Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA TANIÈRE
LA TANIÈRE

LA TANIÈRE

lerêveurtoujours?oui,toujours!optimiste as lerêveurtoujours?oui,toujours!optimiste

Le couloir. Encore et toujours. J’étais encore sous le choc de la dernière pièce. Elle ne contenait aucun danger particulier, et pourtant c’était sans doute la pièce qui m’avait le plus éprouvée depuis le début de mon exploration.

Charlie avançait en sautillant. Cette joie de vivre, si elle ne réussissait pas à être communicative, était cependant bien agréable !

– Noone… ?
– Oui Charlie.
– Je peux encore choisir une porte, me demanda-t-il avec une certaine hésitation dans la voix ?
– Mais bien sûr mon bonhomme…pardon, Charlie ! Pourquoi as-tu l’air si hésitant quand tu me poses cette question ?!
– …c’est que…la pièce d’avant…tu avais l’air si triste ! Pourtant il était beau le dessin ! Tu aimes pas les dessins ?
– Non, non, c’est pas ça…écoute, vas-y, choisis !lui dis-je en essayant de trouver un semblant d’entrain !

Il me fit son plus beau sourire…mais non, me corrigeai-je, son sourire est figé pour toujours sur son visage ! Il partit en courant, s’arrêta brutalement devant une porte dont je ne savais pourquoi il l’avait choisie, et l’ouvrit avant même que je ne sois à sa hauteur, ce qui provoqua chez moi un sentiment d’anxiété quasi instantané.

Nous entrâmes. Avant que j’aie pu faire quoi que ce soit, la porte claqua derrière moi.

Une vaste pièce. Une odeur nauséabonde. Un désordre indescriptible.
Une foultitude d’objets diverses jonchait le sol (un ado n’aurait pas réussi à faire quelque chose de semblable de sa chambre même après six mois sans intervention adulte !). Les objets étaient recouverts d’une substance que je ne parvenais pas à identifier, mais qui était incontestablement responsable de l’odeur pestilentielle qui régnait dans cette pièce. Je notai dans un coin de mon esprit de ne pas laisser Charlie choisir la prochaine porte ! Son absence de nez avait bien évidemment contribué au fait qu’il n’avait pas décelé cet infâme parfum qui devait pourtant bien transpirer à travers la porte !

Je m’interrogeai sur la provenance de cet amas d’objets pour le moins hétéroclite : un violon aux cordes arrachées, une flûte au bec cassé, les restes d’une guitare, un marteau au manche vrillé, un morceau tournevis…la liste était longue.

Lorsque soudain, Charlie et moi nous figeâmes en même temps. Un bruit sourd contre le mur qui nous faisait face .
Et puis un slurp que mon inconscient refusait d’identifier clairement. Et sous la plainte, quelque chose qui se faufilait. Non, pas quelque chose ! Pas quelqu’un non plus , évidemment ! Je ne connaissais qu’une seule créature capable de se faufiler de la sorte et avec un pareil bruit répugnant ! LA Créature ! Celle de la pièce au funeste sapin de Noël !

Je reculai le plus doucement possible vers la seule issue apparente de la pièce : la porte par laquelle nous étions entrés…et je ne fus même pas surprise de constater qu’elle était fermée !
Charlie m’avait suivie d’instinct, et fixait sur moi ses grands yeux tristes qui auraient certainement exprimé une grande frayeur s’ils n’avaient pas été aussi figés que son sourire.

La Créature avait fini de se slurper de sous la plainte, et entrait dans la pièce lentement, comme si elle dormait à moitié. Soudain, dans un rot nauséabond, elle recracha violemment… une poupée toute visqueuse.

Je fus prise d’une irrépressible envie de vomir lorsque je réalisai ce qui se passait devant moi : la Créature venait certainement de faire une nouvelle victime, et elle régurgitait ce qui n’était pas comestible !
Ainsi donc ces objets étaient tout ce qui restait des malheureux aventuriers dont elle avait fait ses repas ! Et, ô mon dieu, son dernier repas avait dû être…une fillette !

La Créature avait stoppé sa progression au centre de la pièce, et, repue, elle s’apprêtait à s’endormir mollement.
Par chance, Charlie ne semblait pas avoir exactement compris ce qui se jouait sous nos yeux terrorisés.

Je lui fis signe de ne pas bouger, et m’approchai tout doucement de l’endroit de sa tête où aurait dû figurer une oreille (décidemment, ne pus-je m’empêcher de penser malgré la peur qui me saisissait , le créateur de Charlie avait vraiment bâclé le travail !) :

– Charlie, chuchotai-je. La porte est fermée, on ne peut pas sortir. Ne bouge surtout pas, mais il faut que nous trouvions rapidement un moyen de quitter cet endroit !

