Ewen as Ewen
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, veuillez accueillir comme il se doit Bernard, le super-héros qui n’a pas peur du noir ! (Hum hum, notez la subtilité du jeu de mot, s’il vous plaît!) Vous ne vous rappelez peut-être pas de ma précédente pièce, et bien, rassurez-vous, rien de grave. Il faut vous juste savoir que j’ai ouvert une porte mi-sable, mi-eau-de-mer, et que j’espère y trouver une MA-GNI-FI-QUE plage pour prendre un repos bien mérité. Et puis, rêver n’a jamais fais de mal, alors…
Dès que j’ai posé mon pied gauche sur le sol de la seconde pièce et que j’y ai porté le regard, une subite envie de reculer me prit. Pourtant, c’était impossible, puisque la porte se refermait déjà sur moi, entraînée par quelque magie sordide. J’étais, malgré moi, contraint d’entrer entièrement dans la pièce. Devant moi s’étendait une fine langue de sable gris, entourée de toutes parts d’eaux sombres, comme envahies par des ténèbres. La langue ne s’étirait que sur une dizaine de mètres avant de plonger abruptement dans la mer. Je ne voyais pas les limites de la pièce – si il en existait réellement. Tout semblait baigner dans des ombres grises. Le plafond était bien visible : vaste ciel couvert de nuages noirs et d’une lune arrivée à son Dernier Quartier. Je me tenais seul sur la langue de sable, apeuré, déprimé et accablé par une terrible envie de manger et de boire. Je fis quelques pas en avant, observant les alentours : il n’y avait aucune porte en vue, seulement de l’eau, du sable et des ombres. Pourtant, il me fallait trouver une issue, c’était, je crois, le but de cette quête. Parcourir avec d’autres aventuriers que je ne connaissais pas, que je n’avais toujours pas rencontré, 100 000 pièces. Le défi était dur, assurément, et le Château, l’âme qui règne en ces lieux obscurs, ne nous permettrait sûrement pas de l’accomplir. Mais c’était notre but, mon but, et je ferais tout pour réussir.
« -Alors trouve cette porte, Bernard ! Espèce d’artichaut ! m’aurait probablement crié ma mère, que j’avais laissé derrière moi, dans mon ancienne vie. Ma mère, qui avait si peu confiance en moi… Mais ne nous attardons pas sur elle et poursuivons mon récit. La porte. Je devais la trouver et elle était forcément quelque part, dans cette pièce. Je réfléchis un court instant : si elle n’était pas sûr la langue de sable gris, elle était forcément sous l’eau. J’étais donc forcé de plonger dans cette mer sombre, nager dans cette eau noire. Je frissonnai rien qu’en y songeant. Je fis quelques pas en avant pour atteindre l’extrémité de la langue de sable. Je sondai de mes yeux terrifiés l’eau sombre qui oscillait devant moi : je ne pouvais deviner ce qui se cachait dans les profondeurs.
Mais assez perdu de temps, il me fallait plonger. Alors, sans réfléchir (de toute façon, la réflexion ne m’aurait pas réellement sauvé aujourd’hui…), je plongeai dans la mer.
Du froid. L’eau était glacée. (J’aurais tout de même bien fait de tremper mon doigt dans l’eau pour me donner une idée.) Mais, chose improbable, l’océan s’éclaircissait un ou deux mètres en-dessous de la surface, ce qui me permettait de voir sous l’eau.
A ma gauche, je remarquais une petite porte, minuscule. Il me suffisait de nager une cinquantaine de mètres pour y parvenir. La tâche était aisée, finalement.
Soudain, débarqua devant moi un immense poisson, c’était, si j’en croyais mon instinct de fils de pêcheur, un Empeur. Un énorme poisson gris orangé. Il fonçait sur moi à une allure inimaginable, la bouche grande ouverte. Il avait repéré de la nourriture, et il n’allait pas la laisser s’enfuir. Je nageai le plus rapidement possible vers la porte, qui ne se trouvait plus qu’à une trentaine de mètres devant moi. Mais le poisson arrivait déjà, il me fallait le combattre (ou mourir dévoré par une bête affamée, mais cette option est un point moins glorieuse). De ma poche, je sortis un couteau suisse, j’ouvris le plus rapidement possible la lame, et continuai à nager. Je sentais derrière, à environ dix mètres, l’énorme poisson. Dans deux secondes exactement j’allais me retourner et enfoncer le couteau dans sa chair.
Un. Deux.
Je me retournai brusquement, le poisson était juste en face de moi, je plantai alors la lame de mon couteau dans son front. Un coup. Puis un second. Un troisième. Et il sembla enfin perdre la vie. Il descendit lentement vers les profondeurs claires de l’océan, du sang l’enveloppant totalement. Victorieux, je me retournai alors vers la porte et parcourrai les derniers mètres restants.
La porte était verte et semblait recouverte de larges feuilles de palmiers et autres feuillages tropicaux. Je baissai la poignée et entrai dans ma troisième pièce, totalement mouillé et abasourdi par le premier « crime » que je commettais dans les murs du Château.