LA TOMBE OÙ JE FAIS UNE PAUSE

Pièce n°1794
Écrite par Sol'stice
Explorée par Loan

Comme une pluie d’avril, je tombe. Je tousse, je crache, recroquevillé dans la flaque qui a accompagné ma chute. Quand je suis enfin certain du bon fonctionnement de mes poumons, je me redresse enfin. Les gravillons de l’allée où je me trouve s’enfoncent dans mes paumes tandis que j’embrasse mon environnement du regard. Deux rangées de tombes disparates, qui se répètent encore et encore. Un cimetière. Le temps de retrouver mes esprits, je m’assoie sur le caveau le plus proche, marmonnant une vague excuse à ses occupants. Dans ma poche, ça remue. Le lutin s’en extrait et entreprend d’essorer son chapeau avec application. Je devrais l’imiter, rester dans mes habits trempés n’est pas une bonne idée, mais je suis trop las. Avec un long soupir, je promène mon attention sur le cimetière. Il est calme et paisible. Les tombes muettes s’alignent, plus ou moins récentes, plus ou moins bien entretenues. Par endroit, la végétation et le temps ont repris leurs droits, craquent et recouvrent les noms des disparus. Aucun signe de ma danseuse. Je lève la tête. Le ciel voilé ne laisse nullement présager l’océan où j’étais ni comment j’ai pu tomber ici. Une nouvelle fois, je soupire. Le lutin a fini de se sécher et s’appuie contre une plaque. À notre cher disparu puis-je y lire, en lettres dorées à moitié effacées. Un instant, la nostalgie me traverse – que pensent ma famille, mes proches ? Ont-ils écrit mon nom sur le caveau familial en me pensant mort ? – avant de s’en aller sans attarder son lourd manteau. J’ai fait la paix avec mon départ depuis longtemps, leur opinion ne m’intéresse guère.
 — On y va ? invité-je le lutin, lui ouvrant ma poche.
Il y saute pour toute réponse. Je me lève, remercie ceux dont la dernière demeure a accueilli ma pause, et remonte l’allée jusqu’à trouver un caveau ouvert. Là, je m’avance et me penche pour m’enfoncer à l’intérieur.