Ailes d’Anges (Aile 1) as Ailes d’Anges (Aile 1)
Que faites-vous ici, à m’écouter bavarder des paroles sans queues ni têtes? Car, bien qu’elles aient eu corps à un moment donné, elles ne sont aujourd’hui que des esquisses de pensées emmêlées et troublées par les aventures que j’ai vécu dans cet château maudit et magnifique… Alors, je repose ma question… Que faites-vous ici? … Vous attendez mes critiques de vos poèmes? Je le ferais, une fois le début de mes aventures conté, vu que je vois que certains semblent attendre cela…
Alors, comme beaucoup d’aventuriers l’avaient fait avant moi et comme beaucoup le feront avant moi, j’ai poussé la porte du château aux cent milles pièces. La beauté du hall me saisit, me laissant immobile, là, dans le Cathédrhall. Des vagues de pierres recouvraient une partie du dallage. Des gouttes de pluie de verres restaient en suspension à une hauteur telle qu’il m’était impossible d’en estimer la taille, même si elles devaient être aussi épaisses qu’un bovin aux cornes enchantées qui courraient dans la plaine aux pierres vivantes… Quel spectacle magnifique, d’ailleurs -je parle aussi bien des plaines que des gouttes de verre-… Des portes de toutes espèces tapissaient les murs de ce hall. Des escaliers permettaient de rejoindre certaines d’entre elles, mais la plupart avaient des moyens d’accès moins conventionnels. Il me prendrait des heures de vous les décrire par le menu, je vais donc me restreindre à celui que j’ai emprunté.
Vous ai-je fait part de ma nature, car ceci est important à ce point-là? Non? Alors, remédions-y. Je suis une Ange. Mais pas n’importe quelle Ange. Je suis une Ange Lunaire, donc affiliée à ma mère qui est la Lune. Ce qui me donne quelques capacités particulières… De plus, je suis une Reine. Une Reine Lunaire. Il est vrai que je n’abuse point de ce titre et qu’ils sont rares ceux qui le connaissent. Il faut dire que jusqu’à une époque proche, ce titre n’avait aucune valeur, mais grâce au Paladin Crevette Xyloforce, ce statut m’ai aujourd’hui source d’une reconnaissance qui me réchauffe le coeur.
Il n’est pas né aujourd’hui celui qui arrivera à me faire plier et renoncer à cette quête.
Donc, j’en étais à l’accès à cette pièce. Ma Première Pièce. Le choix de la Première Pièce est un élément crucial. La porte que j’avais choisi luisait d’une faible lueur argenté. Ce fut cet éclat, doux dans l’immense pénombre de la salle qui me décida. Sauf que cette porte n’était pas au sol comme la plupart des autres. Elle se trouvait en équilibre dans un vitrail de Brume, -une antiquité comme une fossile, ce vitrail, au passage, et un objet de valeur inestimable- qui constituait, non pas un rempart aux vents et aux autres intempéries de l’extérieur, mais un plancher pour un niveau partiel, intermédiaire entre la voûte et le sol. Un escalier d’écailles d’Hippocampes spatiaux menait jusqu’à celui-ci. Je l’empruntais en courant et en chantant. Car, pour ceux qui ne connaissent pas les propriétés des écailles d’Hippocampes spatiaux, le chant permettaient de le durcir afin de leur donner une consistance réelles. En d’autres cas, il ne s’agit que d’une projection.
Bref, j’arrivais sur ce vitrail pour me rendre compte, que si la porte était bien sur celui-ci, la poignée se trouvait sur sa face inférieur. C’est là que ma nature d’Ange révèle son importance. Quelques secondes plus tard, alors que le vitrail commençait à protester sous mon poids, je m’envolai en dessous de mon niveau actuel. A peine ai-je effleuré la poignée que le battant se dissipa, devenant aussi inconsistant que les vents. Battant des ailes, je passai par l’ouverture.
Je m’élevais lentement à travers des volutes blanchâtres, scintillant légèrement. Je ne pouvais pas dire s’il y avait autre chose que cette brume-là, s’il existait une sortie, et si l’entrée elle-même existait toujours… Le temps lui-même semblait s’allonger aux contacts de ces filaments vaporeux. Je ne saurais dire combien de temps mon cheminement dura jusqu’à ce que j’entende un chant. Ce chant me fit instantanément venir les larmes aux yeux -Rien qu’à y penser, j’en ai des frissons. La larme qui coule sur ma joue n’est point due à ce souvenir, mais à ce rhume qui me tient-. Il me sembla que je m’arrêter de battre des ailes, sans pour autant choir. Au contraire, il me parut que mon ascension continuait, et d’une façon beaucoup plus efficace qu’auparavant. Le chant en lui-même n’était pas triste, mais rempli d’une douce mélancolie qui louait le temps qui passait.
