Pièce n°1845
Écrite par didou
Explorée par Altixor
— L’heure du Jugement est arrivée.
— Oh, mais avec grand plaisir.
Je sais ce que vous allez dire. Encore un tribunal ? Ne devrais-tu pas le réduire en miettes ? Tourner en ridicule la parodie de justice que le Château souhaite mettre en place ?
Oui. Vous avez raison.
Enfin, vous auriez raison si je laissais quiconque me donner des ordres. Et surtout, surtout, si mon juge n’avait pas l’apparence d’une balance. Que suis-je censé faire contre une balance, neh ? Casser ses coupoles ?
— Finissons-en, soufflais-je. Qu’est-ce qui est mesuré ? Ma grandeur ? Ma puissance ? Ma beauté peut-être ? Tu remarqueras le teint superbe qui me sied. Les pièces du château n’ont jamais pu le ternir et ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé ! Et tu aurais dû me voir avec mon chapeau. Sélectionné parmi des milliers, il mettait en avant comme aucun autre les galbes de… humpf !
L’assaut me prend par surprise. Pas longtemps. En un instant, je me ressaisis et tranche du plat de la main le filament de lumière entré dans ma bouche et relié à la balance. Une rage sourde s’empare alors de moi. Mes muscles se tendent, prêts à l’action.
— Tendance à la répétition, déclare cette dernière. Mêmes mots. Même sujet. Mêmes structures de phrases. Intérêt nul. Note minimale.
D’accord. Je veux bien l’admettre. Vous aviez raison. J’aurais dû détruire cette foutue balance d’entrée de jeu.
— Je suis Yubi al-Deus, Az Eros l’immortel, Babès le Grand, énumère-je en m’avançant d’un pas. Subis le courroux de ma colère !
Déjà, je lève mon bras mais plutôt que de m’affronter en combat singulier, la balance préfère fuir. Elle s’enfonce dans le sol avec un halo de lumière avant de disparaître, si couarde que même ma vitesse supersonique ne suffit à l’en empêcher.
— Lâche ! je hurle. Tu auras beau te cacher, aucune pièce ne pourra te soustraire à ma vengeance ! Je les explorerai une à une pour te retrouver. Altixor le conquérant ! Altixor le conquérant viendra pour toi.
Le silence seul me répond et je pousse un long cri de rancœur. D’abord un procureur humain puis la voix dans le plafond, ensuite le bouffon et maintenant une balance ?
Je ne peux plus l’accepter. Il est temps que l’on réapprenne à me craindre. Il est temps que le château tremble de nouveau à l’annonce de mon nom. Je serre les poings. Et avec un feu que seule la mort de mes ennemis pourrait éteindre dans la poitrine, traverse la porte de la pièce
« si mon juge n’avait pas l’air d’une balance » Je ne sais pas si c’est fait exprès mais j’ai beaucoup ri en faisant le parallèle avec le sens familier du mot balance !
Cette balance est curieuse et nous fait même oublier le cadre physique du tribunal… Je trouve ça intéressant qu’elle mette en avant la tendance à la répétition de Yubi al-Deus, vraiment caractéristique de ta narration. Ca me fait souvent penser au style épique antique (avec les épithètes homériques) ou peut-être à la poésie médiévale (mais je connais moins).