Pièce n°1787
Écrite par Sol'stice
Rédigée lors d'un atelier d'écriture
Les applaudissements et les confettis ne sont pas pour moi. Ils m’assourdissent, me couvrent de leurs petits bouts de papier coloré, mais ce n’est pas mon visage qui sourit, pas ma main que l’on serre, convaincu. Ce n’est pas mon discours que l’assemblée, tassée sur les strapontins trop peu nombreux pour son entièreté, a écouté. Non, ce sont des mots d’un autre dont elle est abreuvée jusqu’à la lie, comme ils s’enivrent désormais tous pour célébrer le lancement de leur révolution. Stupide révolution. Je vide d’une seule gorgée le verre volé sur un buffet, le repose en y laissant l’empreinte poisseuse de mes doigts. Je les aurai prévenus, me répète-je entre mes dents en jouant des épaules pour traverser la foule. Je les aurai prévenus de la dangerosité de leur plan, de la vanité de leurs idées. Les feux qui durent dans le temps ne sont pas ceux qui naissent dans une explosion. La brûlure de l’alcool ne suffit pas à effacer l’amertume dans ma gorge. Celle-ci déborde, transpire, quand un des fêtards, me prenant pour l’un des leurs, me tape dans le dos avant de retirer sa main, dégoûté par la sensation grasse et collante contre sa paume. L’un des beaux parleurs qui a su les séduire doit avoir fait une autre de ses vaines promesses ailleurs, près de la scène, car ils se mettent tous à scander les mêmes mots en rythme, de plus en plus fort, en tapant du pied par terre. Je dois sortir d’ici, où je vais vomir tout mon ressentiment. Mes semelles collent, ralentissent ma progression, ne s’arrachent des planches du sol qu’avec un désagréable bruit de succion qu’aucun d’eux n’entend, les oreilles trop pleines de mensonges. À côté de l’estrade où il ne reste plus que le micro solitaire, je repère une porte. Une sortie, j’espère, probablement vers l’arrière du théâtre, là où s’entassent les poubelles, bien que je ne sache plus vraiment si les véritables ordures ne sont pas en réalité avec moi dans la pièce. Mes lèvres s’étirent, coulent, dans un sourire même pas heureux, une moue vaguement satisfaite, quand j’entends un des leurs glisser dans l’une des flaques que je laisse dans mon sillage. Ma main s’enfonce en partie à travers la poignée lorsque je la saisis, collant au métal quelques confettis qui se décoloreront dans le dépôt huileux que j’y laisse, comme leur joie se délavera lorsqu’ils feront face aux conséquences de leurs choix. Les théâtres seront les premiers à brûler dans leurs stupides feux de joie. Ça leur apprendra.
Cette pièce a été rédigée lors d’un atelier d’écriture.
Je crois te l’avoir déjà dit lors de l’atelier d’écriture, mais je le redis : j’adore le ton de ta pièce, le côté festif versus l’humeur de ton personnage donne un contraste très intéressant !
Le château manque de théâtres, je suis bien contente d’en lire un ! J’aime beaucoup le côté très cynique et désabusé de ta pièce.