la p’tite moustache as la p’tite moustache
Je dérape et manque de m’étaler sur le sol glissant. Derrière nous, la porte de l’armoire a disparut. Sans surprises. Au Château des Cent Mille Pièces, aucun retour en arrière n’est possible. Avec un petit pincement au cœur, je songe au Père Noël et à Enora, transportés dans la pièce des Captifs. J’espère qu’ils n’auront pas d’ennuis et que nous les retrouverons bientôt…
– Alors tu viens ?
– Tu ne peux plus rien faire pour eux de toute façon…
Je me reprends. Trop occupée à réfléchir au sort de ceux que j’ai quitté pour le moment, je n’ai pas fait attention à mes compagnons qui eux, explorent déjà la salle.
Celle-ci est très vaste mais barrée à sa moitié par un rideau de flammes partant du plafond jusqu’au sol et s’étalant de chaque côté et qui nous empêche de passer. Je m’approche. Une vive chaleur en émane, impossible de le traverser.
Désespérée, je me laisse tomber à terre. Pourquoi ? Pourquoi est ce toujours si difficile ? Je n’ose pas croiser le regard de Garette et Hernest, honteuse de baisser les bras aussi vite.
C’est alors que je remarque que le sol est irrégulier. Il est carrelé mais certains carreaux sont plus haut que les autres et dépassent comme des marches. Je les examine avec plus d’attention, perplexe. Sur chacun de ces cubes, une lettre est gravée ! Je suis assise sur un « E », devant moi se trouve un « M », à ma gauche… Une dizaine de lettres est éparpillée dans toute la salle.
– Venez voir ! Je crie, excitée, à la cantonade.
Ils se détachent de leur contemplation des flammes et me rejoignent, en prenant soin de ne pas trébucher. Il faut dire que ce sol glissant comme une patinoire et ces obstacles de lettres n’arrangent pas les choses ! Bientôt, nous sommes tous les trois penchés au dessus du « M », réfléchissant en quoi il pourrait bien nous servir. Il est évident qu’il faut assembler les lettres en un mot précis pour que les flammes s’écartent et nous laissent partir mais… quel mot ? Nous ne sommes presque pas plus avancés que tout à l’heure.
Soudain, une voix rauque venant de nulle part retentit dans la pièce. Elle récite ces quelques vers :
« En diagonale, les trois mots sont écrit.
Bouge et déplace les lettres,
Fait fonctionner ta tête,
Ce n’est qu’un jeu d’esprit.
Pour découvrir le quatrième,
Qui formera une expression
Avec plus ou moins le même thème
Et chacun des trois s’uniront.
Enfin le passage s’ouvrira
A celui dont la logique est la plus démente
Les faibles d’esprit resteront là bas
Seul passeront les personnes intelligentes. »
Nous nous regardons en silence. Hernest a les sourcils froncés et je m’efforce de faire fonctionner mes méninges. Qu’est ce que cela veux dire ? Ma petite voix me vient en aide :
« Réfléchit ! Tu ne te rappelles pas de ce qu’il a dit ? Il faut trouver un mot qui formera une expression avec chacun des trois mots écrits sur le sol. »
– Là ! S’exclame Garette ! Regardez un mot !
Nous nous regroupons à côté d’elle. En effet, un peu plus loin sur le sol, quatre lettres alignés en diagonale forment le mot : Mise. Je reste interdite :
– Mise ? Mais qu’est ce que cela veut dire ?
« Patience il faut trouver les autres ! »
– Ici ! S’écrie soudain Hernest, pointant du doigt le mot « Crime » inscrit un peu plus loin.
Il trouve aussi le mot « Entrée », où j’étais assise plus tôt. Moi, toutes ses lettres me donnent le tournis. Mais j’essaie de faire bonne figure car pour l’instant, je n’ai rien trouvé :
– Mise, Crime, Entrée… Quel mot peut avoir un rapport avec tout cela ?