Les notes ricochaient sur les spirales infinies qui s’étendaient autour de moi. Ce qui changea fut la lumière. D’inexistante, ou du moins, très diffuse, elle se concentra dans cette brume qui s’opacifiait et se colorait d’une douce teinte dorée. Les bras de brumes se mouvaient aussi de plus en plus rapidement, comme s’ils sortaient d’un long sommeil. L’un d’entre eux se rapprocha de moi avant de se retirer. Au bout d’un court laps de temps, je remarquai que d’autres tentaient la même expérience, s’enhardissant parfois jusqu’à quelques centimètres de ma peau.
Et puis l’un d’entre eux osa. Je fut surpris de la douce chaleur qui se dégagea du bref contact, le filament s’étant brusquement retiré après son action. Je tendis lentement la main. Petit à petit, ils se rapprochèrent et je pus caresser ces tentacules dorés. Tandis que je touchais du bout des doigts l’un plus courageux que les autres, il me sembla entendre un ronronnement.
« On dirait qu’ils sont vivants! » Je pensais l’avoir seulement pensé, mais il était possible que je l’ai prononcer à haute voix. Car à cet instant, le chant se tut et les bras fut pris de convulsions de plus en plus fortes. Je suivis l’action avec une attention et un peu d’appréhension, il faut l’avouer.
Les tentacules se transformèrent sous mes yeux ébahis en de petits dragons dorés qui voletèrent autour de moi, quêtant caresses et marques d’affections. Des Dragons des Temps Perdus! Quelle heureuse découverte. Je sentis une nouvelle fois les larmes me venir aux yeux. Ces créatures légendaires étaient sensées avoir été décimées depuis des millénaires! Je jouais un moment avec ces créatures magnifiques, jusqu’à qu’un élément nouveau vienne troubler ce petit monde.
Une créature sublime, divine même, s’approchait. Elle avait le physique d’un homme, la peau avec des reflets caramels, des yeux à la fois bleu océan, noir orage et doré, des cheveux noirs voletant dans un vent inexistant. Des ailes translucides, aussi fines que la lumière, le portaient à ma hauteur.
– Ce sont des Dragons des Temps Perdus
Sa voix était la même que celle qui avait chanté tout à l’heure. J’acquiesçai.
– Et vous, vous êtes…?
– Le Temps, se présenta-t-il.
A ses paroles, je remarquai des rides presque invisible mais, ô combien multiples sur son visage parfait.
– Ou du moins, une de ces formes multiples que l’on a enfermé ici, précisa-t-il. Savez-vous à quoi vous allez assister?
Je secouai la tête.
– A la répétition de l’histoire, lâcha-t-il d’un ton fataliste, sombre.
A ses mots, l’atmosphère crépita. Les Dragons s’envolèrent, effrayés, disparaissant de ma vue. Depuis la disparition de la Brume, un paysage paradisiaque s’installait peu à peu. Pourtant, à ce moment-là, le ciel semblait chargé d’électricité, bien que bleu.
Mon vis-à-vis me tendit la main et m’entraîna dans une large cuvette verdoyante et humide. Les Dragons se trouvaient là, apeurés. Je voulus les rejoindre, mais le Temps m’en empêcha. Et l’histoire se répéta sous mes yeux.
Des individus de blancs vêtus arrivèrent dans la cuvette. Ils chevauchaient des Hippocampes Spatiaux. Ils étaient armés. Un combat féroce s’engagea. Un combat perdu d’avance. Je voulus me cacher les yeux, mais je ne pouvais bouger. Je ne pouvais rien faire. Un à un, les Dragons, ceux que j’avais caressé quelques temps auparavant, succombèrent. Les hurlements me déchirèrent le coeur. Je crus mourir sous la tristesse.
Quand la tuerie fut terminée, le noir nous entoura. . Enfin m’entoura, car mon étrange compagnon avait disparut. Et les cris des victimes continuaient de résonner dans mes oreilles. Je clignais des yeux. Il me sembla voir une porte se dessiner devant moi. Mais, affaiblit par la douleur qui me déchirait les entrailles, je ne pus attraper la poignet et la porte se déroba. Il fut ainsi un certain nombre de fois, jusqu’à ce que je comprenne que je devais sortit pour ne pas devenir folle.
Enfin, ma main se raccrocha à une poignée et je basculai en avant hors de cette pièce maudite.