La Chatte qui Pêche as Poussière d’Étoile, aventurière lilliputienne (anciennement La Chatte qui Pêche)
(ou comment convaincre des rédacteurs ahuris qu’ils habitent dans le Château)
La pièce où on entra faisait grand contraste avec l’antre de l’homme préhistorique. C’était un bureau sorti tout droit du 21ème siècle, avec des tables, des chaises à roulettes, des ordinateurs, une bibliothèque remplie de classeurs… Une fenêtre ouverte laissait entrer un courant d’air qui décoiffait doucement les livres ouverts et les nombreux tas de feuilles posés un peu partout. Un rayon de soleil illuminait les grains de poussière voletant dans les coins. Mon nez était chatouillé par une odeur de café… En somme, on aurait dit un bureau humain normal qui peine à se réactiver après la pause déjeuner. Sauf que celui-ci paraissait vide de toute présence. Enfin, c’était ce que nous pensions. Trois secondes après, nous entendîmes une voix derrière nous s’écrier « Mais qu’est-ce que c’est que ça? » Un humain, une pile de livres dans les bras, nous regardait d’un air ahuri. Il semblait tellement surpris qu’il posa les livres sur une table et s’appuya contre le dossier d’une chaise, sans nous quitter des yeux, comme s’il allait s’évanouir d’une minute à l’autre.
Om se sentit en devoir de le rassurer. « Excusez-nous, monsieur. Nous sommes des explorateurs et nous ne vous voulons aucun mal. Je suis Om l’ombre, et voici mes compagnons Esprit, Poussière et l’araignée Ara. »
A présent, l’homme semblait encore plus étonné. Il prit un mouchoir et s’épongea le front, déglutit plusieurs fois, et enfin nous demanda d’une voix blanche « Des explorateurs? »
« Oui, des explorateurs du Château, répondit Om patiemment. Mes amis ici présents sont des aventuriers, et je suis un de ses habitants depuis pas mal de temps. Et vous? »
« Le Château? Quel château? » demanda l’humain l’air encore plus confus qu’avant.
Je me tournai vers Om. « Ce type ne sait pas qu’il habite dans le Château? »
Mon compagnon se gratta la tête, perplexe. « Je pensais que toutes les formes de vie intelligentes vivant ici devaient être conscientes de leur emprisonnement, mais pas lui, apparemment. »
Esprit sourit de son plus rassurant sourire spectral au pauvre humain terrorisé. « Ne vous inquiétez pas, on va tout vous expliquer! Mais au fait, vous faites quoi ici? »
On aurait dit qu’Esprit avait trouvé la bonne question pour détendre notre hôte. Il commença à nous expliquer, d’abord en balbutiant puis avec un ton de plus en plus exalté, qu’il travaillait à la rédaction d’un magazine humain, dont je ne me rappelle pas le nom mais qui avait quelque chose à voir avec Je Lis, qu’il était à la recherche de nouveau matériel et qu’il travaillait aussi sur un blog… Lorsqu’il mentionna ce fait, j’eus l’impression que le Château entier tremblait depuis ses souterrains. Mais ça ne devait être qu’une sensation, car l’humain continua à parler sans s’arrêter. Selon lui, nous étions arrivés dans le bureau de la rédaction qu’il partageait avec des collègues. Maintenant plus enthousiasmé qu’apeuré, il les appela de la pièce voisine et nous fîmes la connaissance de quelques autres rédacteurs et rédactrices. A tour de rôle, on leur raconta le plus possible sur notre exploration. Ils n’avaient aucune idée de ce que le Château représentait pour eux! Je leur fis voir le carnet sur lequel nous avions reporté nos aventures, Esprit montra les objets qu’on avait récolté dans les pièces. Avec sa baguette magique, elle fit apparaitre un lapin qui ressemblait drôlement à ceux de l’homme préhistorique. Les humains applaudirent comme à un magicien, puis Esprit fit disparaitre le lapin à nouveau. Om les avertit du danger que représentait le Château, de la lutte que nous avions mené contre lui, de la résistance qui existait. Leurs réactions furent toutes semblables: surprise, peur, doute, curiosité, excitation.
« Alors, si vous pouviez nous aider… » conclut Om.
Les rédacteurs hochèrent la tête et se mirent à parler entre eux du numéro spécial résistance contre le Château qu’ils allaient sortir. Ils semblaient tellement plongés dans l’idée qu’ils nous remarquèrent à peine lorsqu’on décida de partir par la porte d’un cagibi. Nous étions contents d’avoir réussi à les convaincre: si leur magazine circulerait dans les pièces, il deviendrait un moyen d’information et de communication efficace parmi les créatures du Château. Cela dit, il nous restait encore des milliers de pièces à explorer – et pas un instant à perdre.