Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA COUR QUI SENT LE FUMIER
LA COUR QUI SENT LE FUMIER

LA COUR QUI SENT LE FUMIER

M’y voilà. Depuis le temps que j’en entends parler de ce fameux château, je suis enfin en son enceinte. Les légendes qui l’entourent circulent depuis des années déjà au village, et de nombreux aventuriers y ont tenté leur chance pour en percer le mystère, sans jamais en ressortir. Moi, toutes ces histoires de mystères, de gloire et de fortune, ce n’est pas trop ma tasse d’hydromel. J’ai passé l’âge, je laisse ça aux jeunes !
Et pourtant, voilà qu’à mon tour aujourd’hui j’ai poussé le lourd portail du Cathedrhall – au prix d’un bon mal de dos. Bah Bernard, pourquoi ce soudain élan d’intrépidité ? (Bah Bernard c’est mon nom. Prénom Bah, nom de famille Bernard. Une facétie de mes parents qui me vaut des plaisanteries bien peu originales de la part de tous les villageois qui ne peuvent s’empêcher de m’interpeller à tort et à travers à longueur de journée.) Revenons à nos moutons. La raison de mon entrée dans le Château, ce sont les moutons justement. Mes moutons, ceux que j’élève dans ma ferme depuis plus de trente ans, ferme que j’ai reprise de mes parents qui eux-mêmes l’avaient reprise de leurs parents, et ainsi de suite depuis mon ancêtre qui le premier avait su comprendre que la laine tient chaud et que cohabiter avec un troupeau de moutons, ça pouvait s’avérer utile durant la saison des grands froids. Et bien figurez-vous que mes moutons, les descendants des descendants des premiers moutons de cet ancêtre justement, ont disparu. Un à un, ils ont quitté le champ autour de la ferme. Au début, j’ai pensé que ce n’était qu’un animal égaré, mais après en avoir perdu plusieurs, je les ai surveillés assidument, et j’ai remarqué qu’ils se dirigeaient tous vers… le Château. A ma grande stupeur, j’ai vu mes bêtes pousser le portail du bout du sabot – sacrément costaud – et disparaitre dans l’antre mystérieuse. Ni une ni deux, j’ai couru jusqu’à la ferme me préparer une besace avec quelques essentiels – de quoi casser la croûte principalement, des torches, quelques pièces d’argent et mon fidèle harmonica pour égayer mon aventure. De retour au Cathedrhall, c’est avec appréhension que j’ai pénétré à mon tour dans la forteresse, inquiet mais prêt à tout pour retrouver mes amis laineux.
Évidemment, maintenant que j’y suis, plus aucune trace de mes moutons. Les chenapans, je ne sais pas ce qui les a poussés à rentrer dans ce château, mais ils ont l’air de s’être lancés dans une véritable exploration des lieux. A croire qu’une force surnaturelle les a guidés jusqu’ici et les a entrainés dans un recoin obscur du bâtiment. Qui est derrière ceci, et pourquoi ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais foi de Bah Bernard, on ne s’en prend pas à mon troupeau ainsi ! Je cherche aux alentours des traces qui pourraient m’indiquer la direction prises par mes animaux.
Je me tiens dans une petite cour terreuse juste derrière les remparts, n’ayant pas osé m’aventurer directement dans ce que j’imagine être le grand hall de la forteresse qui se trouve face à moi. Le nez rivé au sol en quête de traces de sabot, je traverse la cour, dont l’odeur me semble familière. Des tas de foin bordent la parcelle de terre et dégagent un doux fumet de fumier. D’aucuns trouveraient ce parfum désagréable, moi il me rassure, me rappelant mon chez-moi chaleureux. Je me dis que je suis sur la bonne piste : mes moutons ont eux aussi dû reconnaitre cette odeur et s’élancer dans cette direction. D’ailleurs, il y a même quelques poules qui errent autour de moi, semblant chercher du grain au milieu des cailloux. J’hésite à leur lancer quelques miettes de pain mais je me retiens. Qui sait pour combien de temps je vais rester dans ce maudit château ? Mieux vaut que je rationne mes victuailles. La cour n’est pas bien grande, et nul mouton à l’horizon. La terre, sèche et dure, n’a probablement pas permis aux animaux de laisser des empreintes suffisamment visibles, mais je reste convaincu qu’ils sont passés par ici. Au bout de la cour, une arcade mène vers une sorte de hangar. Peut-être mes bêtes se sont-elles entrées dans ce bâtiment ? Je m’élance sur leurs pas…

Auteur : Aur’Jan sous le pseudo « Aur’Jan (Bah Bernard) »

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