Poussière
La porte se referme. Il fait noir. J’aimerais regarder ce qu’il se passe mais Folly m’en empêche. Je n’arrive plus à bouger. Je note dans ma tête que sa télépathie marche aussi sur les esprits. Elle me demande, l’air inquisiteur:
-Pourquoi tu ne nous a pas parlé avant de tous ses monstres qui n’attendent qu’une chose : qu’on sorte pour nous bouffer?
-Les p’tiots… J’voulus guère leur causer du souci…
-Tu ne les inquiètes pas mais ils auraient pu mourir!!!
Elle crie, maintenant.
-Si t’les avais point réveillés, n’en serions point là!!!
Elle baisse les yeux. Je l’ai blessée, en appuyant sur un point qu’elle aurait préféré qu’on évite. Je me fiche de ce qu’elle pourrait me faire, contrairement aux autres. Elle ne peux pas me faire de mal physiquement, n’ayant plus de corps, et je n’ai rien à cacher. Je ne suis pas à sa merci, contrairement à Sakura, qui, pour je ne sais quelle raison, a sympathisé avec l’ennemi.
-Pour l’instant, notre ennemi est commun, derrière cette porte, et il ne pense qu’à nous bouffer. Ce sont quoi ? Des zombies? Ils ont une forme humaine, non?
-Ce sont des mort-vivants, répond Robin. Ils ont vendu leur âme pour sortir du Château. En faisant ce pacte, une partie d’eux même en est sortie, mais leur corps est resté, condamnant leur esprit tourmenté à errer dans le monde jusqu’à ce que quelqu’un délivre leur corps de sa souffrance.
-C’est ce qui t’es arrivé? me demande Sakura.
J’acquiesce. Je lance un regard à Robin, hésitant.
-Dis leur, et oublie ton patois moyenâgeux, sinon, on en a encore pour trois pièces, si on arrive à sortir de là.
Je me lance, en m’appliquant pour parler comme eux.
-Robin et moi sommes les deux plus anciens aventuriers de ce groupe. Aussi peu soudé soit-il, appelons ça un groupe. Je viens du monde d’Alkydos où il règne un climat terrifiant, semblable à celui de l’Inquisition. J’avais de longs cheveux roux, de grands yeux verts et une voix de crapaud. Il n’en fallu pas plus pour être accusée de sorcellerie.
Je frissonne. Je refuse de penser à cela. Robin pose sa main sur mon bras, sous l’œil jaloux de Lucy, qui pense que personne n’a remarqué son petit manège. Elle est vraiment conne. L’ elfe m’encourage à continuer, sans sembler s’offusquer du petit rire que Folly a lâché lorsque sa main est passée au travers de mon corps.
-Ils m’ont destinée à autre chose qu’au bûcher. Quelque chose de bien pire, ils m’ont destinés au Château. Quand je suis arrivée au plus haut point du monde, j’étais presque morte. Il m’ont laissée dans l’entrée puis sont partis fissa-fissa pasqu’ses gens là, ce sont des trouillards. Robin est arrivé, m’a relevé, puis nous avons exploré des pièces. Moi, je ne pensais qu’à une chose, rentrer chez moi, revoir mes parents, mon frère, mon cochon Teddy et ma cousine Garance. Et puis, une fois, nous sommes arrivés dans une pièce tellement belle, nous nous sommes arrêtés car j’avais sommeil et Robin est parti faire des tours de surveillance. Quand je me suis réveillée, je tombai carrément en «Poussière», d’où le surnom. On avais choisi une mauvaise pièce, on avait choisi une pièce qui contenait un charme de Vieillissement. Une nuit (c’est à dire un moment où l’on dormait), le Château m’a visité en rêve, et m’a demandé si je voulais sortir de ses entrailles, j’ai répondu oui, et alors, j’ai senti mon corps s’arracher à mon esprit, comme si j’avais été déchirée en deux.
Sakura met vite fait les mains sur les oreilles de Dae, mais elle a tout entendu. La fillette se remet à sangloter.
-Je veux pas que les méchants monstres me fassent ça.
Elle la berce et tente de la calmer.
-Làààààà, il ne t’arrivera rieeennnn. Dors, souviens toi, je serais toujours la pour toi.
Peu à peu, sa paupière s’abaisse, puis elle ferme son seul œil valide et s’endort.
-Ton corps est avec eux, donc, dit Nakosure.
Je hoche la tête.
-Et si on te tue, ça tuera la méchante toi de l’autre côté?
Robin lui décroche une taloche à l’arrière de la tête.
-Nako, t’es bête ou quoi, on ne peux PAS tuer un FANTÔME!!! Et de toute façon, Poussière est mon amie!
Il s’en va en boudant, à l’aveuglette, et je tend l’oreille. Mais rien, pas de cognement, ni de cri. Juste ses pas. En fait, cette pièce est immense.
-Pourquoi n’es-tu pas sortie, demanda Sakura, si tu étais libre?
-Parce que je dois réparer tous le mal que j’ai commis.
Ma voix se fais cassante, amère. Je me tourne vers Lucy prête à lui demander si elle peux nous trouver des trucs à manger avec ses clefs, en attendant que les morts-vivants se soient un peu calmés et arrêtent de saliver rien qu’en sentant nôtre odeur, quand soudain…
-Euh… Robin…
C’est Nakosure, il chuchote.
-Oui?
-Viens voir…
Sa voix n’est plus qu’un souffle.
Nous nous retournons, et là, nous le voyons.
Un énorme monstre, qui nous regarde depuis tout à l’heure. C’est un mélange de Jaberwookie, de Smaug, de gros dragon obèse et de boule de graisse flamboyante, au sens littéraire du terme.
Deux possibilités s’offrent à nous, diamétralement opposées: finir mangés ou finir mangés.
N’ayant jamais brillé dans mon intelligence, je n’ai pas le temps de résoudre ce dilemme Cornélien et de déterminer laquelle de ses deux manières sera la plus agréable, lorsque le monstre commence goulûment à manger le bras sans main du petit garçon, ses hurlements effroyables me dictent de choisir la deuxième solution. Je bondis, en même temps que les autres vers la porte, sauf Robin, qui a décidé de mourir en se battant avec un monstre dont les dents sont grandes comme ses avant bras.
Autrice : Sakura en sucre, sous le pseudo « Sakura en sucre »
