Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE OÙ LE MOT « SILENCE » PREND TOUT SON SENS
LA PIÈCE OÙ LE MOT « SILENCE » PREND TOUT SON SENS

LA PIÈCE OÙ LE MOT « SILENCE » PREND TOUT SON SENS

Aifé

Un orchestre. Un orchestre symphonique silencieux. Les archers frottent les violons, sans un bruit, les musiciens soufflent, dans les cors, d’où sort un souffle d’air silencieux. L’ensemble est irréel, fantastique. Aucun bruit, rien. Juste le silence.
Des chanteurs. Des chanteurs muets. Leurs bouches s’ouvrent et se referment, dévoilant une note inexistante. De temps en temps, une page se tourne, sans un bruissement.
La pièce est grande, sombre, en fait, il s’agit d’une scène. Des rideaux d’un pourpre foncé cachent juste les bords de la pièce, car ils sont tirés. Des sièges, un public sont dessinés en trompe l’œil.
Je souris. Je ne peux pas résister à la tentation de nuire à la concentration des artistes. J’ouvre la bouche, et hurle, en riant.
-Ho hé !
Toutes les personnes présentes se tournent vers moi. Des instruments tombent sur le sol, silencieusement. Des masques de douleur me dévisagent. Certains tombent à genoux, d’autres se couvrent simplement les oreilles, incapables de faire un autre geste, tétanisés par la souffrance, d’où s’échappe un mince filet de sang.
Intéressant. Je n’avais pas prévu ce retournement de situation. Je savais que ces personnes n’appréciaient pas le bruit, mais de la à le craindre… Superbe oxymore, pour un orchestre.
-Je m’appelle Aifé !
Certains s’évanouissent, d’autres meurent sur place. En quelques minutes, plus personne ne bouge. Je me promène au milieu des corps immobiles, regardant les morts, à tour de rôle. Une personne attire mon attention. Sa poitrine bouge, doucement. Je cours jusqu’à lui. Je demande.
-Qui êtes vous ?
L’homme me regarde, et parle si bas, que je suis obligée de lire sur ses lèvres.
-I don’t understand…
Un anglais. Il est secoué de légers spasmes, respire, silencieusement, tandis que n’importe qui d’autre aurait produit des sifflements. Je murmure, impassible.
-Give me your pain…
Il saisit ma main. Je suppose qu’il l’avait portée à ses oreilles, car elle est couverte de sang. Il me regarde, furieux, haineux, que je puisse lui faire une telle proposition.
-You killed my friends. Kill me too…
Je hausse les épaules, et décidant avec la plus grande mauvaise foi d’accomplir pour une fois une bonne action, je saisis mon poignard. Décidée à abréger les souffrances de l’homme, qui ne supporte pas le bruit, je fais vite.
Bruit sec. Sanglot étouffé. Giclement de sang. Dernier soupir. Puis silence.
Le silence règne de nouveau sur la pièce. Je me relève lentement et nettoie ma lame. Tranquillement, je me dirige vers une porte dérobée. Le traqueur que je suis peut ajouter une nouvelle victime à sa liste. Je rie, doucement. En silence.

Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »

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