L’INTERMINABLE ENFILADE DE COLONNADES
L’INTERMINABLE ENFILADE DE COLONNADES

L’INTERMINABLE ENFILADE DE COLONNADES

Pièce n°1840
Écrite par Sol'stice
Explorée par Loan

 Je marche et les colonnes se succèdent. À gauche et à droite, devant et derrière, à l’infini. Elles se ressemblent toutes, comme l’espace sombre et sans fond qui les sépare. Je pourrais marcher des années dans cette pièce sans en trouver la sortie et j’ai peur que, si je m’écarte d’un pas de l’allée dans laquelle j’avance, je me perdrais encore plus, si ça a seulement encore du sens. Mes pas sur le dallage du sol résonnent, longtemps, dans l’immensité du lieu, les échos de ceux passés se mélangent aux bruits des nouveaux. Pour combler le vide et le silence, je parle. Je parle au lutin, je dévide mes pensées et j’occupe l’espace de mes mots.
 — Tu sais ce qu’il s’est passé ? Non ? Tu n’as rien vu ? Hum… Je ne comprends pas… Je ne comprends pas ce qu’ils ont fait. Ou pas fait, je ne sais pas. Mais ils ont forcément fait quelque chose. Ils m’ont fait quelque chose. Je veux dire, c’était trop bizarre. Il ne peut pas s’être rien passé. J’entends encore leurs murmures… Brrr, j’en ai des frissons ! 
 Je me frotte les bras dans une tentative de réconfort, le lutin secoue doucement la tête, à gauche, à droite, dans un doux bruit de grelots. Mes paroles ne veulent toujours pas se tarir.
 — Ils m’ont peut-être enlevé quelque chose… Pourtant… 
 Je me palpe. Tous mes doigts, et mes orteils qui remuent dans mes chaussures. Tout est là. Je n’ai vu aucune trace d’ouverture refermée sur ma peau et mes cheveux sont toujours aussi – trop – longs, à me tomber presque dans les yeux. Rien ne manque.
 — Mais alors quoi ?
 Bruits de grelots, bruits de pas. Pièce qui semble ne jamais avoir de fin.
 — Tu crois… tu crois qu’ils m’ont ajouté quelque chose ?
 L’hypothèse sonne absurdement. Ajouté quoi ? Comment ? Pourtant, en la formulant, j’ai la sensation de sentir un poids nouveau sur mes épaules, sur un pan de ma conscience. Quelque chose en plus, dans mes pas, à chaque battement de mon cœur.  La sensation de me sentir d’un coup étranger dans mon propre corps, dans mon propre esprit. Je souffle dans une tentative de blague :
 — Imagine, j’ai des cornes qui me poussent. Ou des ailes.
 Mais mon rire forcé ne dupe personne. Je secoue la tête. Remarque la porte monumentale qui se dresse devant moi, entrouverte, juste assez pour me laisser m’y glisser. Je m’arrête devant, l’observe en me dévissant le cou se perdre vers les hauteurs invisibles du plafond.
 — Bah il y avait bien une sortie, finalement. Oh, au fait, tu sais quoi ?
 Grelots quand le lutin secoue la tête. Je souris en me faufilant par l’étroite ouverture.
 — Là-bas, là, à l’autel. J’ai revu la danseuse.

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