire de la balle, traversant mon corps, allant se planter dans le mur rouge.
Je m’allonge sur le canapé, épuisée. Je n’ai pas dormi depuis plusieurs jours. Mais je sais que ce sera encore une nuit blanche pour moi. « Écume des Jours »… Je me sens vieillir. Je suis entrée dans le château à 14 ans. J’en ai 15 maintenant. Plusieurs mois que j’erre, pièce après pièce, presque une année que je suis ici, je me sens plus mature.
Je regarde la tasse. L’eau vibre, doucement, des cercles apparaissent à la surface, et disparaissent d’eux mêmes. « Le sommeil de l’eau ». Elle n’est pas tourmentée comme je le suis, elle ne ressens pas d’émotions. Comme je l’envie, parfois! J’ai encore le goût des nuits blanches sur mes lèvres, et parfois, j’aimerai dormir d’un sommeil paisible, sans rêves, et surtout sans cauchemars.
Je serre un coussin contre mon coeur, me tourne vers la table. Une bougie que je n’avais pas vu. Elle brille, et bien que je sois à un mètre d’elle, je sens sa chaleur, et l’odeur de la cire. « Des soleils brûlent dans nos bougies »… La flamme est si vive, et danse, au rythme de mes tourments.
Je souffle sur la bougie, et sombre dans un demi sommeil, sans parvenir à trouver ce sommeil sans rêves, profond, ce réel sommeil, que tout le monde connait. J’aimerai faire taire mes angoisses.
J’ouvre les yeux quelques heures après, secouée de tremblements. Encore. Cette fois ci, les braises se sont éteintes. je me relève, et saisis mon katana, tout en chantonnant.
-In the afterglow, over and over again,
I just can’t let go, cause il haunt me like a friend,
And I know…
J’appuie sur la poignée rouge sombre, comme par hasard, jette un dernier regard à l’ombre de l’assassin, et m’engouffre dans la pièce suivante.
Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »