Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE COQUILLE
LA PIÈCE COQUILLE

LA PIÈCE COQUILLE

La pièce était immense. Du haut d’une montagne, Esprit surplombait des petits villages bordés par un sombre lac dont on ne voyait la fin. Le lac, les forêts sur le flanc de la montagne, les clairières et les prairies où quelques troupeaux de moutons s’entassaient. Cet univers, si calme et immobile, contrastait avec la frénésie des villages. D’en haut, Esprit percevait néanmoins chacun des bruits des femmes et hommes qui discutaient énergiquement. Des milliers de conversations s’entrechoquaient dans une étonnante harmonie. La curiosité d’Esprit était attisée par les couleurs chatoyantes des villages. Les toits rouges, les murs de pierre, le lierre, l’eau des ruisseaux rafraichissants. Chaque village était une petite danse à lui tout seul, avec ses habitants minuscules d’en haut qui traversaient les rues à toute allure. Les rayons du soleil faisaient étinceler les briques des maisonnettes, de même que la surface du lac. Un lac bien mystérieux, d’ailleurs. Il ne faisait pas peur, non, en dépit de son bleu si profond, car le soleil s’y reflétait. Ce lac veillait silencieusement sur les villages alentours, remplissant fidèlement sa mission protectrice. A vrai dire, il n’avait pas le choix, car la montagne qui se tenait face à lui l’observait continuellement. Bien plus âgé, elle imposait respect et autorité sur ce lac enfantin.
Esprit aurait pu passer des heures à contempler ce monde féérique, le genre de coin de paradis dans lequel on avait envie de se perdre pour y consumer sa vie. Il scruta le chemin qui lui permettrait de descendre de son promontoire pour rejoindre un des villages dansants.
Seulement, Esprit ne pouvait pas rejoindre cet univers attirant. Il n’était en effet pas uniquement perché en haut de son point de vue. Non, c’était un peu plus complexe. Ses pieds se posaient sur une plaque de verre qui le séparait de la montagne. Il s’agissait d’une immense plaque qui dépassait bien largement la surface de la montagne. Et cette même paroi transparente était placée au-dessus de lui. Il lui faisait de lever les yeux au ciel pour être pris de vertige à la vue de cette surface vitrée si mystérieuse. Esprit avait peur, si peur que cet abri scintillant ne s’effondre sur lui. Il ne cessait de plisser les yeux pour vérifier que cette verrière existait bel et bien. C’était si étrange. Elle n’avait rien à faire là mais se fondait pourtant parfaitement bien dans le paysage, elle s’apparentait en fait à une sorte de coquille Saint-Jacques en verre.
A vrai dire, rien n’empêchait Esprit de sortir de cette coquille pour rejoindre ce coin de paradis. S’il avait mieux observé la paroi vitrée, il aurait remarqué de petites fissures qui permettaient de passer au travers pour rejoindre la terre, bien réelle cette fois, de la montagne. Mais là n’était pas l’objectif d’Esprit. Enfermé dans cette prison ouverte, il craignait simplement qu’elle le détruise à jamais en se fracassant sur sa tête. Alors il resta assis, là, à rêver de ces collines, villages et lacs scintillants, si proches de lui et pourtant inaccessibles. Parfois, Esprit voyait les demeures colorées trembloter un peu et disparaître dans une fumée obscure. Il sursautait, avant de respirer calmement lorsque ce monde enchanteur resurgissait devant ses yeux. De fait, il aurait bien incapable de vous dire ce qui de ce monde existait ou n’était que l’objet de son rêve, lui qui était assis dans une toute petite pièce grisâtre du Château – le lac silencieux et la montagne qui l’observait ? les villages enchanteurs ? sa coquille de verre ?
Mais qu’importe, après tout.

Autrice : Miss Lovegood, sous le pseudo « Miss Lovegood »

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