Amayelle
C’est d’un pas peu assuré et prudent que j’entre dans la pièce. Une pièce sombre, pas entièrement aveugle, juste calfeutrée. Toutes les interstices dans le mur sont bouchées avec ce qui s’apparente à des bouts de tissus. En m’approchant, j’effleure de la pierre froide, avant de prendre appui dessus.
Récapitulatif :
-Je m’appelle Amayelle. J’ai l’apparence d’une fée, un peu comme ces petites choses qui volettent à droite et à gauche. C’est un peu tout. J’ignore tout le reste. Je sais seulement que je cherche, ou plutôt que l’ancien-moi cherchait une personne nommée Ignis. Et si je veux obtenir des renseignements sur moi-même, j’ai plutôt intérêt à trouver quelqu’un qui me connaît bien.
C’est un peu maigre, mais suffisant. De toute façon, mes recherches à l’intérieur seront rapides, je suis certainement dans une maison qui fait une dizaine de pièces, tout au plus. Interroger les habitants ne sera pas long, et je n’aurais qu’à me lancer à travers le vaste monde pour retrouver cet Ignis.
Mais en attendant la pièce est sombre. Bien trop sombre pour que je parvienne à deviner une porte. J’entends un souffle d’air, et même si je n’en ressens pas les effets, je frissonne. C’est plutôt mal isolé, ici. Si j’osais, j’en parlerais au propriétaire lorsque je le rencontrerais.
Une bougie s’allume brusquement, et je me retourne vers la source de lumière. Un homme, dont je ne distingue pas les traits, si ce n’est un regard bleu intense. Je m’approche à pas lents, et lance d’une voix distincte que j’espère apaisante.
-Bonjour, je voudrais parler au propriétaire. Est-ce vous ?
-Mais certainement, Milady, approchez que je vous présente à l’Homme qui m’a condamné à la laideur éternelle !
Je m’approche, vaincue par la curiosité, mais reste néanmoins méfiante. Qu’est-ce que cet homme a à me dire ?
-Ne voudriez-vous pas éclairer d’avantage la pièce, qu’on y voit quelque chose ?
-Non ! Vous me verriez, et je suis bien trop laid pour que vous me regardiez sans hurler !
C’est à quelques pas de lui que je m’arrête, et observe l’homme à la voix grave mais qui n’en est pas moins dénuée de charmes. C’est un individu de taille moyenne, aux cheveux épars et aux sourcils broussailleux. Il sourit étrangement, d’un sourire forcé qui me déplaît. On dirait que comme il se croit laid, il s’oblige à sourire ainsi, à tenir ce rôle. Ce sont ses iris couleur océan qui me fixent, et je me retiens de l’observer d’avantage. Il paraît que c’est impoli, je crois.
-Vous ne criez pas, Milady ?
-Je ne savais pas que ça pourrait vous faire plaisir, mais si mon silence vous indispose, je peux le faire.
-Je suis laid.
-Vous croyez ?
-J’en suis certain.
-Au reste, vous avez une voix très séduisante et deux yeux du plus bel effet.
-C’est pour cela que je reste dans le noir, et que j’évite de croiser mon reflet. Ainsi, personne ne saura que je suis laid, et cela m’évitera le supplice du jugement.
Je jette un coup d’œil furtif derrière son épaule. La bougie éclaire une surface brillante qui réfléchit cette lumière. Un miroir, je crois que c’est un miroir. Un miroir brisé, même. Je reporte mon attention sur l’homme qui affiche un air maussade.
-Les gens sont beaux, je trouve.
-C’est exact, mais je ne le suis point.
-Vous croyez-vous donc supérieur aux autres individus pour ne pas être inclus dans « les gens » ?
-Je suis laid, Milady.
-Vous êtes une personne belle, qui se croit laide. C’est fort différent, même si le résultat reste le même. Car vous vous croyez laid, et préférez ne faire donc aucun effort pour plaire à votre entourage, et vous vous délaissez, jusqu’à devenir malheureux.
Il me coupe, alors que j’allais lancer une nouvelle sentence. Je peux comprendre sa réaction, il paraît que la vérité est souvent difficile à entendre, d’autant plus lorsqu’on l’a fuie pendant des siècles.
-Mon entourage ? Quel entourage ? Parleriez-vous des quelques amies que j’ai et de ma compagne inexistante ?
-Je parle de l’entourage que vous avez fui et que vous avez fait fuir en vous persuadant que vous étiez laid. Car à dire vrai, les personnes qui se renferment dans la coquille de leur prétendue laideur se détruisent et deviennent inintéressants. Les gens qui ont confiance en eux attirent, les gens qui s’aiment plaisent, et les gens qui sont heureux sont beaux. L’important, c’est de se plaire à soi-même, non ? Les autres ne sont pas importants, et le plus drôle c’est que lorsqu’on a confiance en soi, les gens vous suivent, vous écoutent et vous aiment. Il suffit d’un peu de confiance, d’un brin de malice, d’une pincée d’assurance et de bonheur à tartiner pour être beau. Soyez-vous même, ayez confiance, et je vous garantis que les autres vous trouveront beaux, même si plaire ne devrait pas être votre préoccupation première. Car je dois avouer qu’être aimé est une douce chose qu’on peut parfois acquérir par la beauté, mais surtout par l’assurance et la joie de vivre. Comment vous appelez-vous ?
-On m’appelle ZEB.
-Et bien, cher ZEB, j’espère que lorsque je quitterai cette maison, vous viendrez me souhaiter une bonne route sur le pas de la porte. Maintenant, je dois retrouver le propriétaire, il doit avoir des informations que je recherche.
Sans laisser à cet homme beau qui se croyait laid le temps de protester, je me dirige vers la porte que j’ai aperçue tantôt grâce à la bougie et l’ouvre sans tarder avant de m’engouffrer dans l’ouverture. Fini de jouer, maintenant. Je dois retrouver qui je suis. Et plus important encore, je dois retrouver Ignis. Le sentiment d’urgence qui plane sur son nom est loin de me laisser indifférente.
Ce texte s’apparente à une fanfiction. Certains de ses éléments sont relatifs à l’univers de la série Les Chevaliers d’Emeraude, écrite par Anne Robillard. |
Autrice : Jécrivaine sous le pseudo « Jécrivaine »