Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE OÙ J’AI TENU UNE CONVERSATION AVEC DES COUSSINS
LA PIÈCE OÙ J’AI TENU UNE CONVERSATION AVEC DES COUSSINS

LA PIÈCE OÙ J’AI TENU UNE CONVERSATION AVEC DES COUSSINS

*pièce née d’un délire en jouant aux loups-garous de Thiercelieux (jouueeez c’est trop biennn)*

Folly

J’adore cette pièce. On dirait une mer de coussins, de poufs et de couvertures. Même si ma petite sieste improvisée au pied du grand arbre dans la pièce aux grillons m’a ressourcée, elle s’est soldée par un échec cauchemardesque et mon estomac remonte dans ma gorge rien que d’y penser.
J’espère que Sakura n’a pas mis le Château en colère. Mais ils sont tellement confortables ces coussins !!! Je crois que je vais dormir encore, et tant pis pour elle si elle cherche les problèmes et qu’elle meurt ça lui apprendra à s’en prendre à mon Château ! Oh là là mais qu’est-ce que je dis, moi ! Je suis siiii fatiguée. C’est pas normal. Pas plus que le Château qui boit du thé. Est-ce qu’il va aux toilettes ? Je n’en suis pas sûre. C’est le Château tout de même !!!
-Pfff… lâché-je à voix haute. Je suis vraiment conne.
Je me tourne vers un coussin. Multicolore. Comme ma tête. Depuis combien de temps n’ai-je pas parlé à une personne saine d’esprit ? À quelqu’un qui me comprenait tout en restant loin de mon univers ? À part Sakura, la dernière fois que j’avais parlé à une personne saine, sans tendances meurtrières, esprit détruit, magie ou don, c’était en 2017, avec Marie. Je pense que j’ai passé deux à trois ans dans ma pièce qui ne me fait pas vieillir avant qu’on ne fasse exploser mon repaire et que je sois obligée de suivre une bande d’abrutis. Donc plus de cinq ans.
Cinq putains d’années. C’est beaucoup trop.
Je prend le coussin. Il a l’air complètement fou. Comme moi. Je n’en veux pas. Je veux une personne normale à qui parler. Je veux une personne qui le deuxième samedi du mois va faire du shopping à Paris en compagnie des ses amis, qui va au cinéma du coin après un McDonald. Une personne normale avec douze de moyenne, un corps normal, qui écoute du RnB un peu naze mais ça lui plaît. Une personne qui se fait les ongles et se coiffe bien, qui porte des slims et passe son temps à parler des garçons.
Juste une personne normale.
Mais dans le Château il n’y a pas ça.
Je fouille maladivement le tas de coussins et j’en trouve un rose à paillette, sans pompons, dentelles et autres. Il est très normal, lui. Il me plaît.
-Hey salut l’ami. Tu t’emmerdes pas un peu, par hasard, ici ? Tu peux venir avec moi, si tu veux. Je t’emmènerais dans des pièces supers, où il y aura des robes de haute couture gratuites, des apéritifs à volonté et peut-être même des fast-foods.
Je le sens me regarder de traviole, celui-là.
-Quoi, quoi qu’est-ce que j’ai ? Tu me trouves pas assez bien pour être ton amie, hein ? Tu pense que je suis folle….
Le tissu se rétracte dans mes mains. Il a peur.
-T’as raison, c’est ça !!! Alice-Lucy par ci Alice-Lucy par là !!! Et toujours accompagnée des mots autiste folle malade mentale psychopathe sadique schizophrène sorcière surdouée et cætera et comme je suis gentille je les ai triés par ordre alphabétique, et maintenant c’est tes phalanges que je vais trier par ordre de grandeur !!!!!!
Je saisis ses cheveux et la frappe, frappe frappe encore et encore. J’entends son tissu se déchirer, son sang de coton se déverser, mais je continue. Cette connasse doit payer pour ses injures.
-Tu croyais quoi, hein ?! JE SUIS HOMONIVORE, PAS OMNIVORE PUTAIN !!!!!! Je vais te sangsucer jusqu’à ce que tu ressemble à un macchabée dans ta blancheur de coton de merde made in china !!!!!
Je le balance contre le mur capitonné où son corps mutilé rebondit mollement.
-JE VOULAIS JUSTE ETRE NORMALE SALE CONNE !!!!!!!
Je saisit mes cheveux et en arrache une touffe. La douleur me soulage. Je suis vivante. Je suis vivante. Non, je suis morte de l’intérieur bon sang je ne sais plus qui je suis !!! Je lâche un râle rauque et glaçant. Une larme coule, carmin, tâchant mes nouveaux habits. Je n’ai pas tenu une minute face à une personne normale. Je suis minable.
Je sers ce qu’il reste du coussin éventré contre ma poitrine et le berce.
-Dodo l’enfant do
L’enfant dormira bien vite
Dodo l’enfant do
L’enfant dormira bientôt…

Le coton est rouge, poisseux. J’ai pleuré et j’ai dormi. C’est étrange. Depuis que je sers le Château, je pleure rouge. La seule fois où ça m’est arrivé c’est quand l’horrible Devos s’est amusé, prétextant chercher s’il était possible que mon don puisse être canalisé par la vue (auquel cas il m’aurait crevé les yeux), à verser des substances irritantes dans mes yeux et à l’aide d’aiguilles à tricoter…
-Ne pense pas à ça. Tu as pleuré du sang parce que Devos t’as rendue plus forte. Comme le Château. Il t’as rendue plus forte, plus résistante. Il a même fait remarqué que ton pourcentage a augmenté. Devos était un malade mental, encore pire que son copain Mungil, mais il t’as rendu plus forte, alors que l’autre n’a fait que t’affaiblir. Le Château est bon.
Je regarde le coussin mort. Il y a du sang. C’est bon le sang, même le mien. Quand j’étais dans ma pièce je tuais tout ce qui approchait. Mais je n’ai pas tué Sakura, Robin et Lucy. Je n’ai pas tué Lucy tout court. Ou alors je n’ai pas fait exprès. Je ne sais pas trop. Mais je n’ai pas voulu. J’aime la torture, mais je ne l’approuve pas forcément. Être en perpétuelle noyade, c’est pas vraiment du fun.
Bon assez divagué, j’ai trop soif.
Je m’empare d’un bout de coton rosâtre, cœur de ce pauvre coussin, et le tord au dessus de ma bouche entrouverte. Trois gouttes sucrées tombent et je les avale goulûment. C’est délicieux. Il faudrait que je me trouve une autre victime, le manque ça rend irritable.
Je me lève, met un bout du coussin épargné dans ma poche et je me lève. Il est temps de repartir.
-Tu l’as dit, coussin. Par la bataille, pour le Château !!!

Autrice : Sakura en sucre, sous le pseudo « Sakura en sucre »

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