La Panthère Qui Ronronnait as La Panthère Qui Ronronnait (Chocolatiiine!)
Je m’engouffrai à l’intérieur du wagon, me laissai tomber sur une banquette aux coussins déchirés et le train démarra.
Tout semblait assez vieux : une fine couche de poussière tapissait les banquettes délavées, le papier peint des murs se décollait à certains endroits et tout le véhicule émettait des grincements pour le moins… inquiétants.
-Éliane, tu as réussi à venir ?
Je me retournai, et vis Bastien qui se tenait dans l’embrasure de la porte qui menait à l’autre wagon. Sans hésiter, je lui sautai au cou et me mis à pleurer à chaudes larmes.
-Qu’est-ce qui t’arrive ?
Hoquetant, reniflant, je bredouillai :
-Espèce de monstre, fourbe, traître, sans-cœur ! Qu’est-ce qui t’as pris de partir comme ça ? J’ai eu tellement peur !
Il sourit et essaya de se libérer.
-Je suis désolé, mais je suis là, maintenant, non ? On est de nouveau ensemble, c’est ça, le plus important.
Je lui souris faiblement en retour et le lâchai.-Peut-être, mais explique-moi pourquoi tu es parti sans m’attendre ?
Il réfléchit, puis déclara :
-Et bien… En fait, je n’avais pas eu le choix. Je me souviens juste de m’être réveillé ici.
Je reculai, surprise.
-Ah… Alors, désolée de m’être énervée, m’excusai-je.
-Pas grave. Tu savais pas.
Nous restâmes silencieux pendant un moment. Nous ne savions pas trop quoi de quoi parler, maintenant que tout était dit.
Soudain, le jeune homme qui m’avait aidée à monter fit irruption dans le wagon.
-Tout ça, c’est bien joli, mais vous devriez vous dépêcher. La plupart des autres aventuriers sont déjà arrivés au 83ème étage. D’ailleurs, ils ont presque tous trouvé le cachot et la réunion a déjà commencé ! Et vous, je ne sais même pas si vous êtes prêts, déclara-t-il tout d’une traite.
-Comment ça, on doit être prêts ?
Le jeune homme soupira.
-Bien. Je vois que vous avez encore des choses à apprendre. Mais vous êtes jeunes, c’est normal.
« C’est ça ! Dis tout de suite qu’on est des bébés ! », pensai-je, furieuse.
L’homme me regarda étrangement, comme s’il avait entendu ce que je pensai. Je rougis et baissai la tête.
-Je ne suis pas sûr si c’était mentionné dans l’appel d’Émerence, mais vous allez devoir vous battre, continua-t-il. « Contre une des armées les plus puissantes que j’aie connues, -et croyez-moi j’en ai vu plusieurs- celle du Château lui-même !
Elle est principalement constituée de mages et de guerriers de toutes sortes, mais surtout de GDIRs.
-De quoi ? L’interrompis-je immédiatement. « Il était question de magiciens, et aussi de combats, mais les… gédiéèrs, ils n’étaient pas mentionnés ! Au fait, c’est quoi, des… euh, des gidéièérs ?
Le jeune homme éclata de rire.
-Des GDIRs, petite, des GDIRs. C’est l’abréviation pour Guimauves Douces Irrésistibles Ramollos. Enfin, je crois. Ça fait longtemps que je n’en ai plus beaucoup entendu parler. Je ne suis même plus sûr s’ils combattent avec le Château. Pourtant, il n’y a pas si longtemps que ça, quelqu’un est venu dans la gare ! J’aurai dû leur demander. Ça faisait trois aouns que je suis enfermé dans ce train et je n’en avais pas profité pour leur parler ! Dommage.
-Des aouns ? S’étonna Bastien en se mêlant à la conversation. « Qu’est-ce que c’est ? »
-C’est notre façon de compter les jours, répondis l’homme. « Pour vous, on dit une année, qui est comptée en trois cent soixante-cinq jours, et pour nous, on dit un aoun, c’est… environ cinq cent jours, même si on compte plutôt en lunes »
-En lunes ? C’était à mon tour de m’étonner.