Je réfléchis, nous réfléchissons tellement que j’ai l’impression de sentir mes neurones brûler sous l’effet de ma réflexion. Mise… Quel expression je connais avec mise ? Mise en plis… Mais le plis du crime, cela ne veut rien dire ! Porte d’entrée… Moui… mise à la porte ça peut plus ou moins marcher mais… avec Crime ?? La porte du crime ? Pff…
J’en ai rapidement ras le bol. Les énigmes n’ont jamais été mon point fort et celle-ci est une vraie colle ! Mes compagnons ne sont pas plus avancés que moi.
– Pff… grogne Garette, on n’y arrivera jamais !
– Laissons tomber pour le moment, peut être que l’inspiration viendra au moment où l’on s’y attendra le moins…
Je m’assois par terre et essaie de me détendre. Hélas, le désespoir me gagne et j’ai bien peur de ne jamais sortir de cette pièce ! Comment viendrais-je en aide à Emerence et retrouverais-je mes parents si je ne parviens pas à sortir d’ici ? « Calme-toi, m’intime ma petite voix, ce n’est pas le moment de nous faire ta petite scène dramatique ! Nous avons d’autres chats à fouetter ! Il y a toujours de l’espoir, n’abandonne jamais tant que tu peux respirer ! »
Je me mors la lèvre et prend sur moi pour ne pas éclater en sanglots. Je ne supporte pas son air de donneuse de leçons. Qu’elle se mêle de ses affaires ! Et je ferai ma scène dramatique si j’en ai envie, voilà (je peux être vraiment boudeuse quand je le veux, vous avez remarqué ?) ! A moins que…
– Scène… Scène ! Mais tu es un génie !
Mes amis me regardent bizarrement. Ouille… Dans mon excitation, je me suis exprimée à haute voix ! Je peux parfois paraître très étrange aux yeux de ceux qui ne me connaissent pas bien. En ce moment là particulièrement. Je m’explique :
– Le mot c’est « scène » ! Regardez, il s’adapte parfaitement : Une mise en scène, une scène de crime et…
– Une entrée en scène, complète Hernest le sourire aux lèvres.
Aussitôt, nous nous empressons de déplacer les lettres du sol, tâche qui s’avère facile car celui ci est très glissant. Avec des lettres de chaque mots, nous formons le fameux mot de passe. Puis nous attendons.
Mais rien ne se passe. Avons-nous fait une erreur ? Impossible pourtant ! Le poème disait clairement qu’il fallait déplacer les lettres, trouver un mot qui formerait une expression avec Mise, Crime et Entrée et qu’ensuite le passage s’ouvrirait… Où nous sommes nous trompés ?
– En diagonale les trois mots sont écrits… commence à réciter Hernest. C’est évident, non ? Il nous faut écrire en diagonale comme avant !
– Tu aurais pu le dire plus tôt ! Ou alors c’était tellement évident que tu souhaitais nous laisser trouver toutes seules ? Demande Garette, agressive.
– Je venais seulement d’y penser ! Riposte le lutin agacé.
– Ah oui ? Et bien…
– Et si on se dépêchait d’écrire ce fichu mot ? Je n’ai pas vraiment envie de moisir ici ! Coupais-je, mettant un terme à leur dispute.
Je déplace les gros cubes, pressée d’en finir. Quand le mot « scène » est écrit en diagonale, un craquement ce fait entendre, la faible lumière disparaît en même temps que la chaleur. Normal, les flammes ont disparut. A la place, une petite porte de pierre se dresse, grande ouverte. Sans réfléchir (cette pièce me l’a trop fait faire), je m’élance en courant sur le sol encore un peu chaud et traverse vivement l’ouverture. Au dernier moment, Garette me demande :
– Au fait Orianne, tu parlais à qui tout à l’heure ?
Je souris mais ne répond pas. Les explications viendront plus tard. Dans l’autre pièce, nous aurons tout le temps…