Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA SALLE DES PLANTES VERTES ABOMINABLEMENT ETHIQUES
LA SALLE DES PLANTES VERTES ABOMINABLEMENT ETHIQUES

LA SALLE DES PLANTES VERTES ABOMINABLEMENT ETHIQUES

Pièce n°1809
Écrite par Louve

Il a ouvert une porte et il m’a laissée là… En ricanant comme un méchant. Ça m’apprendra à être gentille avec les gens.

J’observe un peu autour de moi. Il fait très, très, très noir. J’attrape ma batterie externe et j’y branche Quintilienne, ma lampe-torche.

Autour de moi, il y a… des plantes ? Je suis dans un terrarium ? Tant qu’il n’y a pas de bestiole horrible ou de douche froide maléfique, tout me va. Sauf si je dois y passer les quatre-cent machin truc prochaines années de ma vie. Etonnamment, je suis pas fan de l’idée.

Faut que je trouve un moyen de sortir de là. Je mastique, la bouche ouverte, mon biscuit pour bébé. C’est ma seule nourriture de la journée : il faut que je trouve les cuisines bientôt, sinon, je vais manger le monsieur au costume de grenouille. Ce serait dommage, c’est un super réservoir d’énergie pour Harold et Quintilienne.

Je tourne sur moi-même à la recherche de la porte : je suis entrée… Je dois pouvoir ressortir ! Mais autour de moi, il n’y a que des plantes vertes.

— Nicomaque ! appelle une voix au loin.

Je braque ma lampe en direction de la voix… Les plantes ont une bouche… Et elles parlent… C’est à la fois terrifiant et… Ouais, non, juste terrifiant en fait.

— Protagoras, est-ce que c’est la nouvelle…

— Non, Epicure, c’est juste une prisonnière !

— Eh, Marc-Aurèle, tu penses qu’elle va poser quoi comme question ?

— Vous croyez que j’vous entends pas ?! C’est pas parce que j’prends qu’une douche tous les deux mois qu’j’oublie de m’laver les oreilles ! Faites-moi sortir d’là !

Je croise les bras sur ma poitrine.

— Bonjour, déjà, lance une plante d’un ton méprisant. Je m’appelle Corax.

— Nan. J’dis pas bonjour.

— « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle ».

— Bah, ça s’rait très bien. Plus d’débat entre ceux qui disent bonjour et bonsoir. J’peux sortir, maintenant ?

— Non ! Tu ne peux pas sortir ! On ne sort pas de cette pièce à moins de réussir le test d’éthique…

— Le test des tiques ? Je sais super bien les enlever ! Pour ça, j’ai toujours Patrick, mon tire-tique ! J’peux sortir du coup ?

Je leur montre Patrick – parce que j’en suis très fière, on fait une super équipe toustes les deux.

— Le test d’éthique ! En un seul mot ! Même que c’est le test à Nicomaque ! précise Corax.

Aaaaaaaah. Je m’assois par terre, prête à engager mon test. De toute façon, il faut que je puisse sortir de là, sinon, je vais manger ces plantes, et je suis pas sûre qu’elles trouvent ça éthique.

— Bon, vas-y, Nicomaque, fais-lui ton test, qu’on en finisse, lâche Marc-Aurèle.

— Il faut trouver une question philosophique à laquelle ni notre maître ni ses disciples n’ont répondu…

— Nous avons tous essayé, reprend Protagoras. Nous n’avons jamais réussi…

— Même moi, Epicure ! J’ai inventé toute une philosophie, et pourtant, je n’ai jamais trouvé mieux que Socrate… J’ai voulu me comparer à lui… Je suis devenu une plante verte !

Il se met à pleurer. J’ai presque – je dis bien presque – envie de lui faire un câlin. Mais de toute façon, c’est une liane. Ça serait ridicule. Et puis j’aime pas les câlins.

— La légende dit, raconte Nicomaque, que lorsque quelqu’un saura poser une question à laquelle la SPA n’a pas su répondre, toutes les plantes vertes seront libérées de cette salle. Tu n’as qu’un seul essai. Si tu échoues, tu deviendras comme nous.

Je réfléchis : j’ai très envie de sortir. Pas envie de devenir une plante verte : j’aime manger, moi. D’ailleurs, mon ventre crie famine, il va falloir que je sorte VITE de là. Une question à laquelle Socrate n’a pas répondu… Je sais pas de quoi il parle, Socrate. Je l’ai jamais lu. J’aime pas lire, en fait. Surtout pas Socrate. Par contre, ça doit faire des super allume-feux.

Je réfléchis très vite, parce que j’ai FAIM. Je mangerais bien une fondue savoyarde. Ou une raclette. Oh, oui, une raclette !

— Oh ! J’ai une idée ! M’écrié-je. Je sais quelle question poser !

Les plantes retiennent leur respiration.

— Vas-y ! s’écrie Protagoras, à bout de souffle.

— Est-ce qu’on prononce le X à la fin de Chamonix ?

Des dizaines d’humains déboulent d’un seul coup. La lumière du jour apparaît : les plantes vertes cachaient la lumière. Ils hurlent :

— TU NOUS AS SAUVES ! MER-

Avant qu’ils n’aient le temps de finir leurs remerciements – j’y suis allergique, je commence à avoir des boutons sur les mains – je franchis la porte vers l’extérieur.

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Un commentaire

  1. J’adore !! Je m’attendais un peu à une question aussi absurde pour la fin, mais le dialogue entre les plantes-philosophes est vraiment croustillant et drôle. Ca y est, Epicure et les autres ont été piégés à jamais dans le Château… si ça n’est pas le signe que le Château contient tout notre univers.

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