LA VÉRANDA AVEC VUE

Pièce n°1775
Écrite par shwaan_fehish
Explorée par Ragana

J’ouvre la porte et un épais brouillard lumineux m’éblouit alors que je m’enfonce dedans et le traverse à l’aveugle. Après quelques secondes à tousser et tâtonner dans ce nuage plâtreux, mes yeux s’habituent et je retrouve mon souffle. La pièce dans laquelle je me retrouve est une vaste véranda en arc de cercle, ressemblant à un atelier de peintre abandonné complètement rendu à la nature. Le plancher de bois, brute et cerné d’échardes, est creusé de part et d’autre par des galeries de termites. Les murs sont couverts de lierre et de fleurs grimpantes, et autour des poutres du toit s’enroulent des glycines qui finissent, par endroits, par pendre du plafond. Le verre de la baie vitrée qui mure le pan droit de la pièce est brisé par endroits, y creusant des trous par lesquelles je devine que sont entrées les feuilles mortes qui jonchent le sol. La pièce baigne dans une lumière froide et pesante, chacun de mes pas soulève un petit nuage de poussière blanche.

De l’autre côté de la vitre, un paysage fantastique s’offre à moi. Une immense vallée d’automne s’étend en contrebas, avec ses champs secs épinglés d’épouvantails , ses chemins de terre, ses bois roux et ses fermes abandonnées. Dans le ciel, derrière les nuages éparses, d’autres très lointains paysages incertains se dressent au dessus de ce monde, comme si celui-ci se repliait sur lui-même. Ce qui me saisit peut-être le plus dans l’ambiance de cette véranda et du paysage sur lequel elle donne, c’est son silence assourdissant. Seul un faible sifflement se fait audible, comme une respiration de dormeur. Je remarque alors une silhouette figée dans un coin de la pièce. Cela me prend un peu de temps pour saisir la nature de ce que je contemple, et comprendre qu’il s’agit d’un vieil homme endormi coiffé d’un large chapeau d’amanite et aux épaules couvertes de champignons en tous genres. Son pied est attaché par une chaine à la chaise sur laquelle il est assis, et sur le dossier de laquelle est gravé au couteau en lettres failimoi « Tsatsa Gommo ». Il tressaille, il est sûrement en plein rêve, mais il commence à bouger. Je crains qu’il ne se réveille et me remarque, alors je décide de ne pas trop m’attarder ici. Je repère une porte de bois gris à moitié défoncée au fond de la pièce. Une odeur de rat crevé s’en dégage. « Courage, Ragana. Faut sortir d’ici, maintenant.» J’ouvre la porte.

Auteur-ice : Shwaan Fehish