Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LES ESCALIERS GRAVÉS ET DOUILLETS
LES ESCALIERS GRAVÉS ET DOUILLETS

LES ESCALIERS GRAVÉS ET DOUILLETS

Pièce n°1813
Écrite par Sol'stice
Explorée par Loan

Je descends. Je descends. Je descends, encore. Je descends les escaliers qui ne semblent pas avoir de fin, comme si pour atteindre le fond de la tombe je devais d’abord arriver aux enfers. Les marches s’enchaînent, il y en a toujours une autre après la précédente. Elles sont égales, rendant ma progression régulière, même si je me méfie d’en trouver une qui glissera sous mon pas. En l’absence de rampe, je passe mes doigts sur le mur, pour me rassurer, avoir un appui. Pour m’éclairer aussi. Car sous le passage de ma main, la pierre s’illumine, en formes gravées et pourtant lisses. Elles se ressemblent, malgré leurs différences, et se répètent parfois, comme des motifs. Carrés creux, pleins, reliés, on dirait une langue que je ne peux comprendre, et qui ne m’est pas destinée. Et pendant ce temps, je descends encore. Et si elles se lisent réellement, dans quel sens ? Pourquoi de grands espaces vides, parfois, près du plafond ou au ras du sol ? Sont-ce seulement des parts manquantes, comme celles qui semblent raturées, effacées par celles et ceux qui les ont créées, parfois par le passage du temps, ou leur absence a-t-elle elle aussi un sens ? Je me plais, à réfléchir à leurs mystères, baignant dans la lueur bleuté qui accompagne le contact de ma paume sur la roche. Je crois que derrière moi, leur éclat persiste longtemps, mais je n’ai pas envie de remonter pour vérifier. Je descends, je descends encore. Et si c’était les prières des morts enterrés là ? À moins qu’une fois de plus le passage n’ait aucun lien entre son départ et son arrivée. La secousse de mes propres pas me berce, comme elle berce le lutin qui a sorti sa tête de ma poche et s’accroche à son bord, dodelinant, prêt à sombrer dans le sommeil. Je m’endormirais bien aussi, avec la chaleur des profondeurs qui imprègne le passage qui descend. Encore. Et je descends. Encore. Oui, je pourrais presque m’endormir debout, alors je me force à scruter, à mémoriser chaque détail des gravures, à retenir les motifs qui se répètent, leurs enchainements comme une chanson. Je leur invente des sons, comme j’imagine que chaque forme pourrait sonner si quelqu’un la prononçait à voix haute. Comme si je la prononçais à voix haute. Ma voix répète les sons inarticulés, lèvres fermés, qui se répercutent entre les parois pour accompagner ma descente, encore, toujours, pour combler l’espace du silence et du temps qui s’étire, pour faire la conversation avec moi-même et, peut-être, il est doux de rêver, celles et ceux qui ont gravé. Il serait en effet plus doux de rêver que de descendre sans savoir quand ça s’arrêtera. Je peux bien m’accorder une pause, non ? Le temps de souffler, le temps de rêver, un peu, avant de descendre toujours, encore. Quand j’appuie mon dos contre la pierre en m’asseyant sur la marche où je me trouve, la lumière se fait plus vive. La roche est tiède, à travers mes vêtements. Dans ma poche, le lutin s’est assoupi. Je ferme les paupières, me plongeant dans la pénombre, et je

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2 commentaires

  1. Oooooooh j’adore lire des esquisses à propos de la langue du Château, j’aime trop le fait qu’on commence à en parler, à la découvrir, avant qu’elle ne soit complètement créée, c’est tellement château comme façon de faire !
    Une pièce très agréable à lire en tout cas, ton style est extrêmement fluide, c’est un plaisir. 🙂

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