-Oui, car là d’où je viens, il y a plusieurs centaines de lunes, qui apparaissent chacune à leur tour dans le ciel. Et quand j’avais dit cinq cent jours, je voulais dire cinq cent jours humains, pour ne pas vous embrouiller ! Chez nous, les jours, c’est des towas, qu’on mesure grâce aux cratères de lune. Chaque lune a le même nombre de cratères, à savoir quatre-vingt-quatorze, et il on compte quarante-sept cratères par jour, donc un jour, c’est une demie-lune, et deux jours, c’est une lune. On change de lune tous les deux jours. Un jour de votre monde correspond à un towa et quart de chez nous, car les vôtres sont un peu plus longs. Donc un aouns correspond à… six cent vingt-cinq towas, ou à trois cent douze lunes et demi.
-Mais à quoi ça vous sert de compter en lunes si vous avez des towas ? Demanda Bastien, qui semblait aussi embrouillé que moi.
L’homme fit un geste évasif et le silence régna pendant un petit moment dans le wagon, troublé par le seul bourdonnement d’une mouche et du crissement des griffes de Minouchka (où était-elle passée pendant tout ce temps ? Mystère) sur le parquet métallique en essayant d’attraper l’insecte. Sans résultats .
-Et Minouchka ? On en fait quoi ? M’exclamai-je soudainement. « On ne peut quand même pas l’emmener avec ! »
L’autre fit encore un geste évasif et répondit :
-Ce n’est pas un problème. Vous devriez la prendre avec vous, elle pourrait vous être utile.
Bastien ouvrit la bouche pour répondre, mais se repris et se tourna vers la chatte. Celle-ci venait juste de s’écraser contre une des vitres en essayant d’attraper l’insecte.
-Elle ??
Le jeune homme ne répondis pas et se leva, puis disparut dans un autre wagon et revint avec des manteaux qui possédaient plusieurs poches et un capuchon écarlates. Le reste était blanc et noir, se fondant dans des dégradés de gris. Ces vêtements semblaient extrêmement fragiles, mais le jeune homme nous assura que c’était l’armure la plus résistante qu’on puisse trouver dans tout le Château.
À Bastien, il déclara que l’épée suffirait, et qu’il fallait juste comprendre dans quelles circonstances on pouvait l’utiliser. Bastien ne semblait pas avoir tout compris mais mit la main sur le pommeau de son épée pour s’assurer qu’elle était vraiment là. Moi, je reçus un petit poignard que n’avait pas l’air très dangereux mais l’homme chassa mes doutes en découpant sans difficulté une plaque de métal grâce à ce couteau, et il avait déclaré que c’était une arme très puissante, et qu’il ne fallait pas se fier aux apparences.
Avant de partir, j’avais quand même une dernière question :
-Vous aviez dit que quelqu’un d’autre était venu ici. C’était qui ?
-Un curieux petit cortège, vraiment. Mais je ne m’en souviens pas si bien et ils ne m’ont pas vu.
-Et… ça fait combien de temps que vous êtes dans le Château ? Continuai-je.
Il sourit tristement et mit un peu de temps à répondre.
-Je ne sais plus… Au bout d’un moment, au Château, le temps ne se compte plus. En tout cas, je sais que ça fait bien trop longtemps que je suis ici.
J’ouvris la bouche pour poser une autre question, mais il était déjà à moitié disparu dans le wagon d’à côté.
« Au fait, je m’appelle Iotan », croyais-je entendre, mais j’aurai pu me tromper. De tout façon, le bruit des roues du train freinant couvrait tout, ou presque.
Au moment de pousser la porte, j’arrêtai mon geste, soudainement moins sûre de moi.
-Qu’est-ce qu’il y a ? me demanda Bastien.
-Je ne sais pas… Je ne suis pas si sûre de vouloir y aller. Une grande bataille… je ne me sens pas prête.
Bastien éclata de rire.
-Ça ne devrai pas être trop grave, avec une armée qui se bat avec des Guimauve Douces Irrésistibles Ramollos !
-Oui, mais quand même…
J’hésitai.
-Iotan avait dit qu’il n’était pas si sûr.
-Qui ça ? Demanda Bastien.
-Iotan. Le jeune homme, fis-je, légèrement agacée.
Bastien fronça les sourcils.
-Comment tu sais qu’il s’appelle comme ça ? Rétorqua-t-il.
Moment de silence pour attendre que le train soit complètement arrêté.
-Et puis, même s’il s’est trompé, ça ne doit pas être de beaucoup, ajouta-t-il. « Allez, viens. »
Je regardai par la porte du train qui était maintenant ouverte. On ne voyait rien, que du noir.
« Tant pis » pensai-je. « En route pour la pièce 1000 ! »
Et je sautai au-dehors à la suite de Bastien et de Minouchka.