Il tourna lentement la tête vers le mur qui était sur notre gauche, et me désigna d’un geste insensible un endroit quelques mètres plus loin.
Je distinguai alors un orifice, assez petit pour laisser passer…Charlie.
Je jetai un œil inquiet vers la Créature en pleine digestion, et, provisoirement rassurée(combien de temps allait-elle rester ainsi avant de se mettre un quête d’un prochain repas ?), je commençai à me faufiler vers cette ouverture providentielle.
Charlie arriva avant moi, et cette fois-ci, ses yeux tristes convenaient très bien à son émotion du moment :
– Je peux passer par ici, mais toi….
-Tu dois sortir Charlie !
-Oui, mais je ne veux pas partir sans toi ! dit-il en élevant la voix malgré la peur que lui inspirait la visqueuse Créature endormie à quelques pas seulement.

– Chuuuut, calme-toi, lui intimai-je ! Tu vas sortir, revenir vers la porte, et m’ouvrir de l’extérieur.

Il ne semblait absolument pas convaincu, mais un bref mouvement de la Créature suffit cependant à le décider.
Il se contorsionna, s’écrasa, et finit par réussir à s’extirper de la pièce.
Je me faufilai à nouveau vers la porte, qui, j’espérais, allait s’ouvrir pour me laisser m’échapper.

Rien.

Et puis un bruit sourd. Puis un deuxième. Puis un troisième. Puis un chuchotement.

– Noone ! La poignée est toute haute maintenant, je ne suis pas assez grand !
– Essaie encore de sauter, suppliai-je en voyant la Créature se retourner soudainement, comme prête à s’étirer après un sommeil bien mérité !

Nouveau bruit sourd . Nouveau mouvement de la Créature.

– Noone ! Je saute presque assez haut, mais sans main c’est trop compliqué, la poignée m’échappe à chaque fois ! Noone, tu es encore là ???
– Oui, oui, dis-je dans un murmure à peine audible.

J’essayais de ne pas inquiéter Charlie, mais j’étais terrorisée, car le Créature commençait à bouger de plus en plus.

– Qu’est- ce qu’on fait, dit-il d’une voix qui devenait suppliante

Je pris quelques minutes pour réfléchir, surveillant la Créature qui, c’était certain, n’allait plus dormir très longtemps !

-Ecoute-moi bien Charlie, tu vas courir jusqu’à l’escalier le plus proche, et monter jusqu’au 83è étage. Tu te souviens, je t’ai dit qu’il y aurait bientôt du monde là-bas . Vas-y et trouve de l’aide !
– Non, non, je ne veux pas partir sans toi !
– Charlie ! On n’a pas le choix !

Un grand silence. La Créature se lève. Des secondes qui me semblent éternité.
Nouveau bruit sourd…et la porte s’ouvre !
Sans réfléchir et sans un regard pour savoir ce qu’aurait fait la Créature si j’étais restée ne serait-ce qu’une minute de plus dans son antre cauchemardesque, je me ruai sur la porte, la franchis dans le même élan et la claquai brutalement derrière moi.

– Cours ! criai-je à Charlie qui me suivit prestement.

Quelques minutes plus tard, essoufflés et épuisés, nous nous arrêtâmes hors d’haleine.
Il me fallut quelques minutes de plus, le temps de reprendre mes esprits, pour demander :

– Mais…comment…

Ma phrase resta en suspens, comme accrochée à mes lèvres. Parce que la réponse, elle était là, évidente, devant mes yeux ébahis ! Au bout du bras droit de Charlie, il y avait maintenant une main ! Toute petite, toute fine, mais une main ! Lui aussi la contemplait, étonné et ravi.

– Charlie commençai-je, tu…je crois que tu…je crois que tu t’humanises !
– C’est quoi, s’humaniser ?
– Tu te transformes en humain mon pote !
– Waouuuuuh !

Toujours inquiète à l’idée que la Créature se trouvait dans une pièce à seulement quelques mètres de nous, je regardai Charlie et il comprit instantanément qu’il nous fallait reprendre notre route.
Après quelques minutes, ni tenant plus, il m’interrogea :

– Noone…c’est quoi un humain ?

J’éclatai de rire ! Un rire qui dura longtemps, que je n’arrivais pas à contenir, et qui me faisait du bien !
Je pris Charlie par sa nouvelle main, et nous partîmes ainsi, tous les deux. Je me promis quand même de répondre à sa question. Plus tard….

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