Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DU LECTEUR
LA PIÈCE DU LECTEUR

LA PIÈCE DU LECTEUR

Je tombe rudement sur le sol. Des bribes de rêve, des sons, des couleurs, des sensations, me donnent mal à la tête. Je suis trop confuse pour bouger. Puis doucement les brumes de mes pensées s’effacent et laissent place à deux yeux clairs fixés dans les miens.
Je me dégage par un réflexe, ce qui fait tourner ma tête et je dois m’appuyer de nouveau sur le plancher. Les yeux sourient, et leur propriétaire me soutient un instant.
“Bonjour,” dit la personne. Ou avait-il fait bonjour de la main? Je reconnais une salutation.
“Quoi?” je m’exclamais dans l’incompréhension de mon esprit. Il n’avait fait ni son ni mouvement, pourtant, j’avais compris.
Il avait dû voir mon trouble, par ce que il me tient par la main pour m’asseoir correctement, toujours sur le sol. Je me laisse faire, me sentant encore mal. Après quelque minutes de repos, je reprends assez mes esprits pour regarder autour de moi. Seule la personne aux yeux clairs de mon réveil se trouve dans la pièce. Il m’est impossible de déterminer son sexe. Ses cheveux aux épaules sont d’une couleur entre le brun et le noir, sa figure cachée, sa tunique et pantalon en toile beige, ni luxueuse ni misérable. Une personne qui me parut normale. En tendant mon esprit pour dresser un tableau de ses émotions, je suis arrêtée par une douleur forte, comme lorsque l’on bouge un muscle avec une courbature. Quelques respirations suffisent cette fois pour me calmer et j’observe la pièce autour de moi. Elle elle bien éclairée par une fenêtre de pierre où le soleil s’engouffre, quelques sièges disposés chaleureusement invitent à la détente. Devant l’ouverture, un banc est aménagé dans l’épaisseur du mur et agrémenté de coussins. Les murs sont habillés de tapisseries au style moyenâgeux, certaines avec des monstres effrayants, d’autres des dames de toute beauté, ou des scènes de chasse. Sur le banc, celui qui m’a aidé observe une pile de livre ; un des volumes est ouvert, il devait le lire. Bientôt il lève les yeux, peut être ayant senti mon regard.
“Ça va mieux?” Il parle réellement cette fois.
“Que… qu’est-ce qu’il m’est arrivé?” Maintenant concentrée, j’avais beaucoup de questions sur mon entrée—fracassante—dans cette pièce.
“Tu es sortie d’un livre. T’as pas l’habitude, non?”
Je cherche du regard les livres, un peu soucieuse, comme s’ils risquaient de m’absorber à nouveau. Des morceaux de mon rêve, ou plutôt mon voyage dans les livres, me reviennent un par un. Je me souviens. C’est fou, mais je ne peux contester la réalité. Je peux rentrer dans les livres et y voyager, découvrir leurs mondes comme un fantôme de pensée.
“Tu sais faire ça toi aussi?” Je pose une question au hasard parmi les centaines qui traversent mon esprit après cette révélation.
“Oui,” répond-il simplement. Après une pause il ajoute : “Tu devrais faire attention, c’est dangereux de partir tout seul au début.”
“J’ai pas fait exprès…” je commence, mais un bruit de derrière la grande porte en bois attire l’attention du jeune lecteur. Il ramasse ses ouvrages en une pile sur ses bras, esquisse un mouvement pour partir puis se ravise et m’observe un moment. Comme s’il était attendu et devait se dépêcher, il prends sa décision rapidement.
“Aller, viens avec moi.” Il me tend une main pour m’aider à me relever, ce qui mets en péril sa pile d’ouvrages. Nos regards les suivent alors qu’ils s’écrasent sur le sol.
“Zut!” Nous les ramassons vite, l’autre semble de plus en plus pressé. Il me confie quelques-uns des bouquins et nous nous dirigeons vers la sortie. Je n’ai pas le temps de me demander où je vais arriver de passer le seuil.

 Auteur : Sintara sous le pseudo « Sintara »

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