JUSTE DERRIÈRE LE RIDEAU DE LA SCÈNE
JUSTE DERRIÈRE LE RIDEAU DE LA SCÈNE

JUSTE DERRIÈRE LE RIDEAU DE LA SCÈNE

Pièce n°1862
Écrite par Sol'stice
Explorée par Loan

 L’épais rideau qui retombe dans mon dos ne suffit pas tout à fait à faire taire la rumeur furieuse des gradins. Le mouvement du tissu attire l’attention de la danseuse juste à côté de moi et, de proche en proche, leurs têtes se tournent toutes dans ma direction. Je me sens tout petit, face à leurs regards perçants, leurs maquillages sévères et leurs postures droites. Aucune d’entre elles n’est ma danseuse. Leurs yeux m’interrogent, je les entends murmurer entre elles.
 — Sa… salut ! bredouillé-je en levant timidement la main, cherchant vainement les mots pour leur faire comprendre mes intentions.
 Un bruit de grelot s’échappe de ma poche tandis que la tête du lutin en jaillit. Le son attire leur attention. Dès qu’elles aperçoivent mon petit compagnon, des sourires fleurissent sur leurs visages peints et la tension étrange créée par mon intrusion retombe. La plus proche tend ses doigts, fins, graciles, pour effleurer la capuche du lutin qui tintinnabule en réponse, soulevant une vague de rires étouffés. Je souffle, soulagé, ose enfin formuler ma requête :
 — Hum… excusez-moi de vous déranger… Je… je cherche une danseuse, mais… pas n’importe laquelle… Elle… elle est à peu près grande comme ça, et…
 J’entreprends de décrire l’image qui s’est imprimée dans mon esprit, m’aidant de mes phrases et de mes gestes pour me faire comprendre au mieux, du moins je l’espère. Elles m’écoutent avec attention, certaines au fond se penchent, comme une arabesque gracieuse, pour mieux m’entendre. Quand enfin je tombe à court de mots, je reste là, les bras à moitié levés, et conclus comme je peux :
 — Vous… vous pouvez m’aider… s’il vous plait ?
 Avec une synchronicité déconcertante, elles se tournent toutes vers l’une d’entre elles qui se tapote pensivement la lèvre. Puis elle fait un signe à sa voisine. Celle-ci se faufile alors dans leurs rangs, d’un pas léger et dansant, avant de revenir vers moi et me tendre ce qu’elle tient : une boîte. Un cube de bois peint, finement décoré, ouvragé, avec un petit loquet doré pour l’ouvrir en deux, enveloppé dans une douce étoffe. Timidement, je tends les mains pour l’attraper et elle attend patiemment, sur la pointe des pieds et les bras stables. Celle qui lui a fait signe au départ prend la parole, et c’est comme si elles parlaient toutes en même temps d’une seule voix :
 — Prends la boîte à musique. La danseuse que tu cherches… Quand tu la trouveras, et seulement quand tu la trouveras, tu ouvriras la boîte.
 — Hum… Me… merci…
 Je saisis le paquet, les coins du tissu repliés sur la boîte, même si je ne comprends pas tout ce qu’il se passe. Comme si elle entendait mes pensées, la danseuse incline délicatement la tête sur le côté.
 — Tu vas la trouver, ne t’inquiète pas. Mais fais bien attention. N’ouvre la boîte que lorsque tu l’auras trouvée… et avant qu’elle ne t’échappe. Nous allons te montrer la sortie maintenant, nous devons bientôt y retourner.
 Derrière le rideau, les protestations ont cédé la place à des applaudissements polis et des murmures impatients. Le spectacle va bientôt commencer ! Calant la boîte sous mon bras, j’emboîte le pas d’une des danseuses qui me fait signe. À sa suite, je me faufile dans l’étroit passage entre le mur et le rideau, encombré de caisses, cordes, planches et matériel en tout genre, dans lequel patientent les danseuses avant de retourner sur scène. Mes déplacements sont bien moins élégants que les siens. Elle se glisse entre les obstacles comme s’ils n’existaient pas, je me cogne à chacun d’eux, elle semble flotter au-dessus du sol, chaque fois que je pose les pieds, les planches craquent. Les regards des danseuses me suivent tandis que l’on passe au milieu d’elles, et la manière dont elles tournent la tête pour ne pas me perdre de vue me paraît irréel. Elles sourient quand le lutin secoue la tête et son grelot devant elles. Enfin, nous nous arrêtons devant une autre tenture qui bloque le passage. Ma guide en tire un pan, dévoilant un étroit passage.
 — Par ici !
 — Merci.
 Je m’aventure dans l’ouverture, me retourne pour les saluer tandis qu’elles retournent déjà sur scène. Celle qui m’a guidé m’abandonne à son tour pour les rejoindre et le bout de rideau retombe, me coupant la vue.

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