Pièce n°1844
Écrite par Sol'stice
Explorée par Loan
L’immense porte se referme avec un claquement sourd qui résonne longuement dans le nouveau lieu où je me trouve. Chaud. Moite. Pénombre. Ce dernier point ne change pas vraiment de là où j’évoluais avant, même si le manque de lumière est plus marqué. Le peu de cette dernière présente se diffuse dans la brume qui imprègne l’air. Étouffante. Elle compresse mes poumons, liquide dans ma bouche. Chaud, il fait chaud. Je transpire probablement abondamment, mais la transpiration se mélange à la condensation sur ma peau et ne m’apporte aucun réconfort. Je tire, sans grand effet, sur mon col, en quête d’air qui ne vient pas. Les paupières plissées, je scrute l’obscurité devant moi. Rien de discernable, si ce n’est des murs de carreaux colorées, eux aussi perlés d’une sueur qui n’est pas la leur.
— Et maintenant ?
Je ne fais que murmurer mais ma demande sans réelle destinataire se prolonge dans le vaste noir ouvert devant moi et bruisse, comme reflété par la brume. Le léger tintement de grelot qui s’élève lorsque mon lutin secoue la tête, impuissant, connaît la même destinée. Je les écoute s’éteindre, mettre longtemps à mourir. Je déglutis. Je n’ai pas très envie d’avancer à l’aveugle vers l’inconnu. Un instant, mon bras se tend sur le côté, mon regard cherche des traces sur le mur des mêmes symboles que ceux gravés dans les escaliers sous la tombe. Moyen de m’éclairer. Mais l’appréhension me retient. Je ne peux savoir avec certitude à quel point et de quelle manière les différents évènements sont liés, cependant la peur de revoir surgir les murmures se fait glacée en glissant le long de mon dos, dans un coin de mon esprit. Alors je m’abstiens. À la place, j’avance un pas prudent, un premier, sur le carrelage qui recouvre également le sol. Je ramène mon pied contre l’autre, recommence mon étrange progression en crabe.
C’est lent, terriblement lent. Mais ça fonctionne. À peu près. En avançant de cette manière, je distingue au fur et à mesure ce qui est proche de moi. C’est-à-dire pas grand chose. C’est vide. Sol, murs et plafond de carrelage, brume omniprésente, qui alourdit mes vêtements déjà rendus pénibles par la chaleur. La moiteur rend le lutin somnolent, agrippé au rebord de ma poche, sa tête dodeline. Une goutte grossit au bout de son grelot, tombe de temps en temps lorsqu’elle est trop grosse avant de réapparaître aussitôt. Plic. Ploc. Je me lèche les lèvres, reprends la respiration par la bouche, entrouverte, que j’ai trouvé être la moins pénible dans l’environnement. Ce dernier n’est pas hostile. Seulement… oppressant. Combien de temps cela va-t-il encore durer ? Comment suis-je censé chercher une sortie dans des conditions pareilles ? Je bats des paupières, les gouttes qui s’accrochent à mes cils tombent, roulent sur mes joues, vont se perdre dans mon col déjà détrempé. Quelque part, ailleurs, difficile à dire entre les échos qui se répètent, la brume bruisse, s’égoutte, coule. Murmure. À nouveau, je frissonne, me dépêche d’occuper mes pensées ailleurs. La sortie, donc.
Depuis le début, j’ai l’impression d’avancer dans un long couloir, plutôt large, assez pour que je puisse, je pense, tendre les deux bras de part et d’autre sans toucher les murs. Régulièrement, des renfoncements creusent un peu plus l’obscurité. Ils sont tous identiques, recoins de deux mètres sur autant, bordés de bancs, encore en carrelage, intégrés au mur-même. Seule l’appréhension de rater la sortie par inadvertance me force à continuer à les explorer un à un, alors qu’ils se ressemblent tous. Enfin, presque tous. Parce que celui dans lequel je viens d’entrer n’est pas vide. Il y a des gens dedans. D’abord, je plisse les paupières sans comprendre à quoi correspondent les masses sombres tachées de clair devant moi. Puis je réalise. Des gens, des personnes, nues, assises sur les bancs de carrelage, uniquement drapées de serviettes autour de la taille. Mon cœur s’emballe, terrifié par la rencontre imprévue. Mais rien en bouge. Ils – qui qu’ils soient – ne bougent pas. Assis, la tête baissée, ils sont immobiles, masses immuables. Je force ma respiration à ralentir, d’autant plus qu’hyperventiler dans la moiteur est compliqué et désagréable. Mais alors que je retrouve un semblant de sérénité, l’individu en face de moi relève la tête. Par réflexe, je recule, étouffant un cri dans un glapissement qui reprend de plus belle quand mon mouvement précipité me fait perdre les appuis sur le sol glissant. Grelot qui tinte, juron, je me rattrape comme je peux, lançant les bras au hasard. M’accroche au mur juste à côté de moi. Qui s’illumine. Bleu luminescent qui se diffuse dans la brume. Sous ma paume, des symboles similaires à ceux dans les escaliers s’éclairent et leur lumière se propage sur tout le mur, le plafond, le sol. Les lieux jusqu’à maintenant plongés dans la pénombre baignent désormais dans une lueur colorée, diffuse, éblouissante. Devant moi, ailleurs, ça bruisse, contrarié que la quiétude des lieux ait été perturbée. Que moi – intrus – ait dérangé leur tranquillité. Mon cœur repart aussi sec, alors que j’entends bouger, chuchoter, murmurer. Paniqué, je regarde autour de moi. Repère, dans la lumière providentielle, un cadre sombre au milieu du carrelage peint. La porte ! Sans plus aucune retenue, dérapant sur le sol humide, j’y cours, saisis la poignée. Ouf ! Ouvert ! Je m’accroche au montant le temps de me glisser dans l’ouverture, avivant d’autant la lumière. Le froid qui se glisse par l’interstice me donne le dernier coup de fouet nécessaire pour sortir.
Encore une belle pièce ! J’aurais adoré que Loan se fasse disputer pour sa tenue inadaptée au hammam. 😀 Je suis excitée dès que je vois apparaître des symboles évocateurs de la langue du Château…
Une question qui m’intrigue en lisant les pièces de Loan : qu’est-ce qui te pousse vers tel ou tel type de lieu ?
Alors, c’est surtout avec le hasard et l’inspiration sur le moment. Pour celle-là, j’ai vraiment demandé à l’amie à côté de moi de me donner un type de lieu, elle a dit « un hammam » et ainsi soit-il ^^
Merci pour ton commentaire !