Moi, Triophto le Gorenburgois, croyais avoir démêlé toutes les ficelles. A présent une unique intrigue serpentait dans mon existance vide. Grossière erreur.
Chers explorateurs débutants, il est temps que vous tiriez une leçon de mes aventures : le Château et l’explorateur, c’est pour la vie. Le premier utilise le second pour le plonger dans la servitude, le second s’aide du premier pour abreuver sa curiosité. Si je digresse, c’est parce que dans le fond je me suis à peine remis de mes frayeurs. La salle était petite, il y flottait un lourd parfum de grenadine et de miel de saule. Les murs, badigeonnés de rose crème, semblaient être l’oeuvre d’une fillette avide de gâteux. Quand aux créatures : de petits papillons parlants, dont l’aile est couverte de toutes les couleurs sauf le gris et le noir-quels ton horrible et criards! comme ils évoquaient affreusement le bonheur!.
« Bonjour! »chantonna l’un d’eux d’une voix nasillarde et mielleuse. »Grr » ai-je répondu. C’est impoli mais j’étais de très mauvais poil. Et angoissé, car rien ne m’effraie plus que le rose.
« Vous connaissez la sortie? »ai-je ajouté.
« Pourquoi ne pas rester? Tu ne veux plus de clafoutis, de nougat, de berlingot?…
-Non merci, je suis allergique au sucre.(Catégorique et droit au but.)La sortie, s’il vous plaît.
-Tu es le premier à résister à ces douceurs…Notre mission était de t’éliminer, de découper tes tripes et de les jeter en pâture aux chiens, mais vu ta résistance, on pourrait aussi bien te recruter.(Tripes? Tuer? Pâture? Enfin du vocabulaire que je comprenais et qui me rassurait. Les papillons se muèrent en superbes trainées noires de poudre, dotées de trois rangées de crocs, comme une crapaude embrassant un Prince pour qu’il lui ressemble enfin.Une très belle histoire.)
-Merci encore, je suis de passage.
-Bon, c’est comme tu voudras, mais on t’a à l’œil, et le Château te regarde. Pas de bêtises! »
Les créatures s’estompèrent, mais j’eus le sentiment qu’elles n’avaient pas totalement disparu. Comme si elles vivaient encore en moi.